AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 septembre 1998 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile, 2e section), au profit de M. Daniel Z..., demeurant ...
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 mars 2000, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Villien, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Cachelot, Martin, Mme Lardet, conseillers, Mmes Masson-Daum, Fossaert-Sabatier, Boulanger, M. Bétoulle, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Villien, conseiller, les observations de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 17 septembre 1998), qu'en 1992, M. Y... a chargé M. Z..., entrepreneur, de la réalisation de travaux d'agrandissement d'une maison d'habitation ; qu'après exécution, l'entrepreneur, partiellement impayé, a obtenu en référé une provision ; que par la suite, le maître de l'ouvrage, alléguant des désordres et des préjudices annexes, a assigné l'entrepreneur tandis que, par voie reconventionnelle, ce dernier a réclamé le paiement du solde du prix des travaux ; que le Tribunal a confirmé l'ordonnance de référé ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement, par M. Z..., d'une somme à titre de réparation du préjudice résultant de modifications apportées au projet alors, selon le moyen, "qu'en retenant l'existence d'une réception tacite au seul motif qu'une lettre de change avait été établie, la cour d'appel n'a pas caractérisé la volonté non équivoque de M. Y... d'accepter les travaux ni le caractère contradictoire de la réception prétendument intervenue et, par suite, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792-6 et 1147 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, abstraction faite de motifs surabondants relatifs à une "réception" par le maître de l'ouvrage d'un pan coupé et de fenêtres, que M. Y..., ayant, après l'exécution des travaux, établi une lettre de change pour en régler le prix, avait accepté les modifications réalisées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de sommes à titre de réparation de désordres et d'indemnisation d'un préjudice de jouissance, alors, selon le moyen, "1 ) que les juges du fond ont l'obligation de se prononcer sur les éléments de preuves qui leur sont soumis dans le respect du principe du contradictoire ; qu'en refusant néanmoins d'examiner le rapport d'expertise et le procès-verbal contradictoirement produits par M. Y... au seul motif qu'ils ne constituaient pas des documents établis contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil ; 2 ) que tout entrepreneur a l'obligation, même dans le silence du contrat, de réaliser des travaux conformes aux règles de l'art, lesquelles comprennent non seulement les règles juridiques en vigueur, mais également les techniques applicables à la prestation commandée ; qu'en l'espèce, M. Y... faisait valoir que les travaux réalisés par M. Z... n'étaient pas conformes aux règles de l'art, en ce qu'elle violait la réglementation en vigueur et que la construction réalisée était impropre à l'usage pour lequel elle avait été réalisée, raisons pour lesquelles ils devaient être repris ; qu'en se bornant néanmoins à énoncer que M. Y... sollicitait la réalisation de travaux supplémentaires, sans rechercher si les travaux litigieux étaient conformes aux règles de l'art ni caractériser l'acceptation par M. Y..., en connaissance de cause, de travaux non conformes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que M. Y... n'avait pas effectué la consignation de la provision à la suite de l'ordonnance de référé, rendue à sa demande, portant désignation d'un expert, qu'il s'était abstenu de solliciter un relevé de caducité, et que son attitude avait été qualifiée de dilatoire par un arrêt en date du 23 janvier 1996, la cour d'appel, qui a relevé que les documents produits par lui avaient été établis de manière non contradictoire, de nature à empêcher son adversaire de faire valoir un point de vue, et que l'expert X... n'avait eu connaissance que des éléments apportés par le seul demandeur, a pu retenir que M. Y... n'établissait pas la réalité des malfaçons et défauts de conformité qu'il invoquait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt retient, dans ses motifs, que le Tribunal pouvait condamner M. Y..., mais ne devait pas confirmer l'ordonnance de référé du 15 juin 1993, et, dans son dispositif, confirme le jugement ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme l'ordonnance de référé du 15 juin 1993 ayant condamné Jean Y... à payer à Daniel Z... la somme de 128 347,63 francs, l'arrêt rendu le 17 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille.