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19/09/2000 | FRANCE | N°99-83373

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 septembre 2000, 99-83373


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf septembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Isabelle, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, du 14 avril 1999, qui l'a condamnée, pour falsification d

e denrées alimentaires, à 10 000 francs d'amende, pour contraventions à la ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf septembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Isabelle, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, du 14 avril 1999, qui l'a condamnée, pour falsification de denrées alimentaires, à 10 000 francs d'amende, pour contraventions à la réglementation sur l'étiquetage des denrées, à 45 amendes de 80 francs chacune et, pour infractions à la législation relative à l'emploi de la langue française, à 73 amendes de 50 francs ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-4, L. 216-2, L. 216-3, du Code de la consommation, 1er du décret du 15 avril 1912, 111-4 du Code pénal, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, du principe fondamental de droit communautaire de sécurité juridique, fausse interprétation, défaut de base légale et défaut de motifs ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Isabelle X... coupable du délit de falsification de denrées pour les produits "Perfect BCAA's", "Ultimate Orange", "Anti fat fuel twinlab", "Body mega 2.000", "Fat burner optimum nutrition", "Naturally ripped optimum nutrition" ;
"aux motifs que "(...) les produits susvisés répondent à la définition des compléments alimentaires tels que prévus par le décret du 10 avril 1996 modifié par le décret du 14 octobre 1997, puisqu'ils sont destinés à être intégrés en complément de l'alimentation courante afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers ; ce texte de 1996 constitue en fait l'article 15-2 du décret du 15 avril 1912 ; il est dès lors manifeste qu'il est soumis aux dispositions générales de ce règlement et notamment à son article 1er ; en conséquence, depuis l'entrée en vigueur de cette réforme, les compléments alimentaires ne peuvent être considérés comme n'appartenant pas à la catégorie globale des aliments et ainsi la jurisprudence invoquée relative à des faits antérieurs au décret du 10 avril 1996 est nécessairement obsolète ; il résulte de l'article 1er susvisé du décret du 15 avril 1912 que l'addition de produits chimiques est formellement et de manière générale prohibée dans les marchandises et denrées destinées à l'alimentation humaine ; cette interdiction s'applique dès lors aux compléments alimentaires et notamment à des apports en minéraux, oligo-éléments, vitamines et extraits de tissus ou liquides animaux ou végétaux, qui n'existant pas naturellement sous une forme isolée, font ainsi, à la suite d'une extraction ou d'une synthèse, l'objet d'un dosage artificiel ; toute l'utilisation de ces éléments même sous une forme combinée doit donc être autorisée par un texte en l'espèce, les substances détectées et dont la présence n'est pas contestée dans les produits litigieux (vitamines, minéraux, protéines, molécules diverses d'origine végétale ou animale) ne figurent pas dans la liste établie par le décret du 18 septembre 1989 relatif aux additifs à but nutritionnel pouvant être employés dans les denrées destinées à l'alimentation humaine ou l'arrêté du 14 octobre 1989 qui vise les autres additifs ; si des tolérances ont pu être accordées par l'Administration, elles ne constituent pas pour autant une dérogation légale au principe rappelé ci avant ; en conséquence, les poursuites sont valablement fondées sur les textes précités sans que l'Administration puisse utilement invoquer un autre règlement ; par ailleurs, il n'apparaît pas que le décret de 1912 qui prohibe l'addition de produits chimiques dont la liste est énoncée dans le décret du 1er septembre 1989 ne définisse pas clairement l'obligation dont le manquement est pénalement sanctionné ; sa légalité ne peut donc être valablement critiquée ; de même, on ne saurait considérer que ce règlement constitue une entrave à la libre circulation des marchandises posée en principe par les traités de l'Union européenne et les accords de Marrakech du 15 avril 1994 dans la mesure où il édicte les strictes mesures nécessaires pour garantir la santé publique en matière alimentaire sans créer une quelconque discrimination au regard de marchandises importées (...)" ;
"alors que, 1 ) l'article 1er du décret du 15 avril 1912 et la réglementation particulière aux "additifs" alimentaires ne concernent pas la commercialisation des "compléments alimentaires", spécifiquement soumise à l'article 15-2 dudit décret ;
qu'en l'espèce, en retenant que les produits incriminés étaient des "compléments alimentaires", mais en faisant néanmoins application de la réglementation restrictive propre aux "additifs" alimentaires, pour dire les poursuites pénales engagées contre l'exposante "valablement fondées", la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"alors que 2 ) en interprétant de manière extensive l'article 1er du décret du 15 avril 1912, pour énoncer qu'il était applicable à la commercialisation des "compléments alimentaires", et dire les poursuites pénales engagées contre l'exposante "valablement fondées", alors que cet article était manifestement susceptible d'une interprétation contraire, la cour d'appel a méconnu les principes d'interprétation stricte de la loi pénale et de sécurité juridique visés au moyen" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 28 et 30 du Traité de Rome (anc. art 30 et 36), des accords de Marrakech du 15 avril 1994, des articles 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et défaut de motifs ;
"en ce que la cour d'appel a refusé de déclarer l'article 1er du décret du 15 avril 1912 contraire au traité de Rome et aux accords de Marrakech, en ce qu'il incriminerait la commercialisation des "compléments alimentaires" sans autorisation préalable de l'Administration ;
"aux motifs que "(...) on ne saurait considérer que ce règlement constitue une entrave à la libre circulation des marchandises posée en principe par les traités de l'Union européenne et les accords de Marrakech du 15 avril 1994 dans la mesure où il édicte les strictes mesures nécessaires pour garantir la santé publique en matière alimentaire sans créer une quelconque discrimination au regard de marchandises importées (...)" ;
"alors que 1 ) le Traité de Rome s'oppose à une réglementation générale restreignant la libre circulation des marchandises qui ne serait pas justifiée par l'un des intérêts majeurs visés à l'article 30 du traité (anc. 36), notamment la protection de la santé publique ; qu'en l'espèce, à supposer que l'article 1er du décret du 15 avril 1912 édicte une restriction "générale" (et non particulière aux "additifs") de la libre circulation des marchandises "pour garantir la santé publique en matière alimentaire", la cour d'appel, ayant déclaré ce décret non contraire aux articles 28 et 36 du traité, sans vérifier concrètement la nécessité d'une restriction d'une telle ampleur, a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
"alors que 2 ) par ailleurs, en l'absence de procédure d'autorisation accessible, transparente, rapide et débouchant sur des décisions motivées et susceptibles de contrôle juridictionnel, les dispositions de l'article 1er du décret du 15 avril 1912, en ce qu'elles édicteraient une interdiction générale de la commercialisation des "compléments alimentaires" sauf accord de l'administration, violent les textes visés au moyen, comme aurait dû en décider la cour d'appel" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-4, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation, 1er du décret du 15 avril 1912, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 28 et 30 du Traité de Rome (anc. art 30 et 36, des accords de Marrakech), défaut de base légale et défaut de motif ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré coupable du délit de falsification de denrées pour les produits "Perfect BCAA's", "Ultimate Orange", "Anti fat fuel twinlab", "Body mega 2.000", "Fat burner optimum nutrition", "Naturally ripped optimum nutrition" ;
"aux motifs que (...) on ne saurait considérer que ce règlement constitue une entrave à la libre circulation des marchandises posée en principe par les traités de l'Union européenne et les accords de Marrakech du 15 avril 1994 dans la mesure où il édicte les strictes mesures nécessaires pour garantir la santé publique en matière alimentaire sans créer une quelconque discrimination au regard de marchandises importées (...)" ;
"alors que tant le Traité de Rome que le Traité de Marrakech du 15 avril 1994 s'opposent à une réglementation générale conduisant à l'interdiction de la libre commercialisation de "compléments alimentaires" composés de nutriments, sans danger pour les consommateurs ; qu'en jugeant que l'on ne saurait considérer que le décret du 15 avril 1912 "constitue une entrave à la libre circulation des marchandises posée en principe par les traités de l'Union européenne et les accords de Marrakech du 15 avril 1994 dans la mesure où il édicte les strictes mesures nécessaires pour garantir la santé publique en matière alimentaire", sans caractériser le danger que les produits incriminés auraient fait courir, en l'espèce, à la santé publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-4. L. 216-2. L. 216-3 du Code de la consommation 1er du décret du 15 avril 1912, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et défaut de motifs ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Isabelle X... coupable du délit de falsification de denrées pour les produits "Perfect BCAA's", "Ultimate Orange", "Anti fat fuel twinlab", "Body mega 2.000", "Fat burner optimum nutrition", "Naturally ripped optimum nutrition" ;
"aux motifs que "(...) les produits susvisés répondent à la définition des compléments alimentaires tels que prévus par le décret du 10 avril 1996 modifié par le décret du 14 octobre 1997, puisqu'ils sont destinés à être intégrés en complément de l'alimentation courante afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers ; ce texte de 1996 constitue en fait l'article 15-2 du décret du 15 avril 1912 ; il est dès lors manifeste qu'il est soumis aux dispositions générales de ce règlement et notamment à son article 1er ; en conséquence, depuis l'entrée en vigueur de cette réforme, les compléments alimentaires ne peuvent être considérés comme n'appartenant pas à la catégorie globale des aliments et ainsi la jurisprudence invoquée relative à des faits antérieurs au décret du 10 avril 1996 est nécessairement obsolète ; il résulte de l'article 1er, susvisé du décret du 15 avril 1912 que l'addition de produits chimiques est formellement et de manière générale prohibée dans les marchandises et denrées destinées à l'alimentation humaine ; cette interdiction s'applique dès lors aux compléments alimentaires et notamment à des apports en minéraux, oligo-éléments, vitamines et extraits de tissus ou liquides animaux ou végétaux, qui n'existant pas naturellement sous une forme isolée, font ainsi, à la suite d'une extraction ou d'une synthèse, l'objet d'un dosage artificiel ; toute l'utilisation de ces éléments même sous une forme combinée doit donc être autorisée par un texte ; en l'espèce, les substances détectées et dont la présence n'est pas contestée dans les produits litigieux (vitamines, minéraux, protéines, molécules diverses d'origine végétale ou animale) ne figurent pas dans la liste établie par le décret du 18 septembre 1989 relatif aux additifs a but nutritionnel pouvant être employés dans les denrées destinées à l'alimentation humaine ou l'arrêté du 14 octobre 1989 qui vise les autres additifs ; si des tolérances ont pu être accordées par l'Administration, elles ne constituent pas pour autant une dérogation légale au principe rappelé ci avant ; en conséquence, les poursuites sont valablement fondées sur les textes précités sans que l'Administration puisse utilement invoquer un autre règlement ; par ailleurs, il n'apparaît pas que le décret de 1912 qui prohibe l'addition de produits chimiques dont la liste est énoncée dans le décret du 18 septembre 1989 ne définisse pas clairement l'obligation dont le manquement est pénalement sanctionné ; sa légalité ne peut donc être valablement critiquée ; de même, on ne saurait considérer que ce règlement constitue une entrave à la libre circulation des marchandises posée en principe par les traités de l'Union européenne et les accords de Marrakech du 15 avril 1994 dans la mesure où il édicte les strictes mesures nécessaires pour garantir la santé publique en matière
alimentaire sans créer une quelconque discrimination au regard de marchandises importées (...)" ;
"alors que 1 ) l'article 1er du décret du 15 avril 1912 interdit l'addition" de produits chimiques non autorisés à des marchandises ou denrées destinées à l'alimentation humaine ; qu'en jugeant l'infraction de falsification de denrée constituée, sans caractériser "l'addition incriminée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
"alors que 2 ) en jugeant l'infraction de falsification de denrée constituée, sans caractériser l'élément intentionnel du délit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Body Trading commercialise divers articles pour culturistes, notamment des produits alimentaires ; qu'à la suite du procès-verbal de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes constatant que ces produits renfermaient des substances non autorisées, Isabelle X..., gérante de la société, est poursuivie pour avoir mis en vente des denrées servant à l'alimentation de l'homme qu'elle savait falsifiées ;
Attendu que, pour la déclarer coupable de ce délit, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés du jugement, énonce que les produits incriminés, qui ne relèvent pas de la catégorie des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, sont destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers ; que les juges en déduisent qu'ils constituent des compléments alimentaires, définis à l'article 15-2, dernier alinéa, du décret du 15 avril 1912 et soumis aux règles générales applicables aux denrées alimentaires ;
Qu'après avoir rappelé que le décret précité interdit, en son article premier, de vendre des denrées destinées à l'alimentation humaine lorsqu'elles sont additionnées de produits chimiques autres que ceux dont l'emploi est autorisé par arrêtés ministériels, l'arrêt retient qu'en l'absence d'autorisation, les substances chimiques, comme les vitamines et minéraux de synthèse, ne peuvent entrer dans la composition des compléments alimentaires non diététiques ;
Qu'il relève que cette réglementation, indistinctement applicable aux compléments alimentaires tant nationaux qu'importés, n'est incompatible ni avec les articles 28 et 30 du traité CE, ni avec l'accord de Marrakech instituant l'organisation mondiale du commerce, signé le 15 avril 1994, dès lors que l'exigence de l'autorisation constitue une mesure nécessaire à la protection de la santé publique en matière alimentaire ;
Que les juges ajoutent qu'il incombait à la prévenue, en sa qualité de dirigeante de l'entreprise, de s'assurer de la conformité des produits à la réglementation applicable, compte tenu notamment des objections que l'Administration lui avait fait connaître ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés aux moyens, qui ne sauraient, dès lors, être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ferrari conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-83373
Date de la décision : 19/09/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13ème chambre, 14 avril 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 sep. 2000, pourvoi n°99-83373


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.83373
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