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28/11/2000 | FRANCE | N°99-87935

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 novembre 2000, 99-87935


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit novembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, de la société civile professionnelle BOULLOCHE et de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION IN

TERDEPARTEMENTALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX, partie civile,

contr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit novembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, de la société civile professionnelle BOULLOCHE et de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, du 16 novembre 1999, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Charles A... et Jean Z... des chefs d'exécution illégale de travaux sur un site naturel et de poursuite de travaux malgré interdiction administrative ;

Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 et 12 de la loi du 2 mai 1930, L. 146-1, L. 146-4, L. 146-6, R. 146-1, R. 146-2, L. 442-1, R. 442-1, L. 480-1 à L. 480-9 du Code de l'urbanisme, du décret du 23 juillet 1977 déclarant d'utilité publique la constitution de périmètres de protection autour de réservoirs sur les rives du lac de Sainte-Croix, des articles 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé les prévenus, Charles A... et Jean Z..., des fins de la poursuite fondée sur le fait d'avoir, à Aiguines, courant mars et avril 1995, exécuté des travaux sur un site naturel, les rives du lac de Sainte-croix, en élargissant une piste d'accès à la plage du Galetas, en y implantant un parking et en creusant des tranchées pour permettre l'implantation de canalisations et d'éclairages, sans information préalable de l'Administration et d'avoir débouté l'Association interdépartementale pour la protection du lac de Sainte-croix de sa demande de dommages et intérêts, de ce chef ;

"aux motifs que, "les prévenus ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel notamment pour avoir exécuté des travaux sur un site naturel sans information préalable de l'Administration et ce, en méconnaissance des lois et règlements, en l'espèce la loi du 3 janvier 1986 sur l'aménagement du littoral et le décret de déclaration d'utilité publique du 23 juillet 1977 ; qu'il résulte de l'article 4 de la loi du 2 mai 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites que l'inscription d'un site entraîne l'obligation de ne pas procéder à des travaux, autres que ceux d'exploitation courante en ce qui concerne les fonds ruraux et d'entretien normal en ce qui concerne les constructions, sans avoir avisé au moins 4 mois à l'avance l'Administration ; que Jean-Pierre X..., directeur départemental de l'Equipement, a déclaré que les travaux envisagés ne relevaient pas de la commission des sites s'agissant de travaux légers en site inscrit, mais de la procédure "d'installation et travaux divers" prévue par les articles L. 442-1 et R. 442-1 et suivants du Code de l'urbanisme, avec saisine et avis de l'architecte des bâtiments de France, qu'aucune enquête d'utilité publique n'était nécessaire ; que José Y..., chef de la subdivision d'Aups à la direction départementale de l'Equipement, a confirmé ses dires ;

que, de même, par lettre en date du 27 avril 1995, le préfet du Var a précisé que le dossier relevait de la seule procédure des "installations et travaux divers" s'agissant d'équipements légers à usage du public ; qu'en outre, il convient de constater que "l'Administration" a été informée des travaux envisagés, qu'il suffit de relever qu'une réunion relative à "l'aménagement des rives du lac de Sainte-Croix" s'est tenue le 16 décembre 1993 à la mairie d'Aiguines en présence de divers représentants de l'Etat ; que s'il résulte de la procédure et des procès-verbaux dressés par des agents assermentés de la direction départementale de l'équipement que les prévenus n'ont pas déposé avant le début des travaux la demande "d'autorisation des installations et travaux divers" prévue par les articles L. 442-1, R. 442-1 et suivants du Code de l'urbanisme, l'ordonnance de renvoi vise la seule absence d'information préalable de l'Administration de l'article 4 de la loi du 2 mai 1930 et non l'absence d'autorisation de l'article R. 442-1 du Code susvisé ; qu'en l'espèce, en l'état des poursuites, il convient, infirmant le jugement déféré, de renvoyer les prévenus du chef d'absence d'information préalable visé à la prévention sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils étaient tenus de déposer avant le début des travaux une demande dans le cadre de la procédure "d'installations et travaux divers", faute de poursuites de ce chef" ;

