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20/06/2000 | FRANCE | N°99-81235

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 juin 2000, 99-81235


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 27 janvier 1999, qui, pour vente de produit antiparasitaire non homologué, l'a condamné à 20 000 francs d'amende avec sursis.
LA COUR,
Vu le mémoire ampliatif produit et les observations complémentaires ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1er de la loi du 2 novembre 1943 relative à l'organisation du contrôle des produits antiparasitaires à usage agricole, 6 et 16 du décret n° 94-539 du 5 mai 1994 relatif au co

ntrôle des produits phytopharmaceutiques, 10 et 13 de la directive n° 91-4...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 27 janvier 1999, qui, pour vente de produit antiparasitaire non homologué, l'a condamné à 20 000 francs d'amende avec sursis.
LA COUR,
Vu le mémoire ampliatif produit et les observations complémentaires ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1er de la loi du 2 novembre 1943 relative à l'organisation du contrôle des produits antiparasitaires à usage agricole, 6 et 16 du décret n° 94-539 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques, 10 et 13 de la directive n° 91-414 CE du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, 30 et 36 du Traité de Rome, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, violation de la loi :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean X... coupable d'une mise sur le marché français d'un produit phytopharmaceutique non autorisé et l'a, en répression, condamné à une amende de 20 000 francs avec sursis ;
" aux motifs qu'" il est constant et non discuté que ni Jean X... ni la société Eurofyto détentrice de l'homologation Diazin en Belgique n'a sollicité du ministère de l'Agriculture aucune demande de mise sur le marché français dite " homologation simplifiée " ; que ledit produit a été commercialisé en l'absence d'une telle demande et a fortiori en l'absence de cette autorisation ; que l'article 1er de la loi n° 525 du 2 novembre 1943 relative à l'organisation du contrôle des produits parasitaires à usage agricole interdit la vente, la mise en vente ou la distribution à titre gratuit, lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'homologation, des produits de défense contre les vertébrés et invertébrés nuisibles aux cultures et aux produits agricoles ; que la vente ou la mise sur le marché en l'absence du respect des dispositions dudit article est punissable d'une amende de 40 000 francs en vertu de l'article 11 de cette même loi ; que l'article 6 du décret n° 94-539 du 5 mai 1994, pris pour l'application de la directive CEE n° 91-414 du 15 juillet 1991 précitée et de la loi du 2 novembre 1943 également précitée, indique explicitement que les produits phytopharmaceutiques ne peuvent être mis sur le marché ni utilisés que s'ils ont fait l'objet d'une autorisation préalable, à moins que l'usage auquel ils sont destinés ne soit prévu par les dispositions du chapitre Ier du titre Ier dudit décret (distribution pour expérimentation) ; que cette autorisation de mise sur le marché vaut homologation au sens de l'article 1er de la loi du 2 novembre 1943 ; qu'au surplus, ce même article distingue bien la mise sur le marché national français et la circulation d'un produit homologué dans un autre Etat membre que la France ; qu'en effet, il prévoit qu'un tel produit peut y être stocké et y circuler sur le territoire ; sur le point de la compatibilité des dispositions précitées avec le droit communautaire : que si l'article 30 du Traité instituant la Communauté économique européenne interdit les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent entre les Etats membres, l'article 36 du même Traité précise que les dispositions de l'article 30 précité ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, à moins que ces restrictions constituent un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres ;
à cet égard il convient de rappeler que la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 17 septembre 1998 a estimé qu'une réglementation nationale interdisant la mise sur le marché d'un produit entrant dans le champ de la directive précitée, n'ayant pas été préalablement autorisé par l'autorité compétente, constitue une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative au sens de l'article 30 du Traité CE, qui est (cependant) justifiée au titre de l'article 36 dudit Traité, même si ce produit a déjà fait l'objet d'une autorisation dans un autre Etat membre à condition que ne soient pas exigés sans nécessité des analyses techniques ou chimiques ou des essais en laboratoire lorsque les mêmes analyses et essais ont déjà été effectués dans cet autre Etat membre et que leurs résultats sont à la disposition des autorités compétentes de l'Etat membre d'importation ou peuvent, sur leur demande, être mis à leur disposition ; en conséquence, que les textes de droit interne sur lesquels est fondée la poursuite de Jean X... n'apparaissent pas contraires au droit communautaire dans la mesure où ils organisent une autorisation de mise sur le marché distincte de l'homologation communautaire sans pour autant exiger les mêmes renseignements ; que, surabondamment, Jean X... ne peut, faute d'avoir fait une demande de mise sur le marché français du produit Diazin, se prévaloir d'un refus abusif de l'Administration exonératoire de sa responsabilité pénale ; qu'il n'est pas possible d'induire de procédures concernant d'autres produits qu'un refus aurait été opposé à Jean X... qui, en parfaite connaissance des exigences de la réglementation en vigueur en France, a volontairement décidé de mettre sur le marché le produit Diazin en violation de celles-ci ; que dans ces conditions, les faits reprochés et justement qualifiés par le tribunal sont caractérisés ; que le casier judiciaire de Jean X... ne comporte aucune condamnation et qu'il n'apparaît pas comme un délinquant d'habitude ; qu'il convient de lui infliger en répression une peine d'amende de 20 000 francs avec sursis ;
" alors que l'interprétation des articles 10 et 13 de la Directive du 15 juillet 1991 par la CJCE s'impose au juge national et que par arrêt du 11 mars 1999 la CJCE a dit pour droit qu'un produit phytopharmaceutique importé d'un Etat membre de l'Union européenne où il jouit d'une AMM doit bénéficier, au terme d'une procédure simplifiée, de cette homologation lorsqu'il est similaire par son origine, sa substance active et ses effets à un produit déjà autorisé sur le territoire de l'Etat membre d'importation ; que méconnaît cette règle l'arrêt qui :
1o ayant à statuer sur le cas d'un importateur qui n'avait cessé de faire valoir que le produit litigieux, d'une part, bénéficiait d'une AMM en Belgique où il était fabriqué et, d'autre part, était similaire à un produit bénéficiant en France d'une AMM, se borne à envisager exclusivement le cas d'un " produit qui a déjà fait l'objet d'une autorisation dans un autre Etat membre " et en déduit que, dans cette hypothèse, la législation française serait appropriée, méconnaissant ainsi l'objet même du litige qui lui était soumis ;
2o faisant application au cas d'espèce des dispositions des articles 6 et 16 du décret n° 94-539 du 5 mai 1994 et de la loi du 2 novembre 1943 prévues pour le cas de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique seulement autorisé dans un autre Etat membre, décide que ces dispositions correspondent à une homologation simplifiée à laquelle le demandeur peut prétendre, même si, dans ce cas, l'Etat d'importation est en droit de subordonner la délivrance de l'AMM à l'exécution de tous les tests et analyses non effectués dans l'autre Etat membre ;
Qu'en privant ainsi, sous couvert de l'article 36 du traité CE, les importations parallèles du bénéfice de " l'autorisation de mise sur le marché déjà accordée dans l'Etat membre d'importation ", la cour d'appel a légitimé une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative au sens de l'article 30 du traité CE ;
" alors, enfin et subsidiairement, que prive sa décision de toute base légale la cour d'appel qui, pour refuser d'écarter l'application des dispositions de droit interne, dont elle reconnaît qu'elles constituent une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative, se borne à déclarer, par un motif d'ordre général, que ces mesures sont justifiées au regard de l'article 36 du traité CE pour des raisons tirées de la protection de la santé publique et à relever que Jean X... n'a fait aucune demande d'homologation, sans rechercher concrètement si ces dispositions de droit interne présentaient les garanties d'accessibilité et de célérité nécessaires à une saine application de l'article 30 du traité CE et si, dans l'affirmative, elles ne devaient pas être purement et simplement écartées " ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoire des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un contrôle des agents de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes a révélé que la société X... commercialisait depuis 1996 un insecticide agricole non homologué, dénommé Diazin, provenant de Belgique ; que Jean X..., président de la société, est poursuivi pour vente de produit antiparasitaire à usage agricole sans homologation, délit prévu et puni par les articles 1er et 11 de la loi du 2 novembre 1943 ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de l'infraction, la juridiction du second degré relève que Jean X... n'a pas formalisé de demande d'autorisation pour le produit Diazin ; qu'elle énonce qu'il résulte des dispositions du décret du 5 mai 1994, qui transposent la directive européenne, que les produits phytopharmaceutiques ne peuvent être mis sur le marché national français s'ils n'ont pas fait l'objet d'une autorisation préalable ; qu'elle retient que les dispositions de droit interne ne sont pas contraires au droit communautaire dans la mesure où elles organisent une " autorisation de mise sur le marché distincte de l'homologation communautaire sans pour autant exiger les mêmes renseignements " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans répondre aux conclusions du demandeur qui faisait valoir que le Diazin, similaire à un produit déjà autorisé en France, était dispensé d'homologation par application de l'article 10 de la directive 91-414- CEE du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 27 janvier 1999, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-81235
Date de la décision : 20/06/2000
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Végétaux - Protection des végétaux - Directive n° 91-414 CEE du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytosanitaires - Loi du 2 novembre 1943 - Vente de produit antiparasitaire non homologué en provenance d'un Etat membre - Produit similaire à un produit de référence bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché en France - Dispense d'homologation - Recherche nécessaire.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - Conseil des Communautés européennes - Directives - Directive n° 91-414 du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytosanitaires - Loi du 2 novembre 1943 - Vente de produit antiparasitaire non homologué en provenance d'un Etat membre - Produit similaire à un produit de référence bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché en France - Dispense d'homologation - Recherche nécessaire

