AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, du 10 novembre 1999, qui, pour atteintes sexuelles aggravées, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, ainsi qu'à 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8, 203, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'atteintes sexuelles sur mineures de moins de 15 ans et de plus de 15 ans pour les faits postérieurs au 26 juin 1992 ;
"aux motifs que la loi du 4 février 1995 qui fixe le point de départ de la prescription des délits commis sur des mineures au jour de la majorité, n'est applicable qu'aux faits commis postérieurement à la mise en vigueur de cette loi conformément aux dispositions de l'article 1122-4 du Code pénal, s'agissant d'un texte ayant pour résultat d'aggraver la situation du prévenu ; qu'en revanche toutes les infractions étant connexes par leur mode de commission et la nature des faits reprochés au même auteur, mêmes si elles ont été découvertes successivement, et même si elles ont fait l'objet de poursuites séparées, le premier acte interruptif de prescription est constitué par la suite donnée à la plainte du 15 juin 1995, notamment par l'établissement de procès-verbaux d'enquête à compter du 26 juin 1995 ;
"alors que les infractions d'atteintes sexuelles commises par la même personne à l'égard de différents mineurs n'ont pas entre elles de rapports analogues à ceux que l'article 203 du Code de procédure pénale a prévu et que, dès lors, la cour d'appel, à qui il appartenait ainsi qu'elle l'a admis, de relever d'office la prescription de l'action publique, ne pouvait, alors même qu'elle constatait que les infractions dont elle était saisie avaient été découvertes successivement et faisaient l'objet de poursuites séparées, considérer que la prescription avait été interrompue pour l'ensemble des infractions par les procès-verbaux d'audition établis en suite de la première plainte en date du 15 juin 1995" ;
Attendu que pour déclarer X... coupable d'atteintes sexuelles aggravées, pour des faits commis postérieurement au 26 juin 1992, le premier acte interruptif de prescription étant intervenu le 26 juin 1995, les juges d'appel énoncent que toutes les infractions étaient "connexes par leur mode de commission et la nature des faits reprochés au même auteur, même si elles ont été découvertes successivement, et même si elles ont fait l'objet de poursuites séparées" ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;
Qu'en effet, les dispositions de l'article 203 du Code de procédure pénale n'étant pas limitatives, elles s'étendent aux cas dans lesquels il existe entre les faits des rapports étroits, analogues à ceux que la loi a spécialement prévus ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 227-25, 227-26 et 227-27 du Code pénal, 6, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'atteintes sexuelles sur les personnes de A..., B..., C..., D..., E... et F... ;
"alors que l'arrêt a déclaré prescrits les faits commis avant le 26 juin 1992 ; qu'en ce qui concerne les atteintes sexuelles prétendument portées aux mineures susvisées, la prévention visait en partie une période prescrite et que la cour d'appel n'ayant pas localisé dans le temps les attouchements prêtés au demandeur concernant ces mineures, la Cour de Cassation n'est pas en mesure de vérifier si la condamnation du demandeur est ou non fondée sur des faits prescrits" ;
Attendu que le dispositif de l'arrêt constate, de manière expresse, la prescription des faits antérieurs au 26 juin 1992 ;
Que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 227-25, 227-26, 227-27 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'atteintes sexuelles sur mineures de 15 ans et sur mineures de plus de 15 ans en abusant de l'autorité qui lui était conférée par ses fonctions ;
"aux motifs que des investigations effectuées lors des enquêtes et lors des suppléments d'information, il ressort que 13 jeunes filles au moins ont relevé que le prévenu s'était livré sur elles à des gestes impudiques ; que les descriptions des gestes sont sensiblement identiques et parfaitement cohérentes entre les victimes, qui évoquent des caresses manuelles de plus en plus précises sur les vêtements à hauteur des seins, des fesses, des cuisses et près du sexe ; qu'aucune d'entre elles n'évoque une attitude agressive ou violente, même si le professeur était parfois autoritaire, ni des faits de nature à constituer une surprise suite à l'usage d'artifices lui ayant permis d'arriver à ses fins ; que la Cour constate que plusieurs jeunes filles se sont exprimées pour la première fois plus de cinq ans après la commission des faits alors qu'elles étaient très jeunes au jour de leur commission ; qu'il ne saurait leur être reproché certaines imprécisions dans leurs déclarations qui sont toutes convergentes quant à l'attitude du professeur à leur égard ; que ces faits, même s'ils ne sont constitués que par des gestes déplacés, sont particulièrement inadmissibles de la part d'un professeur, qui profite de ses fonctions pour assouvir, même par de simples attouchements, ses pulsions sexuelles sur des enfants de sexe féminin de 12 à 16 ans ;
"alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'atteinte sexuelle n'existe qu'autant qu'il y a atteinte soit au moyen du sexe du prévenu sur une partie quelconque du corps de la victime, soit qu'elle a eu pour objet direct le sexe de la victime et qu'autant, dans ce dernier cas, le sexe de celle-ci a subi une atteinte et que l'article 227-25 du Code pénal ne peut être interprété comme réprimant de simples gestes déplacés ne réalisant pas, en tant que tels, des atteintes sexuelles" ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, l'arrêt relève que treize jeunes filles au moins, dans des "descriptions sensiblement identiques et parfaitement cohérentes" ont dénoncé les "caresses manuelles de plus en plus précises sur les vêtements, à hauteur des seins, des fesses, des cuisses et près du sexe" auxquelles leur professeur s'était livré sur leur personne ;
Attendu qu'en l'état des énonciations reproduit au moyen, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;