AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Gan incendie accidents, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 19 mars 1997 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section A), au profit :
1 / de la société Electro scientific industries "ESI", société à responsbilité limitée, dont le siège était anciennement Villas d'entreprise du Pavé Neuf, ...Université, 93160 Noisy-le-Grand, et actuellement ..., bâtiment A3, Le Parc club Haute Maison, 77420 Champs-sur-Marne,
2 / de la société Circle Freight international France, société anonyme, dont le siège est ..., 4, aéroport Charles de Gaulle, 95702 Roissy,
3 / de la société Fédéral insurance company, dont le siège est ..., 075059 Etats-Unis d'Amérique,
4 / de la société Tailleur industries, société anonyme, dont le siège est ...,
5 / de la société IBM France, dont le siège est ..., La Défense, 92400 Courbevoie,
défenderesses à la cassation ;
EN PRESENCE :
1 / de la société Groupe de Leseleuc, société anonyme, dont le siège est 7, Terrasse des Reflets, ... La Défense,
2 / de la société La Concorde, société anonyme, dont le siège est ...,
3 / de l'Union des assurances de Paris (UAP), dont le siège est ...,
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 mars 2000, où étaient présents : M. Grimaldi, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Tric, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Tric, conseiller, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société Gan incendie accidents, de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société Electro scientific industries, de Me Hemery, avocat de la société Circle Freight international France, de la SCP Parmentier et Didier, avocat de la société Fédéral insurance company, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Tailleur industrie, de Me Le Prado, avocat de la société IBM France, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 19 mars 1997), que la société Electronic Scientific Industries France (la société ESI) a importé de Portland (USA) pour le vendre à IBM France à Corbeil du matériel informatique conditionné en neuf caisses ; qu'à l'issue du transport de Portland à Roissy, elles ont été prises en charge par la société Circle Freight France qui les a dédouanées et fait entreposer dans les magasins d'un confrère, d'où elles ont été enlevées par la société Tailleur industrie, qui les a transportées par route à Ormoy chez X... France où elles ont été remises le 30 octobre 1991 ; que le même jour, la société ESI a, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, informé la société Tailleur industrie et la société Circle Freight que le matériel était endommagé et qu'elle faisait toutes réserves sur son état ;
Attendu que le Gan, assureur de la société ESI, et ses co-assureurs reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la société ESI diverses sommes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 1er des conditions particulières de la police - auxquels renvoient les articles 1er et 20-1 des conditions générales - prévoyait que "la compagnie soussignée assure à la société ESI... les machines importées des USA et confiées pour acheminement des locaux de l'assurée à destination de l'acheteur à des transporteurs publics ou transportées par l'assurée ou ses représentants dans leurs propres véhicules" ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que les marchandises n'avaient jamais transité par les locaux de la société ESI sis à Bagnolet de sorte que l'expédition, qui ne répondait pas aux conditions particulières de la police, ne pouvait être garantie par le Gan et ses co-assureurs ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les stipulations contractuelles précitées et partant l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en matière de vente CIF ou CAF, les INCOTERMS de 1990 prévoient, en leur article 3, que le vendeur a l'obligation d'obtenir à ses propres frais une assurance sur facultés souscrite conformément au contrat et à des conditions telles que l'acheteur ou tout autre personne ayant un intérêt assurable dans la marchandise soit en droit de présenter directement sa réclamation à l'assureur, et fournir à l'acheteur la police d'assurance ou toute autre preuve de la garantie... ; qu'en l'espèce, la société ESI Portland avait,
en sa qualité de vendeur de marchandises, conclu avec la compagnie d'assurances Fédéral Insurance Company un contrat pour garantir les marchandises transportées entre leur lieu de délivrance et leur lieu de livraison, à savoir les locaux d'IBM France à Ormoy ; qu'ainsi, l'assurance souscrite auprès de la compagnie américaine couvrait bien les sinistres susceptibles d'intervenir jusqu'à l'entrepôt du destinataire ;
qu'en conséquence, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les INTERCOMS de 1990, et, partant, l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'en estimant que la formule "les locaux de l'assurée" signifiait tout local où la société ESI entrepose la marchandise, la cour d'appel a souverainement interprété la clause litigieuse qui n'était ni claire, ni précise ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt constate que la machine a été vendue aux conditions CIF par la société de droit américain ESI à la société ESI France en précisant que le titre de propriété et la responsabilité pour la livraison cessent à Paris ; qu'en retenant que le contrat souscrit auprès de la Fédéral Insurance Company avait pris fin à Paris, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Gan incendie accidents aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne in solidum le Gan et ses co-assureurs à payer à la société ESI la somme de 15 000 francs et à chacune des sociétés IBM, Tailleur Industrie et Circle Freight International France la somme de 5 000 francs, et rejette la demande de la société Fédéral insurance compagny ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Tricot, conseiller le plus ancien, qui en a délibéré, en remplacement du président en son audience publique du dix mai deux mille.