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11/07/2000 | FRANCE | N°98-41132

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 juillet 2000, 98-41132


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Norbert X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 15 décembre 1997 par la cour d'appel de Paris (18e chambre civile, section A), au profit de la société AXA Conseil, venant aux droits de l'Union des assurances de Paris (UAP), société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 6 juin 2000, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de prés

ident, M. Lanquetin, conseiller rapporteur, M. Coeuret, conseiller, Mmes Verger, Lebée, Ruiz...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Norbert X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 15 décembre 1997 par la cour d'appel de Paris (18e chambre civile, section A), au profit de la société AXA Conseil, venant aux droits de l'Union des assurances de Paris (UAP), société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 6 juin 2000, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Lanquetin, conseiller rapporteur, M. Coeuret, conseiller, Mmes Verger, Lebée, Ruiz-Nicolétis, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Lanquetin, conseiller, les observations de Me Odent, avocat de la société AXA Conseil, venant aux droits de l'Union des assurances de Paris, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les moyens, réunis :

Attendu que M. X..., engagé en 1983, par la société Union des assurances de Paris (UAP), en qualité de contrôleur, a été licencié par lettre du 19 juillet 1994, pour insuffisance d'activité au regard des objectifs fixés au contrat ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 1997), de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le premier moyen, que le débiteur d'une obligation alternative peut s'en acquitter en délivrant l'une seulement des choses promises, en sorte qu'il ne manque à ses engagements que si le juge constate qu'il n'a fourni ni l'une ni l'autre des prestations auxquelles il s'est obligé ; qu'en décidant au contraire qu'il n'était pas "nécessaire d'examiner" si M. X... -qui n'avait pas rempli l'objectif contractuel relatif au nombre des polices d'assurance souscrites- avait satisfait, en revanche, à "l'activité minimum" prévue afférente à la couverture du minimum garanti, tout en constatant que celle-ci formait la matière d'une obligation alternative, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de sa qualification et a violé les articles 1189 et 1191 du Code civil ; alors, subsidiairement, qu'en prévoyant que le rendement imposé au contrôleur devait s'exécuter "outre" le nombre des polices d'assurance souscrites, par une "activité minimum" permettant de couvrir son salaire minimum garanti, le contrat de travail, qui devait stipuler de manière claire et précise les obligations du salarié, prescrivait cette dernière prestation indépendamment de la précédente, de sorte qu'en l'absence d'une clause explicite contraire, l'obligation de M. X... devait être qualifiée d'obligation alternative ; que la cour d'appel n'aurait pu décider du contraire qu'en violant les articles 1134 et 1162 du Code civil ; alors, deuxièmement, que M. X... avait fait valoir (page 5 et 6 de ses conclusions), qu'il n'avait pu atteindre le nombre prévu des

polices d'assurance au cours des années 1983, 1984, 1985 et 1991, sans pour autant être sanctionné par l'UAP, ce qui établissait que l'insuffisance des souscriptions ne pouvait à elle seule justifier son licenciement, dès lors que la couverture de son salaire garanti était respecté ; qu'en refusant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a subsidiairement violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, troisièmement, que la commune volonté des parties à un contrat résulte notamment de la manière dont elles l'exécutent d'un commun accord ; qu'à défaut d'avoir procédé à la recherche précitée qui lui était demandée, la cour d'appel n'aurait pu en tout état de cause dénier le caractère alternatif des obligations de M. X..., qu'en privant sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 122-14-4 du Code du travail ;

alors, selon le deuxième moyen, premièrement, que le contrat de travail de M. X... lui fait seulement obligation de "justifier d'une activité minimum telle que l'ensemble des éléments concourant chaque mois à la couverture du salaire minimum garanti (annuel) soit au moins égal à 1/12e de celui-ci" ; qu'en se bornant à relever l'existence d'un déficit du "compte allocation" de M. X..., sans vérifier en quoi celui-ci correspondait à une insuffisance de couverture de son salaire garanti, ainsi que M. X... le contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, deuxièmement, que M. X... avait fait valoir (pages 6 à 9 de ses conclusions), qu'il justifiait avoir obtenu chaque mois la couverture mise à sa charge ; que pour la période du 1er janvier 1994 au 31 mai 1994, son salaire minimum s'était élevé à la somme totale de 30 161,70 francs, tandis que l'ensemble de sa rémunération avait atteint la somme de 101 450 francs, ce qui satisfait aux obligations stipulées par le contrat garanti, de sorte que c'était à tort que l'UAP avait soutenu dans ses conclusions que "M. X... ne peut expliquer qu'il couvrait largement le salaire minimum garanti car cela ne saurait l'exonérer de son obligation de couvrir aussi l'allocation versée mensuellement" ; qu'en omettant de s'expliquer à cet égard et de rechercher si le déficit du "compte allocation" caractérisait l'insuffisance de couverture prévue par son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, troisièmement, que, en tout état de cause, le juge doit apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués dans la lettre de licenciement au jour de sa notification ; qu'en se bornant à relever l'existence d'un déficit du "compte allocation" que la lettre de licenciement imputait à M. X..., "à fin mai 1994", la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, selon le troisièmement moyen, premièrement, qu'une sanction est constituée par toute mesure autre que les observations verbales, prises par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa

rémunération ; qu'en se bornant à affirmer que la mise en garde infligée à M. X..., par lettre du 15 janvier 1994, pour lui signifier la "nécessité" de "redresser rapidement" ses résultats insuffisants ainsi que le débit de son compte allocation, la cour d'appel n'a pas justifié son appréciation, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-40 du Code du travail, ensemble l'article L. 122-14-4 du même Code ; alors, deuxièmement, que de surcroît, en se bornant à affirmer que la lettre du 15 janvier 1994 ne constituait pas une sanction, sans rechercher si, comme le faisait valoir M. X..., les faits retenus à son encontre n'avaient pas été également sanctionnés par la seconde mise en garde qui lui avait été infligée par lettre du 8 juin 1994, et s'ils ne devaient pas être amnistiés par l'article 15 de la loi du 3 août 1995, ce qui eut privé son licenciement de tout fondement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte, ensemble les articles L. 122-40 et L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, troisièmement, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de M. X... qui (page 9) l'invitaient à procéder à la recherche susvisée, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, selon le quatrième moyen, premièrement, qu'en retenant qu'il n'était pas contesté que 99 polices d'assurance avaient été souscrites en 1993, la cour d'appel, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, a dénaturé les conclusions d'appel de M. X... qui soutenait au contraire (page 5 avant-dernier alinéa) avoir obtenu la souscription de 113 polices d'assurance ; alors, deuxièmement, que le juge ne peut retenir d'autres faits que ceux visés par la lettre de licenciement du salarié ; qu'en imputant à M. X... la souscription insuffisante de 99 contrats d'assurance bien que la société UAP eût retenu elle-même, dans sa lettre de licenciement, la souscription de 113 polices d'assurance, la cour d'appel ne s'est pas bornée d'apprécier la seule insuffisance de rendement invoquée par la société UAP et a, par suite, violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, troisièmement, que le contrat de travail de M. X... lui imposait seulement d'obtenir la souscription de 140 polices d'assurance "en un an", de sorte qu'il disposait d'une année pour satisfaire à son obligation dont l'exécution ne pouvait être constatée qu'au terme de l'année considérée ; qu'en déclarant au contraire justifié le licenciement au prétexte que la baisse du nombre des souscriptions s'était "confirmée au début de l'année 1994", la cour d'appel a mis à la charge de M. X... une obligation qu'il n'avait pas contractée en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, quatrièmement, qu'à supposer même, subsidiairement, que la cour d'appel pût imputer à M. X... l'insuffisance de souscription de polices d'assurance au début de l'année 1994, comme énoncé par la lettre de licenciement, M. X... avait fait valoir (pp. 11-12 de ses conclusions), que de février à juillet 1994, il n'avait pu bénéficier de la collaboration de M. Y..., qui lui était affecté par ses plans de travail, mais qui se trouvait en réalité en arrêt maladie, de sorte que l'UAP avait ainsi rendu plus difficile l'exercice de son activité, en violation du devoir de bonne foi ; qu'en omettant de rechercher si l'UAP n'avait pas été ainsi à l'origine des difficultés de M. X... du début de l'année

