AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix octobre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Camille,
- A... Odette, épouse Y...,
- Y... Annie, épouse B...,
- Y... Sylvie, épouse Z...,
- Y... Marinette, épouse X..., parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de BOURGES, en date du 11 janvier 2000, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée du chef d'homicide volontaire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 212, 575, alinéa 2-6 , et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à une articulation essentielle du mémoire des parties civiles, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré n'y avoir lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par les consorts Y... contre X..., pour homicide volontaire ;
"aux motifs que l'examen de la procédure fait apparaître que c'est à juste titre que le magistrat instructeur a estimé que les diverses investigations entreprises dans le cadre de l'information ne remettraient pas en cause les conclusions de l'enquête préliminaire retenant l'hypothèse d'un suicide ;
"que l'examen des prélèvements effectués à l'aide de tamponnoirs sur la main droite de Pierre Y... ne concluant pas de manière formelle à la présence de résidus de tirs, une expertise balistique a été ordonnée dont les conclusions ont semblé remettre en cause l'orientation première de l'enquête, que toutefois les hypothèses avancées par l'expert ont été contredites par les constatations effectuées par les enquêteurs qui ont permis de révéler les incohérences soutenues par l'expert balisticien dont il a été constaté qu'il allait même jusqu'à nier l'évidence pour soutenir une thèse apparemment sortie tout droit de son imagination ;
"qu'en l'état des éléments recueillis, il s'avère bien que Pierre Y..., après s'être tiré un premier coup de feu au visage, s'est déplacé pour prendre une deuxième cartouche dans la poche de sa veste de chasse, avant de s'administrer le coup mortel ;
"que cette réalité est corroborée par des éléments matériels et objectifs dont la présence de taches de sang sur les douilles percutées, l'orientation des taches de sang sur le pantalon et celles observées sur le sol incompatibles avec un déplacement du corps, la présence de sang humain relevé lors d'une première expertise sur la plante des pieds des chaussettes ;
"qu'en outre, l'analyse génétique effectuée sur les vêtements portés par Pierre Y... ainsi que sur une tache de sang relevée sur la poche de la veste de chasse a conclu que l'ADN extrait de cette tache était celui de Pierre Y... ;
"que les autres orientations qu'auraient voulu donner les parties civiles à l'enquête reposent sur des supputations reprises dans le mémoire déposé devant la chambre d'accusation, non vérifiées et qui font fi des éléments ci-dessus rappelés ;
"que les appréciations toutes personnelles d'un médecin qui se pare du titre d'expert sont tout aussi inopérantes ;
que ce dernier cherche visiblement à conforter la thèse de ses mandants sans pour autant fournir d'autres éléments que des références livresques étrangères au cas d'espèce ;
"alors que l'arrêt ayant constaté les graves erreurs commises au cours de l'enquête préliminaire concluant au suicide, en relevant que, contrairement à l'opinion exprimée au moment de la découverte du cadavre, le défunt n'était pas décédé d'un coup de feu dans la tête mais d'une blessures au thorax découverte après coup, blessure causée, non par une corne de bovin comme l'avait cru le premier médecin appelé sur les lieux, mais par un coup de feu dans le coeur, la chambre d'accusation, qui a, en outre, relevé que les tamponnoirs utilisés au cours de l'enquête de flagrance pour effectuer des prélèvements sur les mains du défunt n'avaient pas révélé la présence de résidus de combustion de poudre, mais s'est bornée à critiquer le travail de l'expert balisticien pour laisser sans aucune réponse les articulations essentielles du mémoire des parties civiles tirées, d'une part, de cet élément a priori inconciliable avec la thèse du suicide, d'autre part, de l'impossibilité pour la victime de se tirer une balle dans le coeur avec un fusil dont la distance entre l'extrémité du canon et la détente était de 75,5 cm, de l'impossibilité, en outre, où cette victime se trouvait, de traverser sa chambre pour aller chercher une seconde cartouche à l'autre bout de cette pièce après s'être tiré une première balle dans la tête qui lui avait arraché la moitié du visage et enfin de l'absence de traces de sang sur le fusil qui avait été utilisé par la victime dont les mains étaient ensanglantées, a ainsi rendu un arrêt qui ne satisfait pas en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par les parties civiles appelantes, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
Que les demandeurs se bornent à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d'accusation en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Chanet, MM. Beyer, Béraudo conseillers de la chambre, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;