AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'assises des mineurs de PARIS, du 29 janvier 1999, qui, pour vols avec arme en bande organisée, a condamné le premier à 15 ans de réclusion criminelle, le second à 8 ans d'emprisonnement, ainsi que, concernant le premier, contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires personnel et ampliatifs produits ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour X... et pris de la violation des articles 289-1, 290 et 291 du Code de procédure pénale ;
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que, par suite des excuses admises par la Cour, les jurés titulaires n'étaient plus présents qu'au nombre de 22, et que M. le président a mis dans l'urne le nom du deuxième juré suppléant pour former le nombre de 23 exigé par la loi ; que ce deuxième juré suppléant, M, Alain Z..., a été tiré au sort et a fait partie du jury de jugement ;
"alors qu'aux termes de l'article 289-1 du Code de procédure pénale, lorsque le nombre des jurés titulaires présents est inférieur à 23, ce nombre est complété par les jurés suppléants suivant l'ordre du tableau ; que l'application de cette règle est une formalité substantielle, dont l'inobservation entraîne la cassation de l'arrêt de condamnation, même en l'absence de réclamation de l'accusé et de son défenseur ; qu'en outre, viciant radicalement la composition de la cour d'assises, dès lors que le deuxième juré suppléant a fait partie de la juridiction de jugement, cette nullité persiste après l'ouverture des débats et peut, en conséquence, être soulevées en tout état de cause" ;
Attendu qu'il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que l'accusé ou son avocat ait soulevé avant l'ouverture des débats, une exception prise de l'irrégularité de la désignation d'un juré ;
Qu'en application des articles 305-1 et 599, alinéa 2, du Code de procédure pénale, le demandeur n'est, dès lors, pas recevable à présenter comme moyen de cassation une prétendue nullité qu'il n'a pas invoquée devant la cour d'assises conformément au premier de ces textes ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour X... et sur le premier moyen de cassation proposé pour Y... et pris de la violation des articles 121-1, 121-4, 311-1, 311-4, 311-8 du Code pénal, 349 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que, d'une part, la Cour et le jury, après avoir répondu affirmativement aux questions n 16, 35, 44, 52, 64 et 69 les interrogeant sur le point de savoir si X... s'était rendu coupable de soustractions frauduleuses au préjudice de la Banque Nationale de Paris, ont répondu affirmativement aux questions 19, 20, 38, 39, 47, 48, 54, 55, 67, 68, 72 et 73, portant de façon abstraite sur une soustraction frauduleuse commise en bande organisée avec usage ou sous la menace d'une arme ; que le libellé de ces questions, qui ne caractérise la culpabilité personnelle et la responsabilité pénale de X... que pour chacun des vols, et non pour les circonstances aggravantes examinées de façon abstraite et sans référence à sa culpabilité, prive de base légale la condamnation prononcée contre lui à 15 années de réclusion criminelle ;
"en ce que, d'autre part, la Cour et le jury ont répondu affirmativement à la question 77, interrogeant sur la culpabilité de X... pour une soustraction frauduleuse au préjudice du Crédit Agricole, puis ont répondu affirmativement aux questions 80 et 81, posées de façon abstraite sur une soustraction frauduleuse commise en bande organisée avec usage d'une arme, sans même qu'il soit précisé que la soustraction frauduleuse était celle spécifiée à la question 77 ; que, dès lors, ici encore, la condamnation prononcée contre X... du chef de vols qualifiés est dépourvue de toute base légale" ;
"en ce que la Cour et le jury, après avoir répondu affirmativement à la question n 78 les interrogeant sur le point de savoir si Y... avait frauduleusement soustrait du numéraire au préjudice du Crédit Agricole le 3 mars 1995, répondu affirmativement aux questions n 80 et 81 portant de façon abstraite sur une soustraction frauduleuse commise en bande organisée (question 80) et avec usage ou menace d'une arme (question 81) ;
que le libellé de ces questions ne caractérise la culpabilité personnelle et la responsabilité pénale de Y... que pour un vol simple, et non pour les deux circonstances aggravantes, examinées de façon abstraite et sans référence aucune à sa culpabilité ni à l'élément intentionnel du crime de vol aggravé ;
qu'ainsi, sa condamnation pour un vol aggravé à 8 ans d'emprisonnement n'est pas légalement caractérisée" ;
Attendu que les questions n° 19, 20, 38, 39, 47, 48, 54, 55, 67, 68, 72, 73, 80 et 81 portant sur les circonstances de bande organisée et d'usage ou menace d'une arme se réfèrent expressément aux vols spécifiés aux questions n° 16, 35, 44, 52, 64, 69, 77 et 78 qui ont interrogé la Cour et le jury sur la culpabilité de X... et de Y..., du chef des soustractions frauduleuses commises au préjudice de différentes banques ;
Qu'ainsi, la cour d'assises a régulièrement été interrogée sur la participation des accusés à chacune des circonstances aggravantes réelles retenues ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour X... et sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Y... et pris de la violation des articles 132-71, 311-4 du Code pénal, 349 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la Cour et le jury ont répondu par l'affirmative aux questions n 19, 38, 47, 54, 67, 72 et 80, ainsi libellées : "ladite soustraction frauduleuse ci-dessus spécifiée a-t-elle été commise :
en bande organisée constituée par un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation caractérisée d'un ou plusieurs vols à main armée ?" ;
"alors que la bande organisée, telle que prévue par l'article 132-71 du Code pénal, est constituée par "tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions" ;
qu'en l'espèce, les questions qui ne caractérisent l'existence d'aucun fait matériel, indépendamment des infractions commises, ne peuvent légalement caractériser la circonstance aggravante retenue contre l'accusé" ;
"en ce que la Cour et le jury ont déclaré Y... coupable d'un vol aggravé par la circonstance de bande organisée après avoir répondu à la question n 80 ainsi libellée : "ladite soustraction frauduleuse ci-dessus spécifiée a-t-elle été commise en bande organisée constituée par un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation caractérisée d'un ou plusieurs vols à main armée ?" ;
"alors que la bande organisée, telle que prévue par l'article 132-71 du Code pénal, est "tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation" d'infraction, "caractérisée par un ou plusieurs faits matériels" ; que faute de caractériser l'existence de faits matériels qui ont été le fait de la prétendue bande organisée, indépendant de la commission même d'infraction, la cour d'assises n'a pas légalement caractérisé cette circonstance aggravante" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les questions critiquées, par lesquelles il était demandé si les vols reprochés aux accusés avaient été commis en bande organisée, ont été posées dans les termes de la loi et caractérisent exactement la circonstance aggravante prévue par les articles 311-9 et 132-71 du Code pénal ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Y..., pris de la violation de l'article 347 du Code de procédure pénale et du principe de l'oralité des débats ;
"en ce que Y..., accusé d'un vol unique auquel il aurait participé le 3 mars 1995, a été condamné exclusivement sur lecture de pièces, et sur la seule lecture de procès-verbaux de témoins défaillants ; que ni M. X..., qui est le seul à avoir mis en cause Y... à l'occasion des faits litigieux, ni M. Y..., qui était le seul à prétendre l'avoir reconnu, n'ayant été entendus oralement par la Cour, le principe de l'oralité des débats a été violé ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par l'intéressé et pris de la violation des articles 6.3, d, de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'aucune partie n'a formulé d'observation quant à l'absence des témoins visés au moyen ; qu'en conséquence, le président a ordonné qu'il serait passé outre à leur audition, et donné lecture de leurs dépositions écrites, en vertu de son pouvoir discrétionnaire et à titre de simples renseignements ;
Attendu qu'en cet état, les textes légaux et conventionnels précités n'ont pas été méconnus ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour X... et Y... et pris de la violation des articles 306 et 316 du Code de procédure pénale, 14 et 22 de l'ordonnance du 2 février 1945 ;
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que deux arrêt incidents, portant respectivement excuse d'un juré supplémentaire puis remplacement d'un juré de jugement, ont été rendus sous le régime de la publicité restreinte prévue aux articles 14 et 22 de l'ordonnance du 2 février 1945 ;
"alors que si l'intégralité des débats devant la cour d'assises des mineurs doit avoir lieu sous le régime de cette publicité restreinte, en revanche, les arrêts incidents doivent être prononcés en audience publique ; qu'en l'espèce, rien ne permet de dire que l'audience publique a été établie pour le prononcé des deux arrêts en cause ; qu'ainsi, la procédure est nulle, et la condamnation dépourvue de base légale" ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que la Cour, après avoir entendu le ministère public, les conseils des parties et les accusés eux-mêmes, a, par arrêts incidents, déclaré excusés, pour raisons de santé, le 3ème juré supplémentaire et le 5ème juré ;
Attendu qu'en cet état, il n'y a eu aucune violation de la loi ;
Qu'en effet, les arrêts ainsi rendus, sans opposition de quiconque, n'avaient pas un caractère contentieux et ont été valablement prononcés sans que la publicité complète de l'audience ait été rétablie ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;