AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la Caisse régionale d'assurances Mutuelles agricoles (CRAMA) de Bretagne, dont le siège est ...,
2 / M. Jean-Yves Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 8 septembre 1998 par la cour d'appel de Poitiers (Chambre civile, 1re section), au profit :
1 / de la compagnie Axa assurances, région Ouest, société anonyme, dont le siège est 6, rue du ...,
2 / de M. Jean-Yves X..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 mai 2000, où étaient présents : M. Buffet, président, M. Dorly, conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pierre, Mme Solange Gautier, M. Mazars, conseillers, M. Trassoudaine, conseiller référendaire, M. Kessous, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dorly, conseiller, les observations de la SCP Parmentier et Didier, avocat de la Caisse régionale d'assurances Mutuelles agricoles (CRAMA) de Bretagne et de M. Y..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la compagnie Axa assurances, région Ouest, et de M. X..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 septembre 1998), que M. Y..., exploitant agricole, a été victime d'un accident dont M. X..., assuré auprès d'Axa assurances, a été déclaré responsable ;
qu'une précédente décision, devenue irrévocable, a fixé l'indemnité réparant son préjudice ; qu'alléguant que M. Y..., son assuré, avait dû, à la suite de l'accident, changer d'activité professionnelle, et, à cette fin, suivre un stage de reclassement dont elle avait supporté les frais, la Caisse régionale d'assurances Mutuelles agricoles de Bretagne (la CRAMA) en a demandé le remboursement à M. X... et à Axa assurances ;
Attendu que la CRAMA et M. Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande, alors, selon le moyen, 1 ) que toute victime dispose d'une action contre le responsable en cas d'apparition d'un nouveau dommage ; qu'en subordonnant la recevabilité de l'action à l'existence d'une aggravation de l'état de M. Y..., la cour d'appel a violé les articles 1351 et 1382 du Code civil ; 2 ) que les juges ne sauraient méconnaître les termes du litige tels que fixés par les parties dans leurs conclusions ; qu'en relevant que la CRAMA invoquait l'aggravation de l'état de santé de M. Y... pour justifier sa demande de remboursement, quand celle-ci se bornait à soutenir que les séquelles de l'accident avaient rendu nécessaire le stage de reclassement, la cour d'appel a violé I'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; 3 ) que toute victime dispose d'une action contre le responsable en cas d'apparition d'un nouveau dommage ; qu'en considérant, en toute hypothèse, que la circonstance qu'un arrêt définitif, ayant indemnisé le préjudice corporel de M. Y... et son incidence économique, excluait le remboursement d'un stage de reconversion dont la nécessité résultait directement de l'accident, la cour d'appel a violé les articles 1351 et 1382 du Code civil ; 4 ) que I'absence d'aggravation d'une incapacité permanente partielle n'exclut pas la possibilité d'une aggravation du dommage économique subi par la victime ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1351 et 1382 du Code civil ; 5 ) que toute victime dispose d'une nouvelle action en réparation contre le responsable en cas d'aggravation de son dommage ; qu'en tout état de cause, en considérant qu'il résultait du rapport d'expertise que M. Y... ne présentait aucune aggravation des séquelles de son accident, sans s'expliquer sur les circonstances que dans le même temps ledit expert avait relevé que la victime avait été contrainte d'abandonner son activité d'agriculteur au profit d'une activité sédentaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1351 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient une absence d'aggravation des séquelles de l'accident, en particulier de l'incapacité permanente partielle, et que la précédente décision avait définitivement indemnisé le préjudice corporel, y compris en son incidence économique résultant d'une incapacité permanente partielle de 16 % avec incidence d'un quart pour les activités relatives à l'élevage des bovins et à la polyculture, mais sans incidence sur les activités avicoles ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations c'est à bon droit que la cour d'appel, sans méconnaître l'objet du litige et justifiant légalement sa décision, a rejeté la demande ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse régionale d'assurances Mutuelles agricoles (CRAMA) de Bretagne et M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande d'Axa assurances et de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille.