AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / Mme Marie-Thèrèse Y... épouse X...,
2 / M. Jean Félix X...,
demeurant tous deux Villa les Peupliers, Tizzano, 20100 Sartène,
en cassation d'un arrêt rendu le 23 juin 1998 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), au profit :
1 / de M. Rosendo Abilio Z..., demeurant ...,
2 / du Groupe des Assurances Nationales (GAN) Accidents, dont le siège est ...,
3 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Corse du Sud, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 mai 2000, où étaient présents : M. Buffet, président, M. Pierre, conseiller rapporteur, MM. Guerder, Dorly, Mme Solange Gautier, M. Mazars, conseillers, M. Trassoudaine, conseiller référendaire, M. Kessous, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Pierre, conseiller, les observations de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat des consorts X..., de la SCP Defrénois et Levis, avocat du Groupe des Assurances Nationales Accidents, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Bastia, 23 juin 1998), que Mario X..., motocycliste, a été mortellement blessé par suite d'un accident de la circulation impliquant la voiture de M. Z..., assuré à la compagnie d'assurances Groupe des assurances nationales (GAN), qui circulait en sens inverse ; que sa mère et son frère ont assigné M. Z... et le GAN en réparation de leur préjudice moral ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande, alors, selon le moyen, 1 /, que n'a plus la qualité de cyclomotoriste, celui qui après avoir chuté sur la chaussée se trouve immobilisé à terre lorsqu'il est heurté par un véhicule ; qu'ayant constaté que la chute et le glissement sur la chaussée de M. Maludrottu sont antérieurs au choc avec le véhicule, ce dont il s'évinçait que la victime n'avait plus la qualité de conducteur, la cour d'appel qui, cependant, décide que la faute commise par la victime est la cause exclusive de l'accident et doit entraîner une exclusion de l'indemnisation par application des articles 4 et suivants de la loi du 5 juillet 1985, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations et a violé les articles 1er et suivants de la loi du 5 juillet 1985 ; 2 /, qu'il résultait du procès-verbal d'audition de M. Z... du 2 avril 1993 "qu'avant d'aborder un virage à gauche j'ai vu une motocyclette couchée sur la droite qui dérapait dans ma direction. Le chauffeur de la motocyclette ne se trouvait pas sur son engin. C'est donc la motocyclette seule qui a percuté l'avant gauche de mon véhicule. Je devais rouler à 30 ou 40 km. J'ai pu stopper le véhicule immédiatement sans déraper. J'étais en seconde vitesse. J'ai arrêté le véhicule avant que la motocyclette me percute... J'ai vu le motard qui se trouvait à 3 ou 4 mètres derrière ma voiture. Il était allongé sur le dos, perpendiculairement à la route sur le bas côté, ses talons sur la chaussée" ; qu'il ressortait de ce témoignage que la victime, éjectée de son véhicule était à terre lorsque l'accident s'est produit et n'avait donc plus la qualité de conducteur ; qu'en décidant cependant de faire application des dispositions de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 sans prendre en considération ce témoignage dont il résultait la preuve que la victime avait perdu la qualité de conducteur au moment de l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et suivants de la loi du 5 juillet 1985 ; 3 /, qu'il résultait du procès-verbal d'audition de M. Z... du 2 avril 1993 qu'"avant d'aborder un virage à gauche j'ai vu une motocyclette couchée sur la droite qui dérapait dans ma direction. Le chauffeur de la motocyclette ne se trouvait pas sur son engin. C'est donc la motocyclette seule qui a percuté l'avant gauche de mon véhicule. Je devais rouler à 30 ou 40 km. J'ai pu stopper le véhicule immédiatement sans déraper. J'étais en seconde vitesse. J'ai arrêté le véhicule avant que la motocyclette me percute... J'ai vu le motard qui se trouvait à 3 ou 4 mètres derrière ma voiture. Il était allongé sur le dos, perpendiculairement à la route sur le bas côté, ses talons sur la chaussée" ; qu'il ressortait de ce témoignage que la victime, éjectée de son véhicule, était à terre lorsque l'accident s'est produit et n'avait donc plus la qualité de conducteur ; qu'en décidant cependant de faire application des dispositions de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 sans prendre en considération ce témoignage dont il ressortait que Mario X... avait perdu la maîtrise de son véhicule, avait été éjecté à terre avant le contact avec le véhicule de M. Z..., la cour d'appel qui ne recherche pas s'il n'en résultait pas que la victime avait perdu la qualité de conducteur a privé sa décision de base
légale au regard des articles 1er, 3 et 4 de la loi du 5 septembre 1985 ;
Mais attendu qu'il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt ni d'aucunes conclusions d'appel que les consorts X... aient soutenu devant les juges du fond que la victime avait perdu la qualité de conducteur au moment de l'accident ; que le moyen est donc nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande, alors, selon le moyen, que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, faute devant être appréciée en la personne du conducteur auquel on l'oppose, abstraction faite du comportement des autres automobilistes impliqués ; qu'en retenant par motifs adoptés que les circonstances de l'accident sont clairement établies par les constatations matérielles et objectives des enquêteurs qui ont relevé que le véhicule automobile avait subi un choc à l'avant gauche, ce qui démontre qu'eu égard à la trajectoire suivie par la motocyclette, ce véhicule Peugeot 405 se trouvait dans son couloir de circulation au moment de la collision, que la perte de contrôle par le motocycliste de sa machine était imprévisible pour l'automobiliste, que son caractère soudain a rendu l'accident inévitable pour en déduire que la faute commise par Mario X... est la cause exclusive de l'accident qui doit entraîner une exclusion de l'indemnisation de ses propres parents, victimes par ricochet, la cour d'appel qui s'attache à prendre en considération le comportement de l'automobiliste pour exclure toute réparation des exposants a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que Mario X... avait perdu le contrôle de sa motocyclette dans un virage et s'était déporté dans le couloir de circulation situé sur sa gauche, ce qui avait entraîné l'accident dont il a été victime, a pu en déduire, abstraction faite du motif surabondant tiré du comportement de l'autre conducteur dont le véhicule était impliqué dans cet accident, que la victime avait commis une faute et a souverainement décidé que cette faute excluait tout droit à indemnisation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la compagnie Le Gan ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille.