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27/06/2000 | FRANCE | N°99-85225

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 juin 2000, 99-85225


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept juin deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Louis,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 12 janvier 1999, qui, pour homicide invo

lontaire, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 4 000 fran...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept juin deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Louis,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 12 janvier 1999, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 4 000 francs d'amende et a prononcé sur l'action civile ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 551 du Code de procédure pénale, L. 263-2 du Code du travail, du principe de la personnalité des délits et des peines, du principe du contradictoire et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Louis Z... coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 4 000 francs d'amende ;
" aux motifs que, Rémi Y..., salarié de la société EDV, est décédé par intoxication alors qu'il était descendu dans une cuve de carburant pour la nettoyer ; il résulte de l'enquête, qu'il a pris l'initiative de descendre dans cette cuve sans respecter la procédure de sécurité qu'il connaissait et sans en aviser le chef de chantier alors que celui-ci lui avait donné l'ordre de l'attendre ; le pompier B... qui est descendu dans la cuve et a découvert le corps, a constaté que Rémi Y... n'avait pas de harnais de sécurité ; avec 15 ans d'ancienneté, Rémi Y... était employé à cette fonction depuis 6 ans et savait pertinemment qu'il ne devait pas descendre dans les cuves en vidange sans revêtir un harnais de sécurité ; l'inadéquation de cet équipement, au demeurant non clairement établie, n'a pas de rôle causal dans le décès puisqu'il n'a pas été revêtu ; Rémi Y... est descendu alors que l'air était irrespirable et a donc eu un début de malaise ; l'absence de harnais n'a pas permis de le tirer hors de la cuve ; il est également fait état de ce que l'usage peu commode du harnais disponible aurait incité Rémi Y... à ne pas faire l'effort de l'utiliser ; cet argument n'est en soi de nature à établir une faute du responsable de la sécurité et rien ne démontre qu'il ait existé un équipement plus moderne et compatible avec le travail à effectuer ; il a, en effet, été répondu par Louis-Marie Z... avec logique, que les conditions d'intervention dans les cuves devaient s'adapter aux ouvertures étroites et que le matériel utilisé habituellement par l'entreprise était conçu pour ces opérations spécifiques ; ainsi seule une échelle de corde pouvait être utilisée et le harnais ne pouvait pas être d'un modèle standard ; le comportement irresponsable de Rémi Y... peut trouver une explication par un état alcoolique important, l'analyse ayant révélé un taux de 2, 01g pour mille ; ce taux est contesté au motif qu'il y aurait eu une erreur de sujet d'analyse ; les explications de l'expert sont sur ce point particulièrement claires : il a, dans son rapport, utilisant un traitement de texte informatique, omis d'enlever des mentions afférents à un précédent rapport ; iI en a fait part au juge et confirmé que le sang de Rémi Y... comportait bien 2, 01g d'alcool pour mille ;
il a pu à juste titre être reproché par le tribunal au chef de chantier, Armand A..., un manque de vigilance et de contrôle du personnel placé sous ses ordres pour l'opération, il ne peut en revanche être reproché à Louis-Marie Z... un quelconque manquement de cet ordre ; ce dernier, chef du service " Hydrocarbures " regroupant les travaux de construction, d'installation et d'entretien de stations-services, reconnaît avoir eu une délégation de responsabilité pour assurer la sécurité des chantiers ; il avait une mission très générale de sécurité et ne pouvait avoir la charge de surveiller personnellement le comportement irresponsable de Rémi Y... ; cette tâche incombait au chef de chantier qui avait pour mission essentielle de s'assurer que les descentes dans la cuve se faisaient avec les équipements prévus et en présence de l'équipe de surface ; le défaut de formation de cette équipe a cependant eu une influence sur le décès ; le personnel employé par EDV à cette tâche n'ayant subi aucune formation à la sécurité n'a pas, en effet, eu conscience du danger que représentait la conduite de Rémi Y... ; Gilles X..., qui était chargé de l'assister, l'a laissé s'introduire sans surveillance et sans s'assurer de ce qu'il devenait, étant, selon ses propres termes, occupé comme tout le monde à faire une petite bricole ; si des consignes strictes de sécurité lui avaient été données, il aurait eu conscience de la nécessité d'avertir le chef de chantier sur l'impossibilité qu'il avait, en l'absence de harnais de sécurité, de secourir le cas échéant celui qui était descendu imprudemment dans la cuve et qu'il avait pour mission d'assister ; le tribunal, pour entrer en voie de condamnation, a donc fait à Louis-Marie Z... l'exact reproche de ne pas avoir donné de formation à la sécurité aux deux ouvriers présents sur le chantier ; il a en outre été reproché à Louis-Marie Z... par l'inspection du Travail, de ne pas avoir fourni des masques conformes aux exigences du travail à accomplir et en particulier des masques à adduction d'air ; iI est prétendu que l'usage d'un tel masque était impossible ; il a été utilisé un masque à gaz avec tuyau souple de 70cm relié à un tuyau rigide de 10m dont l'extrémité était à l'air libre ; iI a été relevé par l'inspection du Travail que ce masque, porté par la victime, n'était pas efficace ; ce défaut d'efficacité a également participé à l'intoxication de Rémi Y... et donc à son décès ; selon les enquêteurs, le masque aurait dû être relié à une pompe en zone non polluée ou à une bouteille d'air comprimé. Louis-Marie Z... prétend que cela était techniquement difficile ; il lui appartenait alors de trouver une autre solution efficace avant d'autoriser les procédures de descente dans les cuves ; il a en conséquence été contrevenu à l'article R. 232-5-13 du Code du travail ; ce nouveau manquement a favorisé l'intoxication de Rémi Y... et donc participé à son décès ; il est imputable à la personne chargée de pourvoir les chantiers en matériel de sécurité et donc à Louis-Marie Z... ; enfin, l'analyse précise des conditions de l'intervention telles qu'elles ont été relevées par l'inspection du Travail, démontre que le délai imposé par le client était trop réduit pour que l'opération se fasse en respectant les règles de l'art ; cela explique que les mesures de sécurité n'aient pas été prises avec sérieux et a donc concouru au décès ; en outre, il appartenait à Louis-Marie Z..., pour satisfaire aux obligations des articles R. 237-1 du Code du travail, d'établir en commun avec le client de l'entreprise, un plan d'intervention qui aurait permis de constater que les délais imposés étaient trop courts ; cette carence a également participé à l'accident ; les manquements ainsi établis et imputables à Louis-Marie Z... ont donc participé à l'asphyxie de Rémi Y... " ;
" alors, d'une part, qu'en vertu de l'article 388 du Code de procédure pénale, la juridiction de jugement ne peut statuer que sur des faits contenus dans la citation ou dans la décision de renvoi de la juridiction d'instruction ; que dès lors, viole ce texte, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe du contradictoire, la cour d'appel qui, saisie par l'ordonnance de renvoi, du seul manquement à une obligation de sécurité, statue sur un prétendu manquement à une obligation de formation, laquelle n'était -et pour cause- nullement prévue par la citation ou l'ordonnance de renvoi et sans que le prévenu ait été à même de s'expliquer sur ce grief ;
" qu'il en est d'autant plus ainsi que l'arrêt attaqué qui constate que Rémi Y... " avait 15 ans d'ancienneté, était employé à cette fonction depuis 6 ans et savait pertinemment qu'il ne devait pas descendre dans une cuve en cours de vidange sans revêtir un harnais de sécurité " (p. 3), incrimine un prétendu défaut de formation, non pas de la victime elle-même, mais de l'équipe présente sur le chantier, sans que cet élément, étranger aux poursuites, ait pu être débattu contradictoirement ;
" alors, d'autre part et de toute façon, que l'argument tiré d'une délégation de pouvoir est un moyen péremptoire de défense auquel le juge est tenu de répondre-fût-ce pour l'écarter ; que dès lors, en s'abstenant de répondre au chef des conclusions du demandeur selon lequel (page 6 8 et s.), par lettre du 27 avril 1990, Louis Z... avait délégué une partie de son pouvoir à Armand A..., non seulement en matière de sécurité, mais également en matière de formation (conclusions, page 6, dernier alinéa), ce dont il résultait que Louis Z... ne pouvait pas être responsable d'un éventuel manquement à cette obligation de formation, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 263-2 du Code du travail, du principe de la personnalité des délits et des peines, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné Louis-Marie Z... à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 4 000 F d'amende ;
" aux motifs que, Rémi Y..., salarié de la société EDV, est décédé par intoxication alors qu'il était descendu dans une cuve de carburant pour la nettoyer ; il résulte de l'enquête, qu'il a pris l'initiative de descendre dans cette cuve sans respecter la procédure de sécurité qu'il connaissait et sans en aviser le chef de chantier alors que celui-ci lui avait donné l'ordre de l'attendre ; le pompier B... qui est descendu dans la cuve et a découvert le corps, a constaté que Rémi Y... n'avait pas de harnais de sécurité ; avec 15 ans d'ancienneté, Rémi Y... était employé à cette fonction depuis 6 ans et savait pertinemment qu'il ne devait pas descendre dans les cuves en vidange sans revêtir un harnais de sécurité ; l'inadéquation de cet équipement, au demeurant non clairement établie, n'a pas de rôle causal dans le décès puisqu'il n'a pas été revêtu ; Rémi Y... est descendu alors que l'air était irrespirable et a donc eu un début de malaise ; l'absence de harnais n'a pas permis de le tirer hors de la cuve ; il est également fait état de ce que l'usage peu commode du harnais disponible aurait incité Rémi Y... à ne pas faire l'effort de l'utiliser ; cet argument n'est en soi de nature à établir une faute du responsable de la sécurité et rien ne démontre qu'il ait existé un équipement plus moderne et compatible avec le travail à effectuer ; il a en effet été répondu par Louis-Marie Z... avec logique, que les conditions d'intervention dans les cuves devaient s'adapter aux ouvertures étroites et que le matériel utilisé habituellement par l'entreprise était conçu pour ces opérations spécifiques ; ainsi seule une échelle de corde pouvait être utilisée et le harnais ne pouvait pas être d'un modèle standard ; le comportement irresponsable de Rémi Y... peut trouver une explication par un état alcoolique important, l'analyse ayant révélé un taux de 2, 01g pour mille ; ce taux est contesté au motif qu'il y aurait eu une erreur de sujet d'analyse ; les explications de l'expert sont sur ce point particulièrement claires, il a dans son rapport, utilisant un traitement de texte informatique, omis d'enlever des mentions afférents à un précédent rapport ; iI en a fait part au juge et confirmé que le sang de Rémi Y... comportait bien 2, 01g d'alcool pour mille ; il a pu, à juste titre, être reproché par le tribunal au chef de chantier, Armand A..., un manque de vigilance et de contrôle du personnel placé sous ses ordres pour l'opération, il ne peut en revanche être reproché à Louis-Marie Z... un quelconque manquement de cet ordre ; ce dernier, chef du service " Hydrocarbures " regroupant les travaux de construction, d'installation et d'entretien de stations-services, reconnaît avoir eu une délégation de responsabilité pour assurer la sécurité des chantiers ; il avait une mission très générale de sécurité et ne pouvait avoir la charge de surveiller personnellement le comportement irresponsable de Rémi Y... ; cette tâche incombait au chef de chantier qui avait pour mission essentielle de s'assurer que les descentes dans la cuve se faisaient avec les équipements prévus et en présence de l'équipe de surface ; le défaut de formation de cette équipe a cependant eu une influence sur le décès ; le personnel employé par EDV à cette tâche n'ayant subi aucune formation à la sécurité n'a pas en effet eu conscience du danger que représentait la conduite de Rémi Y... ;
Gilles X..., qui était chargé de l'assister, l'a laissé s'introduire sans surveillance et sans s'assurer de ce qu'il devenait, étant, selon ses propres termes, occupé comme tout le monde à faire une petite bricole ; si des consignes strictes de sécurité lui avaient été données, il aurait eu conscience de la nécessité d'avertir le chef de chantier sur l'impossibilité qu'il avait, en l'absence de harnais de sécurité, de secourir le cas échéant celui qui était descendu imprudemment dans la cuve et qu'il avait pour mission d'assister ; le tribunal, pour entrer en voie de condamnation, a donc fait à Louis-Marie Z... l'exact reproche de ne pas avoir donné de formation à la sécurité aux deux ouvriers présents sur le chantier ; il a en outre été reproché à Louis-Marie Z... par l'inspection du Travail, de ne pas avoir fourni des masques conformes aux exigences du travail à accomplir et en particulier des masques à adduction d'air ; iI est prétendu que l'usage d'un tel masque était impossible ; il a été utilisé un masque à gaz avec tuyau souple de 70cm relié à un tuyau rigide de 10m dont l'extrémité était à l'air libre ;
iI a été relevé par l'inspection du Travail que ce masque, porté par la victime, n'était pas efficace ; ce défaut d'efficacité a également participé à l'intoxication de Rémi Y... et donc à son décès ; selon les enquêteurs, le masque aurait dû être relié à une pompe en zone non polluée ou à une bouteille d'air comprimé. Louis-Marie Z... prétend que cela était techniquement difficile ; il lui appartenait alors de trouver une autre solution efficace avant d'autoriser les procédures de descente dans les cuves ; il a en conséquence été contrevenu à l'article R. 232-5-13 du Code du travail ; ce nouveau manquement a favorisé l'intoxication de Rémi Y... et donc participé à son décès ; iI est imputable à la personne chargée de pourvoir les chantiers en matériel de sécurité et donc à Louis-Marie Z... ;
enfin, l'analyse précise des conditions de l'intervention telles qu'elles ont été relevées par l'inspection du Travail, démontre que le délai imposé par le client était trop réduit pour que l'opération se fasse en respectant les règles de l'art ; cela explique que les mesures de sécurité n'aient pas été prises avec sérieux et a donc concouru au décès ; en outre, il appartenait à Louis-Marie Z..., pour satisfaire aux obligations des articles R. 237-1 du Code du travail, d'établir en commun avec le client de l'entreprise, un plan d'intervention qui aurait permis de constater que les délais imposés étaient trop courts ; cette carence a également participé à l'accident ; les manquements ainsi établis et imputables à Louis-Marie Z... ont donc participé à l'asphyxie de Rémi Y... " ;
" alors que méconnaît l'effet d'une délégation de pouvoir qui organise une responsabilité alternative et non cumulative, en violation de l'article L. 263-2 du Code du travail et du principe de personnalité des délits et des peines, la cour d'appel qui reconnaît l'existence d'une délégation de pouvoir en matière de sécurité, de Louis Z... à Armand A... (arrêt, page 4 7 et 9) mais qui continue de reprocher à Louis Z..., déléguant, un manquement à cette même obligation de sécurité, en ce qu'il aurait contrevenu à l'article R. 232-5-13 du Code du travail en ne fournissant pas de masque conforme (arrêt, page 5 8), s'abstenant ainsi de tirer la conséquence légale de la délégation, à savoir le transfert de la responsabilité y compris en ce qui concerne le choix du matériel sur le chantier " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal, L. 263-2 du Code du travail, défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné Louis-Marie Z... à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 4 000 francs d'amende ;
" aux motifs que, Rémi Y..., salarié de la société EDV, est décédé par intoxication alors qu'il était descendu dans une cuve de carburant pour la nettoyer ; il résulte de l'enquête, qu'il a pris l'initiative de descendre dans cette cuve sans respecter la procédure de sécurité qu'il connaissait et sans en aviser le chef de chantier alors que celui-ci lui avait donné l'ordre de l'attendre ; le pompier B... qui est descendu dans la cuve et a découvert le corps, a constaté que Rémi Y... n'avait pas de harnais de sécurité ; avec 15 ans d'ancienneté, Rémi Y... était employé à cette fonction depuis 6 ans et savait pertinemment qu'il ne devait pas descendre dans les cuves en vidange sans revêtir un harnais de sécurité ; l'inadéquation de cet équipement, au demeurant non clairement établie, n'a pas de rôle causal dans le décès puisqu'il n'a pas été revêtu ; Rémi Y... est descendu alors que l'air était irrespirable et a donc eu un début de malaise ; l'absence de harnais n'a pas permis de le tirer hors de la cuve ; il est également fait état de ce que l'usage peu commode du harnais disponible aurait incité Rémi Y... à ne pas faire l'effort de l'utiliser ; cet argument n'est en soi de nature à établir une faute du responsable de la sécurité et rien ne démontre qu'il ait existé un équipement plus moderne et compatible avec le travail à effectuer ; il a, en effet, été répondu par Louis-Marie Z... avec logique, que les conditions d'intervention dans les cuves devaient s'adapter aux ouvertures étroites et que le matériel utilisé habituellement par l'entreprise était conçu pour ces opérations spécifiques ; ainsi seule une échelle de corde pouvait être utilisée et le harnais ne pouvait pas être d'un modèle standard ; le comportement irresponsable de Rémi Y... peut trouver une explication par un état alcoolique important, l'analyse ayant révélé un taux de 2, 01g pour mille ; ce taux est contesté au motif qu'il y aurait eu une erreur de sujet d'analyse ; les explications de l'expert sont sur ce point particulièrement claires : il a, dans son rapport, utilisant un traitement de texte informatique, omis d'enlever des mentions afférents à un précédent rapport ; iI en a fait part au juge et confirmé que le sang de Rémi Y... comportait bien 2, 01g d'alcool pour mille ;
il a pu à juste titre être reproché par le tribunal au chef de chantier, Armand A..., un manque de vigilance et de contrôle du personnel placé sous ses ordres pour l'opération, il ne peut en revanche être reproché à Louis-Marie Z... un quelconque manquement de cet ordre ; ce dernier, chef du service " Hydrocarbures " regroupant les travaux de construction, d'installation et d'entretien de stations-services, reconnaît avoir eu une délégation de responsabilité pour assurer la sécurité des chantiers ; il avait une mission très générale de sécurité et ne pouvait avoir la charge de surveiller personnellement le comportement irresponsable de Rémi Y... ; cette tâche incombait au chef de chantier qui avait pour mission essentielle de s'assurer que les descentes dans la cuve se faisaient avec les équipements prévus et en présence de l'équipe de surface ; le défaut de formation de cette équipe a cependant eu une influence sur le décès ; le personnel employé par EDV à cette tâche n'ayant subi aucune formation à la sécurité n'a pas, en effet, eu conscience du danger que représentait la conduite de Rémi Y... ; Gilles X..., qui était chargé de l'assister, l'a laissé s'introduire sans surveillance et sans s'assurer de ce qu'il devenait, étant, selon ses propres termes, occupé comme tout le monde à faire une petite bricole ; si des consignes strictes de sécurité lui avaient été données, il aurait eu conscience de la nécessité d'avertir le chef de chantier sur l'impossibilité qu'il avait, en l'absence de harnais de sécurité, de secourir le cas échéant celui qui était descendu imprudemment dans la cuve et qu'il avait pour mission d'assister ; le tribunal, pour entrer en voie de condamnation, a donc fait à Louis-Marie Z... l'exact reproche de ne pas avoir donné de formation à la sécurité aux deux ouvriers présents sur le chantier ; il a en outre été reproché à Louis-Marie Z... par l'inspection du Travail, de ne pas avoir fourni des masques conformes aux exigences du travail à accomplir et en particulier des masques à adduction d'air ; iI est prétendu que l'usage d'un tel masque était impossible ; il a été utilisé un masque à gaz avec tuyau souple de 70cm relié à un tuyau rigide de 10m dont l'extrémité était à l'air libre ; iI a été relevé par l'inspection du Travail que ce masque, porté par la victime, n'était pas efficace ; ce défaut d'efficacité a également participé à l'intoxication de Rémi Y... et donc à son décès ; selon les enquêteurs, le masque aurait dû être relié à une pompe en zone non polluée ou à une bouteille d'air comprimé. Louis-Marie Z... prétend que cela était techniquement difficile ; il lui appartenait alors de trouver une autre solution efficace avant d'autoriser les procédures de descente dans les cuves ; il a en conséquence été contrevenu à l'article R. 232-5-13 du Code du travail ; ce nouveau manquement a favorisé l'intoxication de Rémi Y... et donc participé à son décès ; iI est imputable à la personne chargée de pourvoir les chantiers en matériel de sécurité et donc à Louis-Marie Z... ; enfin, l'analyse précise des conditions de l'intervention telles qu'elles ont été relevées par l'inspection du Travail, démontre que le délai imposé par le client était trop réduit pour que l'opération se fasse en respectant les règles de l'art ; cela explique que les mesures de sécurité n'aient pas été prises avec sérieux et a donc concouru au décès ; en outre, il appartenait à Louis-Marie Z..., pour satisfaire aux obligations des articles R. 237-1 du Code du travail, d'établir en commun avec le client de l'entreprise, un plan d'intervention qui aurait permis de constater que les délais imposés étaient trop courts ; cette carence a également participé à l'accident ; les manquements ainsi établis et imputables à Louis-Marie Z... ont donc participé à l'asphyxie de Rémi Y... " ;