"alors que, d'une part, il résulte des constatations de l'arrêt infirmatif attaqué que les prévenus étaient poursuivis pour avoir exécuté des travaux sur un site naturel en élargissant une piste d'accès à la plage du Galetas, en y implantant un parking et en creusant des tranchées pour permettre l'implantation de canalisations et d'éclairages ; que de tels travaux se trouvaient formellement interdits par les articles 4 et 12 de la loi du 2 mai 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites ; qu'en affirmant qu'il s'agissait là "d'installations et travaux divers" prévus par les articles L. 442-1 et R. 442-1 et suivants du Code de l'urbanisme, peu important, à cet égard, les déclarations du directeur départemental de l'Equipement, du chef de la subdivision d'Aups à cette direction et du préfet du Var, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"alors que, d'autre part, les dispositions des articles L. 146-1, L. 146-4 et L. 146-6 du Code de l'urbanisme interdisent toute construction ou installation sur une bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs ne prévoyant que l'implantation d'aménagements légers, limitativement prévus par l'article R. 146-2 dudit Code ; qu'en admettant que les travaux susvisés relevaient des dispositions des articles L. 442-1 et R. 442-1 et suivants du Code de l'urbanisme en tant qu'installations et travaux divers, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"alors, en outre et en toute hypothèse, qu'il résulte de l'ordonnance de renvoi visée par l'arrêt infirmatif attaqué que les poursuites étaient fondées, notamment, sur la violation de l'article R. 442-1 du Code de l'urbanisme, de sorte que, de ce chef, l'arrêt qui affirme qu'elle vise la seule absence d'information préalable de l'Administration de l'article 4 de la loi du 2 mai 1930 et non l'absence d'autorisation de cet article R. 442-1 du Code susvisé ne se trouve pas légalement justifié ;

"alors, enfin, que si les juges correctionnels ne peuvent substituer des faits distincts à ceux de la prévention, ils ont le droit et le devoir de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification ; qu'en considérant que les travaux litigieux relevaient de la procédure prévue par les articles L. 442-1 et R. 442-1 et suivants du Code de l'urbanisme, après avoir relevé qu'il résultait de la procédure et des procès-verbaux dressés par des agents assermentés de la direction départementale de l'Equipement que les prévenus n'avaient pas respecté la procédure ainsi prévue, les juges du fond, qui ont estimé n'y avoir lieu de rechercher si les prévenus étaient tenus de déposer avant le début des travaux une demande dans le cadre de cette procédure, faute de poursuites, de ce chef, ont méconnu leur office" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la commune d'Aiguines a entrepris, au début du mois de mars 1995, en bordure du lac de Sainte-Croix, dont elle est riveraine, sous la maîtrise d'oeuvre de Jean Z..., des travaux consistant à élargir la piste d'accès à une place, à créer une aire de stationnement pour véhicules et à creuser une tranchée pour recevoir canalisations et câbles ; que ces travaux se sont poursuivis malgré une lettre du préfet, le 24 mars 1995, enjoignant au maire de les faire cesser ;

Que le lac de Sainte-Croix constitue à la fois un site naturel inscrit par un arrêté du 3 avril 1951 pris en vertu de la loi du 2 mai 1930, un plan d'eau intérieur régi par la loi du 3 janvier 1986 et un réservoir d'eau ayant fait l'objet d'un décret de déclaration d'utilité publique en date du 23 juillet 1977 ;

Qu'à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile de l'association départementale pour la protection du lac de Sainte-Croix, le maire de la commune d'Aiguines, Charles A..., et l'architecte Jean Z..., ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir "exécuté des travaux sur un site naturel... sans information préalable de l'Administration" et "poursuivi ces travaux malgré une décision administrative d'interruption, en méconnaissance de la loi du 3 janvier 1986 et du décret du 23 juillet 1977, faits prévus et réprimés par les articles 4, alinéa 4, 9, 12 et 21 de la loi du 3 mai 1930, L. 480-1 à L. 480-9, R. 146-2, L. 142-1, R. 442-1 du Code de l'urbanisme" ;

Que la cour d'appel, réformant la décision des premiers juges, a relaxé les deux prévenus et débouté la partie civile ;

Attendu que, pour renvoyer les prévenus des fins de la poursuite, l'arrêt énonce que l'Administration a été informée des travaux envisagés par Charles A... à l'occasion d'une réunion relative à l'aménagement des rives du lac de Sainte-Croix tenue le 16 décembre 1993, en présence de divers représentants de l'Etat ; que les juges ajoutent que, si les travaux concernés relèvent des articles L. 442-1 et R. 442-1 et suivants du Code de l'urbanisme, l'ordonnance de renvoi vise la seule absence d'information préalable de l'Administration, et non l'absence d'autorisation prévue par l'article R. 442-1 précité ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la réunion du 16 décembre 1993 ne pouvait constituer l'avis prévu par l'article 4 de la loi du 2 mai 1930 et que le défaut d'information de l'Administration impliquait nécessairement l'absence de l'autorisation prévue par l'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme, inexactement cité par la prévention, la cour d'appel, qui ne pouvait se borner à se référer à l'avis de l'Administration pour exclure l'application des articles L. 146-4, III, L. 146-6 et L. 146-7 dudit Code, issus de la loi du 3 janvier 1986 visée à la prévention, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen,

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 novembre 1999, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, MM. Roman, Mistral, Blondet conseillers de la chambre, Mmes Ferrari, Agostini conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-87935
Date de la décision : 28/11/2000
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 16 novembre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 nov. 2000, pourvoi n°99-87935


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.87935
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