AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société SPAG, société à responsabilité limitée dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1997 par la cour d'appel de Versailles (15e Chambre), au profit :
1 / de M. Simba X..., demeurant ...,
2 / de l'ASSEDIC de Seine-Saint-Denis, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 mars 2000, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Richard de la Tour, conseiller référendaire rapporteur, MM. Bouret, Lanquetin, conseillers, Mme Trassoudaine-Verger, M. Rouquayrol de Boisse, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Richard de la Tour, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de la société SPAG, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., qui était salarié de la société SPAG depuis le 8 avril 1980 en qualité d'agent de sécurité, a été licencié pour motif économique le 10 décembre 1991, le préavis expirant le 10 février 1992 ; que, le 27 janvier 1992, le salarié a été convoqué à un entretien préalable pour le 3 février 1992 en vue de son licenciement pour faute lourde avec mise à pied conservatoire ; que l'entretien préalable n'a pas eu lieu et cette procédure n'a pas été poursuivie ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des sommes à titre d'indemnité de préavis ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société SPAG fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mai 1997) de l'avoir condamnée à payer à M. X... des sommes au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, premièrement, que l'impossibilité de reclassement du salarié s'apprécie au regard des moyens financiers de l'employeur et non seulement en fonction des postes disponibles ; que la société SPAG soutenait qu'avec la société Bélier, elle perdait un client important ; que faute d'avoir recherché si la société SPAG était encore en mesure d'assurer le salaire de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ; et alors, deuxièmement, qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement, au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instructions qu'il estime utiles ; que la cour d'appel a retenu que la société SPAG n'établit pas l'absence de nouveaux clients justifiant de ses difficultés économiques ;
qu'en statuant ainsi et en mettant à la charge de cette dernière la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; et alors, troisièmement que les juges ne peuvent imposer à l'employeur la charge d'une preuve négative ;
que la cour d'appel a retenu que la société SPAG n'établissait pas la preuve de l'absence de nouveaux clients ; qu'elle a ainsi violé tant l'article L. 321-1 du Code du travail que l'article 6 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, statuant par motifs adoptés, a relevé que la société SPAG n'avait procédé à aucune tentative de reclassement du salarié ; qu'elle a pu décider, abstraction faite des motifs critiqués par le moyen et qui sont surabondants, que le licenciement n'avait pas de cause économique réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société SPAG fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... diverses sommes au titre de l'indemnité de préavis et au titre des congés payés y afférents, alors, premièrement, que la mise à pied conservatoire emporte la privation de la rémunération ; qu'ayant constaté que M. X... avait fait l'objet d'une mise à pied conservatoire pendant la durée de son préavis, la cour d'appel ne pouvait ordonner le paiement de l'intégralité de son salaire afférent à cette période ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 122-41 du Code du travail ; et alors, deuxièmement et en tout cas, qu'en décidant que les sommes allouées par les premiers juges n'étaient pas contestées, bien que la société SPAG ait discuté précisément le montant des sommes dues au titre de la période de préavis, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la mise à pied conservatoire, si elle n'est pas suivie de la constatation d'une faute grave, entraîne paiement des salaires pour la période pendant laquelle elle et intervenue ;
Et attendu qu'ayant constaté que la mise à pied conservatoire n'avait été suivie d'aucune autre mesure, la cour d'appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que l'indemnité de préavis au titre de cette période était due ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SPAG aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille.