CHAMBRE MIXTE
LA COUR
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 décembre 1995), que M. X... a été poursuivi pour être, du 1er octobre 1991 au 1er mars 1995, volontairement demeuré plus de 2 mois sans acquitter le montant de la contribution aux charges du mariage qu'il avait été condamné à payer à Mme Y... par jugement du tribunal d'instance de Villeurbanne en date du 26 juillet 1990, signifié le 24 septembre 1990 ; qu'il a soutenu qu'il n'était plus tenu de verser cette contribution dès lors que, par ordonnance de non-conciliation du 27 novembre 1990, il avait été condamné au versement d'une pension alimentaire et que cette mesure provisoire était devenue caduque à défaut d'assignation en divorce délivrée dans le délai de 6 mois à compter de cette décision ; que l'arrêt a rejeté cette exception et déclaré M. X... coupable des faits reprochés ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, 1° qu'aucun texte ni principe de droit ne prévoit la résurrection d'une décision judiciaire rendue caduque par une nouvelle décision judiciaire, quand bien même cette seconde décision aurait elle-même cessé de produire effet, pour une raison ou pour une autre ; que la caducité de l'ordonnance de non-conciliation n'a donc pas eu pour effet de faire revivre un jugement antérieur de fixation de la contribution aux charges du mariage ; et alors, 2° que la question de la résurrection du jugement de contribution aux charges du mariage n'avait jamais été tranchée par la Cour de Cassation et avait donné lieu à des décisions contradictoires des juridictions du fond, en sorte que la cour d'appel ne pouvait reprocher au prévenu d'avoir sciemment manqué à ses obligations légales, puisque ces obligations ne pouvaient être déterminées avec précision, en présence d'un état du droit positif confus et contradictoire ;
Mais attendu que si les mesures provisoires ordonnées au cours d'une instance en divorce se substituent d'office à la contribution aux charges du mariage décidée par un jugement antérieur dont les effets sont, de ce fait, suspendus, leur caducité met fin à cette suspension, le jugement reprenant dès lors son effet ; qu'ainsi c'est à bon droit que l'arrêt attaqué écarte le moyen opposé par M. X... ;
Et attendu que les éléments constitutifs du délit d'abandon de famille sont définis en des termes clairs et précis ; que la cour d'appel, en retenant que M. X... s'était abstenu volontairement pendant plus de 2 mois de payer la contribution mise à sa charge, a caractérisé, en tous ses éléments, le délit d'abandon de famille ;
Qu'en aucune de ses branches, le moyen n'est fondé ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.
MOYEN ANNEXE
Moyen produit par Me de Nervo, avocat aux Conseils pour M. X... ;
MOYEN UNIQUE DE CASSATION :
Violation des articles 214, 251 à 258 du Code civil, 1113 du nouveau Code de procédure civile, 357-1 à 357-3 de l'ancien Code pénal, 122-3 et 227-3 du nouveau Code pénal, 591 à 593 du Code de procédure pénale ;
EN CE QUE l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'être volontairement demeuré plus de 2 mois sans acquitter le montant intégral de la pension de 2 000 francs, contribution aux charges du mariage fixée par un jugement en date du 26 juillet 1990, après avoir écarté son exception d'irrecevabilité de la poursuite ;
AUX MOTIFS QUE la caducité d'une décision judiciaire ne se présumait pas et ne pouvait résulter que de la survenance d'une autre décision judiciaire ; que la caducité des mesures provisoires fixées par une ordonnance de non-conciliation avait eu pour effet de faire revivre le jugement en contribution aux charges du mariage ; que l'ensemble du comportement de M. X... démontrait à l'évidence qu'il s'était volontairement abstenu d'acquitter le montant des pensions alimentaires mises à sa charge ; qu'il avait d'ailleurs été déjà deux fois condamné pour abandon de famille, en 1991 ;
ALORS QU'aucun texte, aucun principe de droit ne prévoit la " résurrection " d'une décision judiciaire rendue caduque par une nouvelle décision judiciaire, quand bien même cette seconde décision aurait elle-même cessé de produire effet, pour une raison ou pour une autre ; que la caducité de l'ordonnance de non-conciliation n'a donc pas pour effet de faire " revivre " un jugement antérieur de fixation de la contribution aux charges du mariage ;
ET ALORS QUE, à tout le moins, comme le faisait valoir le prévenu dans ses conclusions d'appel, la question de la " résurrection " du jugement de contribution aux charges du mariage n'avait jamais été tranchée par la Cour de Cassation et avait donné lieu à des décisions totalement contradictoires de deux cours d'appel ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait reprocher au prévenu d'avoir sciemment manqué à des obligations légales, puisque ces obligations ne pouvaient être déterminées avec précision, en présence d'un état du droit positif confus et contradictoire.