Caractérise le délit prévu et puni par les articles 1er et 11 de la loi du 2 novembre 1943 la vente d'un produit antiparasitaire sans homologation. Vaut homologation l'autorisation de mise sur le marché obtenu conformément aux dispositions du décret du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques transposant la directive 91-414 CEE du 15 juillet 1991. Lorsqu'un produit phytopharmaceutique, en provenance d'un Etat membre de la Communauté européenne dans lequel il bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché conforme à la directive 91-414 CEE du 15 juillet 1991, est similaire à un produit de référence déjà autorisé en France, ce produit doit, à moins que des considérations tirées de la protection de la santé humaine et animale ne s'y opposent, pouvoir bénéficier de l'autorisation de mise sur le marché déjà accordée dans l'Etat membre. Il s'ensuit que n'a pas donné de base légale à sa décision, la cour d'appel qui s'est abstenue de répondre aux conclusions du prévenu faisant valoir que le produit antiparasitaire, en provenance d'un Etat membre de la Communauté européenne, et autorisé dans cet Etat, est similaire à un produit déjà autorisé en France, ce qui le dispense de la nécessité d'une homologation. (1).


Références :

Directive 91-414 du 15 juillet 1991 CEE
Décret 94-539 du 05 mai 1994
Loi 525 du 02 novembre 1943 art. 1, art. 11

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 27 janvier 1999

CONFER : (1°). (1) Cf. Cour de justice des Communautés européennes, 1999-03-11, affaire C 100/96, The Queen et Ministry of Agriculture, Fisherles and Food, British Agrochemical Association Ltd.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jui. 2000, pourvoi n°99-81235, Bull. crim. criminel 2000 N° 236 p. 697
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 236 p. 697

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Mazars.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Célice, Blancpain et Soltner.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.81235
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