AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
I - Sur le pourvoi n° X 97-42.728 formé par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Sarthe, dont le siège est ...,
II - Sur le pourvoi n° T 97-43.023 formé par M. Anaclet X..., demeurant ...,
en cassation d'un même arrêt rendu le 10 avril 1997 par la cour d'appel d'Angers (3e chambre), entre eux,
LA COUR, en l'audience publique du 7 mars 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, MM. Merlin, Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Texier, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, conseillers, M. Poisot, Mmes Maunand, Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Besson, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Sarthe, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° X 97-42.728 et n° T 97-43.023 ;
Attendu que M. X..., au service de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Sarthe (CRCAM de la Sarthe) depuis le 1er mars 1976 en qualité de sous-directeur, a été avisé par l'employeur, par lettre du 12 mai 1995, de sa décision de le mettre à la retraite à l'âge de 62 ans, en application de l'article 18, alinéa 4, de la Convention collective nationale des cadres de direction du Crédit agricole ;
Sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur :
Attendu que la CRCAM de la Sarthe fait grief à l'arrêt attaqué (Angers, 10 avril 1997) d'avoir dit que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que l'article 18 de la Convention collective nationale des cadres de direction du Crédit agricole ne prévoit pas la rupture immédiate du contrat de travail du salarié qui atteint l'âge de la retraite, mais dispose que le cadre de direction peut être autorisé à continuer son service après l'âge de 60 ans ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ledit article 18 de la convention collective applicable au litige ; et alors, en conséquence qu'en jugeant que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il était fondé sur l'âge du salarié bien que l'article 18 de la convention collective visé dans la lettre de licenciement, ne prévoit pas la cessation du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-13 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que l'employeur n'avait invoqué, comme cause de rupture du contrat de travail, que l'âge du salarié à un moment où l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein, a exactement décidé que la rupture s'analysait en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi de l'employeur :
Attendu que la CRCAM de la Sarthe fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 1 200 000 francs à titre d'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen, que l'article 18 de la Convention collective nationale des cadres de direction du Crédit agricole prévoit que lorsque le Conseil d'administration d'une Caisse régionale décide de placer en position de retraite un cadre de direction d'un âge compris entre 60 et 65 ans, celui-ci doit recevoir, outre la prime de départ prévue à l'article 19, un préavis de six mois et une indemnité compensatrice correspondante à l'exclusion de toute indemnité de licenciement ; qu'il s'ensuit que quelle que soit la qualification de la rupture du contrat de travail de travail, l'indemnité conventionnelle de licenciement est exclue en cas de départ d'un salarié ayant dépassé l'âge de 60 ans ; et, qu'en conséquence, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 18 de la convention collective applicable ;
Mais attendu que l'article 17 de la Convention collective des banques prévoit que la révocation ou le licenciement prononcé pour un motif autre que la faute professionnelle grave, la faute grave contre la discipline ou la condamnation entachant l'honneur, ouvre droit, d'une part, à un délai de préavis d'un an pour les cadres de direction dont le temps de présence dans un emploi de direction est de cinq ans, d'autre part, à une indemnité de licenciement calculée sur la base d'un douzième du traitement annuel par année de service dans un emploi de direction ; que la cour d'appel, qui a constaté que la rupture du contrat de travail résultant de la mise à la retraite du salarié qui ne pouvait bénéficier d'une retraite à taux plein s'analysait en un licenciement, a exactement décidé que le salarié pouvait prétendre à l'indemnité conventionnelle de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi du salarié :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en paiement de sommes complémentaires au titre du 13e mois, de la prime de rendement, de la prime de participation et de la prime d'intéressement, alors, selon le moyen, que la cour d'appel ne pouvait faire grief à M. X... de n'avoir pas chiffré sa demande ; qu'il ne pouvait pas le faire, car il ne disposait pas des éléments nécessaires à cette fin et les démarches effectuées dans ce sens par son avocat se sont soldées par des fins de non recevoir de la part de son employeur ; que M. X... sollicite auprès de la Cour de Cassation l'application de toutes les conséquences financières, confirmées par un reçu pour solde de tout compte arrêté au 15 mai 1996, des jugements intervenus en sa faveur ;
qu'il défère en conséquence à sa censure l'arrêt de la cour d'appel sur ce point, ces éléments n'ayant pu être valablement chiffrés par le demandeur puisque leur montant est dépendant de paramètres à la seule maîtrise de l'employeur, lequel ne saurait obtenir ainsi le bénéfice de dissimulations fautives ; que toute approche par extrapolation n'aurait de caractère que fantaisiste, quand l'employeur dispose, et dispose seul, des éléments de chiffrage réels qu'il devait verser aux débats, chacune des parties devant concourir à la manifestation de la vérité et non pas s'y soustraire ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que le salarié, abstraction faite de motifs surabondants, ne justifiait pas des demandes qu'il avait formulées, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi du salarié :
Attendu que M. X... fait grief à la CRCAM de la Sarthe d'avoir déduit de l'indemnité de licenciement une somme de 515 470,10 francs qu'il avait reçue de la société Generali, compagnie d'assurance vie ;
Mais attendu que le moyen qui ne critique pas l'arrêt attaqué en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité de licenciement, ni en ce qu'il a décidé que devait être déduite de cette somme toute somme éventuellement versée au titre d'une indemnité de départ à la retraite, n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille.