AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze décembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, de la société civile professionnelle Le GRIEL et de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- G... Roger,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, du 7 mars 2000, qui, pour violences avec préméditation, l'a condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-13, alinéa 1er, 9, 132-72, 222-44, 222-45 et 222-47, alinéa 1er, du Code pénal, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Roger G... coupable d'avoir, à Ploerdut, en tout cas dans le ressort judiciaire de Lorient, d'avril 1997 à fin janvier 1998, volontairement et avec préméditation, commis des voies de fait, en l'espèce en adressant des courriers et des photos obscènes à Marie-Claire B..., Eliane Z..., Eliane A..., Christelle X..., Aimée H... et Isabelle Y... et de l'avoir, en conséquence, condamné à la peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve ;
" aux motifs propres qu'il ressort de l'ensemble des lettres reçues par les victimes et de leurs déclarations que l'auteur des courriers savait parfaitement quel était le mode de vie de leurs destinataires ; que Roger G... connaissait chacune des victimes, ce qui n'est pas le cas des autres témoins interrogés par les services de gendarmerie et dont l'écriture ne comporte pas de ressemblances avec les courriers litigieux ; que l'étude graphologique effectuée par l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie conclut à un unique scripteur qui est Roger G... ; que cette étude est parfaitement crédible ; que de surcroît le simple examen des feuilles remis par le prévenu au tribunal et des lettres incriminées fait apparaître à l'évidence de telles similitudes que la Cour ne peut, au vu de ces divers éléments, que conclure à la culpabilité de Roger G... et confirmer le jugement (arrêt, page 5) ;
" et aux motifs, adoptés des premiers juges, qu'il apparaît ainsi qu'il a déjà été dit que Roger G... à un titre ou à un autre (travail, parenté, voisinage), connaît chacune des victimes et que l'expertise en écriture réalisée par l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie a conclu, sans réserve, que l'écriture était la sienne ; qu'alors qu'il lui était demandé, en garde à vue, de réaliser une page d'écriture, il maquillait manifestement celle-ci, laquelle, notamment au début, était très différente des spécimens trouvés à son domicile ; que, cependant, au fils des lignes, les automatismes revenant, elle se modifiait pour se rapprocher desdits spécimens ; qu'enfin, il remettait à l'audience 4 pages d'écriture qu'il disait avoir réalisées chez lui afin de convaincre le tribunal de son innocence ; que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, le tribunal étant expert de droit, la similitude entre lesdites pages et les lettres envoyées aux victimes est totale ; que la culpabilité de Roger G... est évidente et qu'il y a lieu de rentrer en voie de condamnation de manière sévère compte tenu du grave trouble apporté aux victimes grandement offensées dans leur pudeur (jugement, pages 4 et 5) ;
" 1) alors que seules des violences effectives, morales ou physiques, sont de nature à caractériser le délit de l'article 222-13 du Code pénal ;
" qu'ainsi, en se bornant à énoncer que Roger G... serait l'auteur des lettres anonymes qui, adressées aux parties civiles, renferment des obscénités et des photos pornographiques, pour en déduire que le demandeur devait être retenu dans les liens de la prévention du chef de violences volontaires, sans préciser en quoi le contenu de ces lettres aurait été de nature à affecter l'état de santé des parties civiles ou, à tout le moins, à provoquer pour elles une sérieuse émotion, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
" 2) alors que la préméditation qui, caractérisée par le dessein formé avant l'action de commettre un délit déterminé, constitue une circonstance aggravante des violences n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, doit être expressément constatée par les juges du fond, et recherchée dans les faits qui ont accompagné l'acte ;
" qu'ainsi, en se bornant à énoncer que le prévenu aurait envoyé aux parties civiles diverses lettres anonymes renfermant des obscénités et des photos pornographiques, pour en déduire que le demandeur devait être retenu dans les liens de la prévention du chef de violences volontaires avec préméditation, sans préciser en quoi aurait consisté cette préméditation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu que, pour déclarer Roger G... coupable de violences avec préméditation, l'arrêt attaqué énonce que, sur une période de plusieurs mois, il a adressé à six femmes de sa connaissance, à leur domicile ou sur leur lieu de travail, des lettres anonymes renfermant des obscénités les mettant en cause ainsi que leur entourage, accompagnées de photographies pornographiques ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il se déduit que les agissements prémédités du prévenu ont été de nature à impressionner vivement les destinataires des écrits, l'arrêt n'encourt pas la censure ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ferrari conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;