" alors que si la faute de la victime ne fait pas disparaître la responsabilité du chef d'entreprise, il en va différemment lorsque cette faute, à l'origine de l'accident, est d'une importance telle qu'elle revêt les caractères de la force majeure ; que tel est bien le cas du comportement de la victime qui, comme le constate l'arrêt lui-même, 1/ " prend l'initiative de descendre dans cette cuve sans respecter la procédure de sécurité qu'il connaissait ", 2/ " passe outre l'instruction formelle du chef de chantier qui lui avait donné l'ordre d'attendre " (arrêt, page 3 8), 3/ " est employée depuis 6 ans à cette fonction et savait pertinemment qu'il ne devait pas descendre sans harnais " (id loc, alinéa 10), et 4/ " était dans un tel état d'imprégnation alcoolique (2, 018 soit 4 fois plus que le taux maximum autorisé), que son comportement était irresponsable " (arrêt, page 4 4 et 6) ; que dès lors, prive sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen, la cour d'appel qui, après avoir ainsi relevé le caractère irrésistible et imprévisible du comportement du salarié, retient néanmoins Louis Z... dans les liens de la prévention " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un salarié de la société EDV est décédé par intoxication alors qu'il se trouvait à l'intérieur d'une cuve à carburant pour la nettoyer ;
qu'à la suite de ce décès, Louis Z..., chef du service hydrocarbures de la société précitée et titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, et Armand A..., chef de chantier, ont été poursuivis pour homicide involontaire ; que, par jugement, devenu définitif à l'égard du second, le tribunal correctionnel les a déclarés coupables de ce chef ;
Attendu que, pour confirmer la déclaration de culpabilité de Louis Z..., la cour d'appel retient que, faute pour le prévenu d'avoir organisé une formation en matière de sécurité au profit des salariés demeurés en surface, ces derniers n'avaient pas assuré la surveillance nécessaire lors de l'opération de nettoyage ; que les juges ajoutent que, " chargé de pourvoir les chantiers en matériel de sécurité ", Louis Z... n'avait pas mis à la disposition de la victime un masque à gaz répondant aux exigences du travail à accomplir ; qu'ils énoncent encore qu'il aurait dû veiller à ce que le délai prévu pour la réalisation de l'opération permette de procéder à celle-ci en respectant " les règles de l'art " ; que les juges concluent que l'ensemble de ces manquements, imputables à Louis Z..., a concouru à la survenance de l'accident ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que la faute de la victime, relevée par ailleurs par l'arrêt attaqué, n'avait pas été la cause exclusive de l'accident, les juges ont, sans insuffisance ni contradiction, justifié leur décision ;
D'où il suit que les moyens, qui manquent en fait en ce qu'ils soutiennent, d'une part, que le prévenu aurait invoqué l'existence d'une délégation de pouvoir en matière de formation et, d'autre part, que les juges auraient admis l'existence d'une telle délégation en matière de sécurité, doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Pinsseau conseiller doyen faisant fonctions de président, en remplacement du président empêché, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Beyer conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Fromont ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-85225
Date de la décision : 27/06/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, 12 janvier 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 jui. 2000, pourvoi n°99-85225


Composition du Tribunal
Président : Président : M. PINSSEAU conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.85225
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