Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, courant 1982, la société Carrières de Sainte-Marthe (CSM) a, pour l'exploitation de carrières de calcaire, pris à bail une parcelle de terrain, appartenant à M. X..., située à Marseille, quartier Saint-Joseph, et référencée au cadastre sous le numéro 50, section B ; qu'après plusieurs reconductions, année par année, et l'annulation judiciaire d'un précédent congé, M. X... a notifié, le 22 novembre 1990, son refus de renouvellement à la date anniversaire, en l'occurrence celle du 1er décembre 1991 ; qu'auparavant, M. X... et la société CSM avaient mené des pourparlers pour de nouvelles conditions de location, voire de vente, de la parcelle B 50, ainsi que de la parcelle voisine B 49, qui n'ont pas abouti ; que d'autres pourparlers ont été menés aux mêmes fins entre le propriétaire et un groupement d'intérêt économique (GIE BGP) regroupant la plupart des concurrents de la société CSM ; qu'un accord aux fins de location des parcelles B 49 et B 50 a été conclu le 5 février 1988 entre le propriétaire et une société filiale de l'un des membres du groupement, laquelle en a cédé le bénéfice à une nouvelle société, la société Granulats de Provence, constituée à l'initiative du groupement ; que, saisi par la société CSM, le Conseil de la concurrence, relevant la situation de monopole des producteurs de granulats, cocontractants de M. X..., a estimé que leurs pratiques constituaient, au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, " une concertation entre plusieurs entreprises ayant pour objet anticoncurrentiel de reprendre en commun une unité de production exploitée par un concurrent afin de poursuivre et compléter un accord de répartition de marché " ; que cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris devenu irrévocable ; que la société CSM a engagé la présente instance aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'annulation du congé reçu et celle du contrat conclu entre M. X... et la société désignée par le GIE BGP, et celle de la cession de ce contrat à la société nouvellement créée ; que la cour d'appel a prononcé l'annulation de la convention du 5 février 1988, mais a refusé celle du congé et a déclaré la société CSM sans droit ni titre sur la parcelle B 49, puis a ordonné son expulsion des deux parcelles ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Carrières de Sainte-Marthe, le représentant de ses créanciers et le commissaire à l'exécution du plan font grief à l'arrêt du rejet partiel de ses prétentions, alors, selon le pourvoi, que la société CSM avait fait valoir que le litige l'opposant au bailleur s'inscrivait dans le cadre frauduleux de pratiques anti-concurrentielles ; que l'arrêt attaqué rappelle lui-même que le congé délivré par le bailleur le 22 novembre 1990 faisait suite à l'annulation d'un précédent congé et à une convention du 5 février 1988 par laquelle le bailleur avait consenti un contrat de fortage sur la même parcelle B 50 à des sociétés concurrentes, convention dont il avait été constaté par décision du Conseil de la concurrence du 5 novembre 1991 et arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 juillet 1992 qu'elle constituait une manoeuvre anti-concurrentielle tendant à l'éviction de la société CSM et sanctionnée par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que l'arrêt attaqué constate la nullité de cette convention en vertu de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et la connaissance par le bailleur des buts prohibés poursuivis par son cocontractant ; qu'il ne pouvait, en conséquence, s'abstenir de vérifier si cette nullité d'ordre public n'affectait pas le congé délivré par le bailleur au locataire pour donner effet à cette convention, congé qui concrétisait la fraude commise à l'encontre de la société CSM et se rapportait à une pratique prohibée par le droit de la concurrence ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué est entaché d'un manque de base légale au regard de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que, selon l'article 9 de l'ordonnance, est nul " tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique " anti-concurrentielle prohibée ; que ce texte ne prévoit pas la possibilité pour le juge d'ordonner la conclusion d'un contrat ou son renouvellement ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pas méconnu le texte précité en refusant d'annuler le congé notifié à la société CSM ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'annulation de la convention qu'il a conclue avec les concurrents de la société CSM, alors, selon le pourvoi, 1° que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil ; que, par arrêt définitif frappé d'un pourvoi rejeté, la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait considéré pour écarter M. X... des liens de la prévention qu'il n'était nullement établi que celui-ci ait eu connaissance des opérations à visée anticoncurrentielle reprochées au GIE BGP ; qu'en ne s'estimant dès lors pas tenue par cette décision pénale et en retenant au contraire les faits écartés pour considérer établie la connaissance par M. X... des buts anticoncurrentiels et en déduire la nullité du bail pour cause illicite, la cour d'appel a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée, en violation de l'article 1351 du Code civil ; et alors, 2° que la nullité d'un bail ne peut être prononcée pour cause illicite qu'à la condition que les deux parties contractantes en aient eu connaissance certaine et prouvée par celui qui l'invoque ; que la cour d'appel, pour déclarer établie la connaissance par M. X..., qui la contestait, des visées anticoncurrentielles du GIE BGP, s'est bornée à faire état de la poursuite de pourparlers avec cette partie après la régularisation de la situation de la société CSM et de l'obscurité entourant ce GIE doté d'une personnalité morale ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que M. X..., en droit, en tant que gestionnaire en bon père de famille, de mener des pourparlers avec des tiers, la société CSM étant en proie à des difficultés diverses, connaissait les manoeuvres anticoncurrentielles auxquelles il était totalement étranger, n'a pas légalement justifié sa décision de prononcer la nullité du bail pour cause illicite connue des deux parties contractantes au regard de l'article 1131 du Code civil ;
Mais attendu que, pour l'application de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'annulation d'une convention se rapportant à une pratique anticoncurrentielle prohibée peut être prononcée même si tous les cocontractants n'y ont pas participé ou n'en ont pas eu connaissance ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et l'article 125 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour prononcer l'irrecevabilité de la demande de la société CSM en annulation du contrat de location portant sur la parcelle B 49 et conclu entre M. X... et les concurrents de la société, l'arrêt retient que celle-ci n'a jamais été titulaire d'aucun droit sur cette parcelle ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, après avoir retenu que la société CSM avait été candidate pour la location de la parcelle B 49, et sans rechercher si elle n'avait pas un intérêt à faire cesser la pratique anticoncurrentielle commise par les membres du GIE BGP et si la location de la parcelle B 49 n'était pas pour eux un des éléments de ces pratiques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a écarté la recevabilité de la demande de la société Carrières de Sainte-Marthe tendant à l'annulation de la location consentie à la SOMET sur la parcelle B 49 et à la cession de cette location à la société Granulats de Provence, l'arrêt rendu le 19 février 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.