1994, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions dont elle était saisie en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, ensemble l'article 1134, alinéa 3 du Code civil ; alors, cinquièmement, qu'en toute hypothèse, c'est au jour du licenciement que le juge doit se placer pour décider s'il est ou non justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu'en appréciant au contraire l'existence des manquements imputés à M. X... à ses objectifs contractuels au jour de l'introduction de la procédure de licenciement et non au jour de la notification de celui-ci, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, selon le cinquième moyen, premièrement, que M. X... ne contestait pas le droit de la société UAP de désigner mensuellement les agents devant l'assister ou de nommer de nouveaux contrôleurs dans sa circonscription ; qu'il lui reprochait seulement d'avoir rendu effectivement plus difficile -en violation du devoir de bonne foi- l'exercice de son activité professionnelle, en réaffectant partiellement, en 1993, les deux agents qui lui étaient usuellement affectés par le passé et avec lesquels il réalisait la majeure partie de sa production, au service du nouveau contrôleur mis en place, mesure dont il avait été le seul parmi les autres contrôleurs à faire l'objet puisque les relations de confiance avec la clientèle rendait nécessaire et habituelle la reconduction des équipes ;

qu'en se bornant à objecter que M. X... ne pouvait invoquer une modification de ses conditions de travail au prétexte que l'UAP était libre de désigner les agents devant l'assister, sans examiner comment la société UAP avait exercé ses prérogatives par le passé et sans rechercher si les mauvais résultats de M. X... en 1993 ne résultaient pas, en fait, des décisions de son employeur, fût-ce par l'exercice par celui-ci des droits lui appartenant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, ensemble l'article 1134, alinéa 3, du Code civil ; alors, deuxièmement, qu'en outre, la circonstance que M. X... n'eut pas protesté contre ses conditions de travail lors de l'exécution de son contrat, ne pouvait également permettre à la cour d'appel d'en déduire la preuve que l'UAP n'avait pas effectivement rendu plus difficile l'accomplissement de ses missions, ce qu'il incombait au juge de vérifier lui-même ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; alors, troisièmement, qu'au surplus, par une lettre de mars 1993, M. X... a protesté auprès de l'inspecteur sous l'autorité duquel il agissait, des changements affectant ses agents qui compromettaient ses objectifs de production ; qu'en retenant que M. X... n'avait émis aucune protestations sur ses conditions de travail, la cour d'appel a dénaturé par omission ladite lettre, en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, quatrièmement, qu'en tout état de cause, il incombe au juge de rechercher le véritable motif du licenciement du salarié ; que M. X... avait fait valoir que la véritable raison de son licenciement se trouvait dans une note du syndicat Force ouvrière de juin 1993, qui s'était alarmé de ce qu'à la veille de la privatisation de l'UAP "dans nombre d'inspections générales, la hiérarchie déclar(ait) que

la direction du réseau aurait arrêté un plan de licenciement de 250 à 300 conseillers commerciaux en 1993/1994" ; qu'en s'abstenant de rechercher si le licenciement de M. X... ne s'intégrait pas en réalité dans un licenciement collectif pour motif économique, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions dont elle était saisie et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'après avoir atteint l'objectif fixé au contrat de 1986 à 1992, le salarié n'avait plus atteint cet objectif dans la dernière période en 1993 et au début de l'année 1994, malgré les mises en garde de l'employeur ; qu'ayant fait ressortir que ces objectifs étaient réalistes et que le salarié avait reçu de l'entreprise les moyens nécessaires permettant de les réaliser, la cour d'appel, exerçant le pouvoir d'appréciation qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, a décidé, sans encourir les griefs des moyens, que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse ;

que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 98-41132
Date de la décision : 11/07/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (18e chambre civile, section A), 15 décembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 jui. 2000, pourvoi n°98-41132


Composition du Tribunal
Président : Président : M. WAQUET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:98.41132
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