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11/10/2000 | FRANCE | N°99-85238

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 octobre 2000, 99-85238


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, du 3 juin 1999 qui, pour atteintes sexuelles aggravées sur

mineurs de quinze ans, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis et mise ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, du 3 juin 1999 qui, pour atteintes sexuelles aggravées sur mineurs de quinze ans, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans et cinq ans d'interdiction d'exercer la profession d'enseignant, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-27, 222-29, 222-30 du Code pénal, 388, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, excès de pouvoir, violation des droits de la défense et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a, requalifiant les faits, déclaré X... coupable de faits d'atteintes sexuelles de juin 1994 à courant 1996, à l'égard de tous, par personne abusant de l'autorité de sa fonction, faits prévus et réprimés par les articles 222-27, 222-29 et 222-30 du Code pénal, l'a condamné à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans avec obligation de soins, a prononcé l'interdiction d'exercer la profession d'enseignant pour une durée de 5 ans et l'a condamné à verser des dommages et intérêts aux parties civiles ;

"aux motifs que les premiers juges ont donné des faits de la cause un exposé précis et complet auquel la Cour entend se référer ; que, de même, ce sont par des motifs pertinents et exempts d'ambiguïté que la Cour adopte, qu'ils ont retenu X... dans les liens de la prévention ; qu'il convient encore de préciser que, contrairement aux affirmations du prévenu, il ne ressort pas de la lecture des déclarations des enseignants et assistants maternels le mettant en cause que ces derniers ont voulu stigmatiser la personnalité homosexuelle du prévenu ou que celle-ci a motivé le contenu des mises en cause ; que loin de constituer des appréciations subjectives, les témoignages ont tous fait état de gestes précis : baisers sur la bouche, caresses, prodigués par X... à de très jeunes enfants ; que les témoignages de personnes en contact professionnel plus ou moins régulier avec le prévenu indiquant qu'elles n'avaient rien remarqué d'anormal concernant l'attitude de X..., ne permettent pas de contredire les déclarations des personnes ayant un contact professionnel proche avec le prévenu, personnes qui n'ont fait que rapporter ce qu'elles avaient vu ; qu'ainsi, Mme M... a constaté en juin 1994, alors qu'elle travaillait avec X..., avoir vu par la porte de la classe le prévenu, assis sur une petite table, tenant allongé sur ses jambes un enfant, pantalon et culotte baissés

jusqu'aux chevilles, et caressant les fesses du petit garçon ; que c'est en fait l'attitude de X... envers le petit A... qui a été le facteur déclenchant de la révélation des faits qui ont été commis également sur d'autres jeunes enfants, pour qui il n'a pas été possible pour les institutrices et les assistantes maternelles de retrouver le nom ; que cela n'enlève rien cependant à la matérialité des faits commis sur d'autres jeunes enfants, faits décrits précisément par Mmes M..., D..., F..., E... et T... ;

qu'enfin, la seconde déclaration du prévenu, pendant une garde à vue qui n'a pas été prolongée, concernant son attitude envers les jeunes enfants, correspond aux éléments décrits par les témoins des faits ; que le médecin psychiatre relève que, si le prévenu nie devant lui les faits, il reconnaît cependant que des contacts d'ordre physique " ont pu avoir lieu " avec le jeune enfant ..., mais à l'initiative du garçonnet ; qu'en ce qui concerne les autres enfants, l'expert mentionne : "il n'en reste pas moins qu'implicitement, il reconnaît une certaine proximité corporelle avec eux ; qu'il énonce sous la forme : on me reproche de faire mon métier " ; qu'en conséquence, il s'évince de l'ensemble de ces éléments et de ceux repris des premiers juges que X... s'est bien rendu coupable de faits d'atteintes sexuelles de juin 1994 à courant 1996 à l'égard de tous, par personne abusant de l'autorité de sa fonction, faits prévus et réprimés par les articles 222-27, 222-29, 222-30 du Code pénal ;

"alors, d'une part, que X... était poursuivi pour avoir exercé "sans violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise" une atteinte sexuelle sur des enfants mineurs de 15 ans avec cette circonstance aggravante que ces actes ont été commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, faits prévus et réprimés par les articles 227-25, 227-26 et 227-29 du Code pénal ; que, dès lors, en substituant le délit d'agression sexuelle prévu et réprimé par les articles 222-27, 222-29 et 222-30, impliquant violence, contrainte, menace ou surprise, la cour d'appel a ajouté aux faits de la poursuite un élément nouveau et distinct, sans constater ni l'acceptation du prévenu, ni même qu'il eût été appelé à s'expliquer, de ce chef ; que, ce faisant, elle a violé les droits de la défense et excédé ses pouvoirs ;

"alors que, d'autre part, le délit d'agression sexuelle ainsi retenu suppose l'usage, par son auteur, de violence, contrainte, menace ou surprise ; que faute d'avoir relevé l'un de ces éléments, la cour d'appel n'a pas, en tout cas, légalement justifié sa décision ;

"alors, en outre, que la cour d'appel ne pouvait, sans contredire les pièces du dossier, affirmer que c'était l'attitude de X... envers le petit A... qui avait été le facteur déclenchant de la révélation des faits qui ont été commis également sur d'autres jeunes enfants, alors qu'il résulte de ces pièces que les recherches avaient d'abord porté sur le jeune H..., seul mentionné par les témoins lors de l'enquête initiale, ni les déclarations de l'enfant ni celles de sa mère ne permettant d'accréditer ultérieurement ces accusations ; qu'il était constaté le 28 août 1997 que, malgré la médiatisation des faits et la sensibilisation des parents, aucune plainte n'avait encore été déposée ; que, de ce chef, l'arrêt attaqué n'est donc pas légalement justifié ;

"alors, enfin, que dans ses conclusions d'appel, X... reprochait aux premiers juges d'avoir extrapolé sur certaines de ses déclarations aux services de police après une garde à vue longue à laquelle il n'était nullement préparé de même que ne pourrait être retenue au titre d'aveu sa réponse à une question du tribunal qu'il n'avait manifestement pas comprise, directement posée à lui après l'interrogatoire d'identité, ayant toujours contesté les faits chaque fois que la question lui avait été posée, qu'il l'avait parfaitement entendue et qu'il avait pu y répondre dans des conditions de sérénité normales ; que les accusations qui résultaient des témoins cités étaient générales, imprécises et contradictoires, seule celle concernant l'enfant A... ayant pu être retenue, aucune autre n'étant confirmée par des éléments ou des témoignages objectifs (H...) ; que les caresses alléguées à l'occasion du passage des enfants aux toilettes étaient en contradiction avec le fait qu'il n'accompagnait jamais seul les enfants aux toilettes et que c'était l'agent spécialisé d'école maternelle qui les essuyait, lui-même restant passif pour l'essentiel, même s'il pouvait aider à les rhabiller et que le fait commun de transporter les enfants en leur passant la main sous les fesses et entre les jambes ne pouvait constituer une atteinte sexuelle ; que faute d'avoir répondu à ce chef des conclusions de X..., l'arrêt attaqué est privé de motifs" ;

Attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer qu'en dépit d'une erreur de l'arrêt attaqué sur le visa des textes de répression, la cour d'appel a déclaré X... coupable des seuls faits pour lesquels il était poursuivi, qualifiés d'atteintes sexuelles commises sans violence ni contrainte ni menace ni surprise sur des mineurs de quinze ans par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

D'où il suit que le moyen, qui, en ses deux dernières branches, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Mais sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de l'article 112-1 du Code pénal ;

Vu ledit article ;

Attendu que peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ;

Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable d'atteintes sexuelles commises, courant 1994, 1995 et 1996, sans violence ni contrainte ni menace ni surprise sur des mineurs de quinze ans par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, l'arrêt attaqué le condamne, notamment, à cinq ans d'interdiction d'exercer la profession d'enseignant ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que cette peine complémentaire, introduite dans l'article 227-29 du Code pénal par l'article 21 de la loi du 17 juin 1998, n'était pas prévue par la loi à la date de commission des faits, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu par voie de retranchement et sans renvoi ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions condamnant X... à cinq ans d'interdiction d'exercer la profession d'enseignant, l'arrêt précité de la cour d'appel de Nîmes, en date du 3 juin 1999 ;

DIT n'y avoir lieu à RENVOI ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Farge conseiller rapporteur, M. Pelletier conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-85238
Date de la décision : 11/10/2000
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le moyen relevé d'office) LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi pénale de fond - Pénalités - Peines accessoires ou complémentaires - Peine complémentaire - Interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.


Références :

Code pénal 112-1 et 227-29 6°

Décision attaquée : Cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, 03 juin 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 oct. 2000, pourvoi n°99-85238


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.85238
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