AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. A... Cure, ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. de X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 mars 1997 par la cour d'appel de Dijon (1e chambre, 1ère Section), au profit de la société Rolland matériaux, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 mars 2000, où étaient présents : M. Grimaldi, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Besançon, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Besançon, conseiller, les observations de Me Garaud, avocat de M. Y..., ès qualités, de Me Blondel, avocat de la société Rolland matériaux, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Dijon, 18 mars 1997), que la société Rolland Matériaux, bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété sur des marchandises livrées et facturées à M. de X..., dont le redressement judiciaire a été prononcé le 30 mai 1995, a demandé, le 1er juin 1995 à M. Z..., représentant des créanciers, l'application de cette clause ; que celui-ci a répondu négativement le 15 juin 1995 ; que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de M. de X... a été publié au Bodacc le 27 juin 1995 ; que la société Rolland a adressé, le 10 juillet 1995, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une nouvelle demande en revendication ;
que M. Z..., ès qualités, a indiqué, le 20 juillet 1995, que la revendication n'était plus possible ;
Attendu que M. Z..., en sa qualité de liquidateur de l'entreprise de M. de X..., fait grief à l'arrêt d'avoir dit recevable la saisine par la société Rolland du juge-commissaire le 8 septembre 1995 et renvoyé l'affaire devant celui-ci pour être statué sur la demande en revendication de la société Rolland, alors, selon le pourvoi, d'une part, que si l'action en revendication doit impérativement être exercée dans le délai préfix de trois mois suivant la publication au Bodacc du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire, elle peut néanmoins être efficacement engagée dès le prononcé de ce jugement , avant même sa publication ; que pour dénier toute valeur à l'action en revendication exercée par la société Rolland auprès de M. Z... ès qualités le 1er juin 1995, soit le surlendemain du prononcé du jugement ouvrant le redressement judiciaire de M. de X..., la cour d'appel a prétendu que l'action ne peut être "engagée avant la publication au Bodacc", intervenue en l'espèce le 27 juin 1995 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que si le liquidateur refuse d'acquiescer à la demande en revendication d'un meuble qui doit, sous peine de forclusion, être formée dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure collective, le créancier porte sa demande devant le juge-commissaire qui doit être saisi, sous peine de forclusion, dans le délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse de ce liquidateur ; que, par lettre du 1er juin 1995 adressée à M. Z... ès qualités, la société Rolland a revendiqué des marchandises livrées avec réserve de propriété à M. de X... ; que le 15 juin 1995, M. Z... ès qualités a rejeté la demande ; que ce n'est que le 8 septembre 1995 que la société Rolland a saisi le juge-commissaire ; qu'en déclarant néanmoins recevable la saisine du juge-commissaire, pourtant formée hors délai, au prétexte que la société Rolland aurait adressé le 10 juillet 1995 à M. Z... ès qualités une seconde demande en revendication, la cour d'appel a violé les articles 115 et 121-1 de la loi du 25 janvier 1985 et 85-1 du décret du 27 décembre 1985 ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que seule la demande en revendication du 10 juillet 1995 avait été faite dans les formes prescrites par les dispositions de l'article 85-1 du décret du 27 décembre 1985, l'arrêt retient exactement, abstraction faite du motif erroné critiqué par la première branche, que le délai pour saisir le juge-commissaire expirait le 10 septembre 1995 et que la saisine intervenue le 8 septembre 1995 avait été valablement effectuée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Le condamne à une amende civile de 10 000 francs envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Tricot, conseiller le plus ancien, qui en a délibéré, en remplacement du président en son audience publique du dix mai deux mille.