AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Fondation nationale de la transfusion sanguine (FNTS), fondation en liquidation, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 juin 1998 par la cour d'appel de Paris (22e chambre, section C), au profit de M. Michel Z..., domicilié au Cabinet de Me X... et Gardel, ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 mars 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Brissier, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Merlin, Le Roux-Cocheril, Finance, Texier, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, conseillers, Mmes Maunand, Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Besson, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la Fondation nationale de la transfusion sanguine, de Me Le Prado, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Y..., engagé le 1er octobre 1972 en qualité de médecin assistant par la Fondation Nationale de la Transfusion Sanguine (FNTS), exerçait, en dernier lieu, les fonctions salariées de directeur général ; que les parties ont conclu le 1er juin 1991, deux conventions intitulées "Protocole d'accord, article 2044 du Code civil" ;
que chacune d'elles mentionne qu'il a été convenu, "pour tenter d'assurer la pérennité" de la FNTS, de prévoir le départ de celle-ci de M. Y... ;
que, la première convention prévoit, outre la paiement des indemnités de rupture, celui d'une somme en réparation du préjudice qu'aurait causé à M. Y... les "atteintes portées à (son) honneur, à (sa) probité, et à (sa) notoriété" ; que la seconde convention stipule que le contrat de travail de M. Y... prendra fin le 1er juin 1991, soit dès sa signature et que la responsabilité de cette rupture incombe à la FNTS (article 1er) ; qu'elle comporte, de plus, l'engagement de la FNTS de prendre en charge les frais consécutifs à la "sécurité rapprochée" de M. Y... (article 2), les frais et honoraires des conseils, notamment d'avocats, pour assurer sa défense "dans le cadre des procédures judiciaires et/ou administratives" et "d'une manière généale, à l'occasion d'un acte ou événement lié à l'exécution de son contrat de travail et des responsabilités qu'à cette occasion, il a eu à assumer", (article 3), ainsi que "l'ensemble des condamnations pécuniaires éventuellement prononcées à (son) encontre dans le cadre de procès liés à l'exécution de son contrat de directeur général" (article 5) et de maintenir, au sein de la FNTS, "un poste d'assistance juridique et communication spécifiquement appliqué au dossier de la morbidité transfusionnelle... jusqu'au terme définitif des procédures judiciaires et administratives liées à ce problème" ; que la FNTS, qui a fait l'objet d'une liquidation amiable, a saisi le
conseil de prud'hommes d'une demande en nullité desdites conventions ;
Sur la recevabilité du moyen unique contestée par la défense : :
Attendu que M. Y... soutient que le moyen tiré de la nullité des transactions comme portant sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail est irrecevable comme nouveau ;
Mais attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a constaté que, d'une part, les conventions litigieuses avaient pour objet de prévenir une contestation à naître sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail et ses conséquences et que, d'autre part, ces conventions constituaient, par là même, des transactions, en sorte que le moyen susmentionné, qui ne repose sur aucun fait qui n'ait pas été constaté par les juges du fond, est de pur droit ;
D'où il suit que le moyen est recevable ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles L. 122-14-7 du Code du travail et l'article 2044 du Code civil ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, les parties ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles relatives au licenciement ; que selon le second, une transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou à naître ; qu'il en résulte que la transaction, consécutive à la rupture du contrat de travail, a pour objet de mettre fin, par des concessions réciproques, à toute contestation née ou à naître de cette rupture ; qu'il s'ensuit que la transaction, ayant pour objet de mettre fin au litige résultant de cette rupture, ne peut, d'une part, être conclue qu'une fois la rupture devenue définitive, par la réception, par le salarié de la lettre de licenciement dans les conditions requises par l'article L. 122-14-1 du Code du travail et, d'autre part, porter sur l'imputabilité de la rupture, laquelle conditionne l'existence de concession réciproques ;
Attendu qu'après avoir constaté l'existence entre les parties d'une contestation à naître sur l'imputabilité de la rupture et en avoir exactement déduit que les conventions litigieuses constituaient des transactions, l'arrêt attaqué, pour décider que celles-ci étaient valables, énonce que les concessions réciproques étaient la condition même d'un règlement transactionnel du litige éventuel qu'il convenait d'éviter ; qu'un licenciement aurait été considéré comme une faute de la FNTS dans le choix de son directeur salarié, le docteur Y..., et aurait conduit de la sorte à une reconnaissance de sa responsabilité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a constaté que les transactions litigieuses avaient pour objet, d'une part, de prévenir une contestation à naître sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail et ses effets et, d'autre part, de consacrer cette rupture, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt mais seulement en ce qu'il a constaté la validité des transactions du 1er juin 1991, en ce qu'il a dit que les articles 3 et 5 du second "protocole" produiront leur plein et entier effet et en ce qu'il a condamné, en conséquence, la commission de liquidation de la FNTS à rembourser à M. Y... la somme de 1 314 895,80 francs acquittée au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, l'arrêt rendu le 18 juin 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Z... et de la Fondation nationale de la transfusion sanguine ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille.