AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Général Machines, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 mars 1997 par la cour d'appel de Lyon (1re Chambre), au profit :
1 / de la société Chambon, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de la société Paul Imbert, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
3 / de la société Rectification Développement Conseil, société anonyme, dont le siège est ...,
4 / de M. Jean-Pierre X..., représentant des créanciers de la société anonyme Rectification Développement Conseil, demeurant ...,
5 / de M. Y..., administrateur judiciaire de la société anonyme Rectification Développement Conseil, demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 mars 2000, où étaient présents : M. Grimaldi, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Vigneron, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Vigneron, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Général Machines, de Me Cossa, avocat de la société Chambon, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Général Machines de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi en tant que dirigé contre la société Paul Imbert, la société Rectification Développement Conseil, M. X... et M. Y... pris en leur qualité respective de représentant des créanciers et d'administrateur judiciaire de cette société ;
Sur le moyen unique, pris en ses sept branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 mars 1997), que la société Général Machines a vendu une machine d'occasion à la société Chambon ; que celle-ci, se plaignant des défectuosités de cette machine a obtenu, en référé, la désignation d'un expert puis a assigné la société Général Machines en résolution de la vente pour défaut de conformité et vices cachés et en réparation de son préjudice ;
Attendu que la société Général Machines reproche à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi, de première part, que l'application de la garantie des vices cachés est exclusive de la responsabilité contractuelle du vendeur ; qu'ayant constaté l'existence d'un vice caché, la cour d'appel ne pouvait prononcer la résolution de la vente pour "défaut de conformité et vices cachés" ; qu'elle a ainsi violé les articles 1604, 1641 et 1648 du Code civil ; alors, de deuxième part, que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en affirmant en l'espèce, pour apprécier si l'action a été introduite à bref délai, que la connaissance des vices retenus - en l'occurrence une oxydation importante de la machine - a été longue à acquérir, puis aussitôt que ce défaut a été "immédiatement signalé" par la société Chambon, à réception de la machine, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de troisième part, qu'e se bornant à relever que la commande datait de "1991" et l'introduction de la demande de "1992", sans autre précision, et en s'abstenant de toute analyse des "documents produits", desquels elle a cru pouvoir déduire la connaissance tardive des défauts retenus, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1648 du Code civil ;
alors, de quatrième part, que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Général Machines prises de ce que la machine litigieuse était "d'occasion et déjà ancienne" et avait été visitée plusieurs fois en ateliers par la société Chambon, spécialisée dans la fabrication des vilebrequins, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de cinquième part, qu'en ne recherchant pas si les défauts retenus - vétusté, saleté, oxydation - n'étaient pas apparents et ne devaient pas être détectés au premier coup d'oeil, comme l'a dit l'expert, par un acheteur professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1642 du Code civil ; alors, de sixième part, que sur le terrain de la non conformité de la machine, en ne répondant pas aux conclusions de la société Général Machines invitant la cour d'appel à constater que la société Chambon, hautement spécialisée, avait accepté de payer la machine livrée, qu'elle avait examinée en ateliers, en pleine connaissance des défauts de conformité allégués, la cour d'appel a violé encore l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'enfin, qu'en se bornant à relever comme preuve de la non conformité alléguée le défaut de nettoyage et de repérage des fils, auquel il a été remédié, et l'absence de remise aux normes de la machine, sans démentir ni même chercher à démentir les motifs des premiers juges constatant que la machine répondait aux "exigences du plan dans les critères de géométrie", comme stipulé à la commande, et que l'impropriété de la machine à son usage n'était ainsi pas établie, la remise aux normes de sécurité participant de la mise en route incombant à l'acquéreur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1604 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que la société Général Machines avait accepté, sans réserve, la commande de la société Chambon qui prévoyait que la machine litigieuse devait être fournie nettoyée, avec tous les câblages repérés et aux normes de sécurité en vigueur, l'arrêt, se fondant sur le rapport d'expertise, retient que la société Général Machines n'a pas rempli ses obligations contractuelles en livrant une machine dans un état de saleté déplorable, sans avoir repéré ses câbles et sans l'avoir mise aux normes de sécurité actuelles ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'encourt pas le grief de la première branche, a légalement justifié sa décision de prononcer la résolution de la vente pour défaut de conformité ;
Attendu, en second lieu, que la société Général Machines n'a nullement prétendu, dans ses conclusions, que la société Chambon avait accepté de payer la machine livrée en pleine connaissance des défauts de conformité allégués ;
Attendu, en troisième lieu, qu'après avoir relevé, sans contradiction, d'un côté, que la société Chambon avait signalé l'état d'oxydation de la machine immédiatement après la livraison et, d'un autre côté, que l'expert avait constaté une oxydation importante de la machine qui bloquait toutes les parties mécaniques et que la connaissance de ce défaut avait été longue à acquérir, la cour d'appel a estimé souverainement que l'action en résolution de la vente pour vices cachés avait été engagée dans un bref délai ;
Attendu, en quatrième lieu, que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions de la société Général Machines faisant état que la machine était d'occasion et ancienne et que la société Chambon qui est spécialisée dans la fabrication de vilebrequins, l'avait visitée dès lors que, des faits ainsi exposés, les conclusions n'en tiraient pas les déductions juridiques que fait valoir le moyen ;
Attendu, enfin, qu'en relevant que la machine présentait une oxydation importante bloquant toutes les parties mécaniques et en estimant souverainement qu'il s'agit d'un vice caché, la cour d'appel a effectué la recherche prétendument omise ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa sixième branche, est mal fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Général Machines aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à la société Chambon la somme de 15 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Tricot, conseiller le plus ancien, qui en a délibéré, en remplacement du président, en son audience publique du dix mai deux mille.