AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la SNC Midinina, société en nom collectif, dont le siège est résidence La Presqu'île Marina, Bas du Fort, 97110 Pointe-à-Pitre, représentée par son liquidateur amiable la société Opti Finance, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / Mlle Marie-Christine Z..., demeurant ...,
3 / M. Karim A..., demeurant Le Patis, chemin des Ruches, 72190 Saint-Pavas,
4 / M. Christian Y..., demeurant ...,
5 / M. Jean-François B..., demeurant ...,
6 / M. Frank X..., demeurant ...,
7 / M. Philippe C..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 juillet 1997 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section B), au profit :
1 / de la société BNP Bail, (dont le nom commercial est Natio Equipement), société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de la société Jet Sea, dont le siège est D... Marina, Bas du Fort, 97110 Pointe-à-Pitre,
3 / de M. Didier F..., demeurant ..., ès qualités d'administrateur judiciaire et co-commissaire à l'exécution du plan de cession partiel d'actif de la société Jet Sea,
4 / de Mme Anne E..., demeurant village Viva, La Digue, Bas du Fort, 97190 Gosier, ès qualités de représentant des créanciers et co-commissaire à l'exécution du plan de cession partiel d'actif de la société Jet Sea,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 mars 2000, où étaient présents : M. Grimaldi, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. de Monteynard, conseiller référendaire rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. de Monteynard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la SNC Madinina, de Mlle Marie-Christine Z..., de MM. Karim A..., Christian Y..., Jean-François B..., Frank Roger et Philippe C..., de Me Garaud, avocat de la société BNP Bail, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à Mlle Marie-Christine Z..., MM. Karim A..., Christian Y..., Jean-François B..., Frank X... et Philippe C... de leur désistement de pourvoi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 1997), que la société Jet Sea, dont l'objet est la mise en place d'opérations de défiscalisation outre-mer, a regroupé plusieurs de ses clients (les associés) dont le nom figure en tête de l'arrêt en une société transparente dont elle a pris la gérance, la SNC Madinina (la SNC) ;
qu'après avoir commandé à la société de construction navale Jeantot Marine un navire de plaisance, elle a vendu ce dernier à la société BNP Bail (le crédit-bailleur) avec laquelle elle avait signé, en sa qualité de gérante de la SNC, un contrat de crédit-bail portant sur le navire ; que le crédit-bailleur lui en a payé le prix et qu'elle a, en sa qualité de gérante de la SNC, signé un procès-verbal de prise en charge du navire ; que la SNC a réglé une partie des loyers au crédit-bailleur ; qu'ultérieurement la société Jet Sea a été placée en redressement judiciaire et qu'il s'est avéré que le navire n'avait jamais été livré par le constructeur, faute d'avoir été payé ; que la cour d'appel a prononcé la résolution du contrat de vente et du contrat de commercialisation du navire ainsi que la résolution du contrat de crédit-bail, ordonné la restitution à la SNC du loyer payé et condamné la SNC solidairement avec ses associés à payer à titre de dommages-intérêts au crédit-bailleur une partie du prix du navire ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la SNC reproche à l'arrêt d'avoir refusé de prononcer la nullité de la vente du navire par la société Jet Sea au crédit-bailleur alors, selon le pourvoi, d'une part, que la nullité résultant de la vente de la chose d autrui ne peut être couverte que lorsque, avant l action en nullité, l acheteur a vu disparaître le risque d éviction ; que l arrêt constate que la société BNP Bail a échoué dans sa revendication ;
qu en affirmant, néanmoins, qu il était sans importance que la société Jet Sea n ait pas été propriétaire lors de la vente, l arrêt a violé l article 1599 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'aucune des parties ne soutenait que le transfert de propriété aurait été différé ; qu au contraire elles faisaient l une comme l autre valoir que la signature, concomitante à la vente, du contrat de crédit-bail et du contrat d exploitation du navire supposait nécessairement le transfert de propriété et la livraison du navire ; que, dès lors, l arrêt a violé les articles 4, 5 et 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'aux termes de l article 10, alinéa 1er, de la loi du 3 janvier 1967, tout acte translatif de propriété sur un navire francisé doit à peine de nullité être fait par écrit ; qu en refusant dès lors de constater la nullité de la vente au motif que l écrit pouvait être reporté à la date de la livraison, l arrêt a violé le texte susvisé ;
Mais attendu que la SNC est sans intérêt à critiquer l'arrêt en ce qu'il a refusé d'annuler la vente, dès lors que la résolution prononcée entraîne, ainsi que la nullité, l'anéantissement rétroactif de la convention ;
que le moyen est irrecevable ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la SNC reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser au crédit-bailleur 3 400 000 francs de dommages-intérêts contre subrogation à due concurrence dans ses droits à l'encontre de la société Jet Sea alors, selon le pourvoi, d'une part, que la faute de la victime qui concourt à son propre dommage a un effet au moins partiellement exonératoire ; que l'arrêt constate expressément que le crédit-bailleur a, par sa faute, participé à la création de son propre préjudice ; qu'en se bornant à affirmer qu'elle dispose d'éléments suffisants pour chiffrer à 3 400 000 francs les dommages-intérêts dus par la SNC, sans s'expliquer sur la part de responsabilité laissée à la charge de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; et alors, d'autre part, que l'évaluation du préjudice est exclusivement fondée sur le motif purement hypothétique que la banque "aurait" versé la somme de 4 257 080 francs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le moyen ne peut, sans se contredire, soutenir, d'un côté, que la cour d'appel s'était, pour chiffrer le montant des dommages-intérêts dus par la SNC, bornée à affirmer qu'elle disposait d'éléments suffisants, et, d'un autre côté, que l'évaluation du préjudice était exclusivement fondée sur le motif purement hypothétique que le crédit-bailleur "aurait" versé la somme de 4 247 080 francs ; que le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Madinina aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Madinina à payer à la société BNP Bail la somme de 6 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Tricot, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille.