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14/11/2000 | FRANCE | N°99-86216

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 novembre 2000, 99-86216


REJET du pourvoi formé par :
- la société Fruit of the Loom France,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 10 septembre 1999, qui, pour contraventions à la loi relative à l'emploi de la langue française, l'a condamnée à 671 amendes de 50 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 30 et 34 (devenu 36) du traité CE, articles 1er et 2 de la loi du 4 août 1994 et 1er du décret du 3 mars 1995, 131-13 et 132-7 du Code pénal, violation de la loi, défaut et manque de base lÃ

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" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michelle X... et Paul Y... coup...

REJET du pourvoi formé par :
- la société Fruit of the Loom France,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 10 septembre 1999, qui, pour contraventions à la loi relative à l'emploi de la langue française, l'a condamnée à 671 amendes de 50 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 30 et 34 (devenu 36) du traité CE, articles 1er et 2 de la loi du 4 août 1994 et 1er du décret du 3 mars 1995, 131-13 et 132-7 du Code pénal, violation de la loi, défaut et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michelle X... et Paul Y... coupables des faits visés par la prévention, à savoir rédaction d'un mode d'emploi ou de la notice d'utilisation d'un produit en langue étrangère, vêtement, étiquetage rédigé en anglais, en violation de l'article 4 du décret n° 95-240 du 3 mars 1995 et de l'article 131-41 du Code pénal, et l'a condamnée en conséquence à 671 amendes de 50 francs, outre le droit fixe de procédure dont les condamnés sont redevables ;
" aux motifs que, si la société Fruit of the Loom a estimé devoir faire inscrire, sur les étiquettes de ses vêtements, le texte incriminé dans une et même deux langues étrangères, dont il n'est au demeurant pas contestable que ledit texte n'est nullement obligatoire, c'est sur le fondement de la loi du 4 août 1994 qu'elle est poursuivie, et non sur l'un de ceux contenus dans le Code de la consommation ; que le moyen soulevé tendant à convaincre la Cour que le " consommateur moyen " est, quelle qu'ait été la langue employée, française ou étrangère, suffisamment informé, est inopérant dans le cadre de la prévention et ce, quel que soit le caractère facultatif des inscriptions incriminées et quel que soit leur caractère le cas échéant compréhensible ; que la société prévenue n'établit en aucune façon que la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française constituerait une entrave à la libre circulation des marchandises au sein de l'Union européenne en tant qu'instaurant une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation et qu'elle serait, comme telle, contraire aux articles 30 et suivants, notamment 36 du Traité de Rome ; que ladite loi, contrairement à ce que soutient la société prévenue, ne tend pas à réglementer l'étiquetage des produits du commerce mais généralement à imposer l'utilisation de la langue française, " élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France ", dans le cadre de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics ; qu'il y a lieu de rejeter les demandes formées par la société à responsabilité limitée Fruit of the Loom à ce titre et, par voie de conséquence, celle présentée à titre subsidiaire tendant à ce que la Cour pose une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes ; que, compte tenu de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la Cour et des débats à l'audience, il y a lieu, les faits étant constants, de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité de la société Fruit of the Loom ; qu'en répression, il y a lieu de faire une application plus sévère de la loi pénale ;
" alors, d'une part, que seul le fait de ne pas employer la langue française " dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien " constitue l'infraction reprochée à l'exclusion de l'importation et de la distribution en France d'un produit réalisé à l'étranger et qui ne saurait être soumis à une telle exigence de rédaction ; qu'en condamnant la société Fruit of the Loom, simple importateur en France des vêtements produits en Irlande et achetés auprès de la société Fruit of the Loom Ltd à Telford (Grande-Bretagne), sans avoir caractérisé en quoi la SARL Fruit of the Loom aurait participé à l'emploi sur les étiquettes en question des termes anglais reprochés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, qu'un Etat qui, sous couvert de protection de sa langue nationale tend à imposer sur l'ensemble de son territoire l'usage exclusif de cette langue dans le cadre de " l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics " et notamment dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service, contraint nécessairement l'exportateur étranger ou l'importateur local à modifier le conditionnement des marchandises communautaires dont s'agit et qui ne peuvent être directement commercialisées sur le territoire national ; qu'en sanctionnant la SARL Fruit of the Loom pour avoir importé, en violation de la loi du 4 août 1994, des vêtements originaires d'un autre pays de l'Union européenne dont l'étiquette portait au recto des mentions non obligatoires rédigées dans la langue du pays d'origine reprises au demeurant par des pictogrammes normalisés, la cour d'appel a ainsi méconnu le principe de libre circulation des marchandises et derechef violé les textes visés au moyen ;
" alors, de troisième part, que le fait, visé par l'article 1er du décret du 3 mars 1995, de ne pas employer la langue française dans la " désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien " ne constitue une infraction pénale que s'il est constitué dans les conditions prévues par la loi du 4 août 1994 ; qu'en ne précisant pas, en l'espèce, en quoi l'utilisation facultative de la langue anglaise rappelant, en marge de logotypes normalisés affectés principalement à cet usage, au verso de l'étiquette d'un vêtement d'usage banal, les conditions habituelles de son entretien, porterait atteinte à un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard des textes visés au moyen ;
" alors, subsidiairement, que, si la règle du non-cumul des peines n'est pas applicable en matière de contraventions, encore faut-il, pour que des condamnations cumulatives puissent être prononcées, que le prévenu ait commis plusieurs fautes distinctes, punissables séparément ; qu'en l'espèce, sur la base d'une déclaration de culpabilité unique, la cour d'appel ne pouvait multiplier le montant de la condamnation prononcée par autant de pièces irrégulièrement offertes à la vente sans derechef violer les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'occasion d'un contrôle effectué dans un supermarché, les agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes ont constaté que les étiquettes relatives aux modalités d'entretien, fixées sur les vêtements portant la marque " Fruit of the Loom " offerts à la vente, n'étaient rédigées qu'en langue anglaise ; que la société Fruit of the Loom France, ayant fourni cette marchandise fabriquée en Irlande, est poursuivie pour avoir contrevenu à la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, infraction prévue et punie par l'article 1er du décret du 3 mars 1995 pris pour son application ;
Que la prévenue a soutenu que, les conseils d'entretien des textiles n'étant pas des mentions obligatoires destinées à satisfaire des exigences de protection des consommateurs, l'obligation pénalement sanctionnée de rédiger l'étiquette en langue française, constituait une entrave au commerce intracommunautaire incompatible avec l'article 30, devenu article 28, du Traité CE ;
Attendu que, pour écarter ce moyen de défense et déclarer la prévenue coupable des infractions, les juges, par motifs adoptés, relèvent que les indications des étiquettes qui complétent les pictogrammes, constituent des mises en garde indispensables pour le consommateur ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que les indications en langue étrangère constituaient un mode d'utilisation du produit au sens de l'article 1er du décret du 3 mars 1995, et dès lors que, d'une part, la mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives à l'importation qui pourrait résulter de la législation prescrivant l'utilisation de la langue française dans les modes d'emploi et d'utilisation des produits est justifiée, conformément à l'article 36, devenu l'article 30, du traité, par la protection des consommateurs sur le territoire national et que, d'autre part, le responsable de la première mise sur le marché est tenu de vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;
Attendu, en outre, que la cour d'appel, à bon droit, a prononcé autant d'amendes que de contraventions constatées dès lors que la commercialisation de chaque article sans mode d'utilisation en langue française constitue une faute distincte punissable séparément ;
D'où il résulte que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-86216
Date de la décision : 14/11/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Emploi de la langue française - Loi du 4 août 1994 - Contravention - Mode d'utilisation du produit - Vêtement - Modalités d'entretien.

1° EMPLOI DE LA LANGUE FRANCAISE - Loi du 4 août 1994 - Contravention - Mode d'utilisation du produit - Vêtement - Modalités d'entretien.

1° Les indications relatives aux modalités d'entretien d'un vêtement constituent un mode d'utilisation du produit au sens de la loi du 4 août 1994 et du décret du 3 mars 1995 et doivent être traduites en langue française.

2° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Emploi de la langue française - Loi du 4 août 1994 - Responsabilité pénale - Personne responsable - Importateur - Défaut de vérification des produits mis sur le marché.

2° EMPLOI DE LA LANGUE FRANCAISE - Loi du 4 août 1994 - Responsabilité pénale - Personne responsable - Importateur - Défaut de vérification des produits mis sur le marché.

2° Il incombe au responsable de la première mise sur le marché des produits de vérifier que les modalités d'utilisation sont conformes à la législation relative à l'emploi de la langue française.

3° COMMUNAUTES EUROPEENNES - Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives à l'importation - Mesure d'effet équivalent - Législation prescrivant l'emploi de la langue française - Mode d'utilisation des produits - Modalités d'entretien - Mentions non obligatoires - Justification - Information du consommateur.

3° EMPLOI DE LA LANGUE FRANCAISE - Loi du 4 août 1994 - Domaine d'application - Communautés européennes - Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives à l'importation - Mesures d'effet équivalent - Mode d'utilisation des produits - Modalités d'entretien - Mentions non obligatoires - Justification - Information du consommateur.

3° La mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives à l'importation qui pourrait résulter de la législation prescrivant l'emploi de la langue française dans les modes d'utilisation des produits est justifiée conformément à l'article 36, devenu 30, du traité de la Communauté européenne, par la protection des consommateurs sur le territoire national. Il s'ensuit que justifie sa décision, la cour d'appel, qui pour écarter le moyen de défense du prévenu, importateur des produits, qui soutenait que les conseils d'entretien des textiles n'étaient pas des mentions obligatoires justifiant l'exigence nationale de l'emploi de la langue française, retient que les éléments de l'étiquetage constituent des mises en garde indispensables pour le consommateur(1).


Références :

2° :
3° :
Décret 95-240 du 03 mars 1995 art. 1
Loi 94-665 du 04 août 1994
Traité de la Communauté européenne art. 36 (devenu art. 30)

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 septembre 1999

CONFER : (3°). (1) Cf. Cour de justice des Communautés européennes, X... c/ Bigg's Continent Noord NV, 1999-06-03, Affaire C-33/97 p. I 3175 ;

Chambre criminelle, 2000-04-26, Bulletin criminel 2000, n° 163 (1°), p. 475 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 nov. 2000, pourvoi n°99-86216, Bull. crim. criminel 2000 N° 342 p. 1013
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 342 p. 1013

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Mazars.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Célice, Blancpain et Soltner.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.86216
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