AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Béatrice X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 janvier 1997 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale), au profit :
1 / de la société Meubles Kuom, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de M. Franck Z..., pris en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société anonyme Meubles Kuom, domicilié ...,
3 / de M. Y..., pris en sa qualité de représentant des créanciers de la société anonyme Meubles Kuom, domicilié ...,
4 / de l'ASSEDIC Oise et Somme, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 mars 2000, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Richard de La Tour, conseiller référendaire rapporteur, MM. Bouret, Lanquetin, conseillers, Mme Trassoudaine-Verger, M. Rouquayrol de Boisse, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Richard de La Tour, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme X..., de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de la société Meubles Kuom et de MM. Z... et Y..., ès qualités, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme X... était salariée de la société Meubles Kuom depuis le 22 juillet 1978 en qualité de vendeuse de meubles ; que, par jugement du 8 juin 1993, le tribunal de commerce de Beauvais a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Meubles Kuom ; que, par ordonnance du 24 juin 1993, le juge-commissaire a autorisé le licenciement collectif de 68 personnes dont 10 vendeurs ; que Mme X... a été licenciée pour motif économique le 5 juillet 1993 ; que, contestant le bien-fondé de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de dommages-intérêts, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de l'ordre des licenciements ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Amiens, 30 janvier 1997) de l'avoir déboutée de ses demandes formées sur le non-respect par la société Meubles Kuom de l'ordre des licenciements, alors, selon le moyen, de première part, qu'ayant relevé que la direction et le comité d'entreprise avaient retenu comme critères, pour fixer l'ordre des licenciements : les charges de famille, l'ancienneté, les qualités professionnelles et la situation géographique du domicile, sans ordre préférentiel, la cour d'appel, qui, bien qu'elle ait constaté qu'en fait la direction avait arrêté l'ordre des licenciements en privilégiant le critère de la qualité professionnelle, a considéré que l'ordre des licenciements n'avait pas été respecté, a violé l'article L. 321-1-1 du Code du travail ; et alors, de deuxième part, qu'en affirmant que l'employeur aurait respecté l'ordre des licenciements, en privilégiant le critère tiré de la qualité professionnelle, sans avoir vérifié qu'il aurait pris en considération l'ensemble des autres critères retenus, notamment celui de l'ancienneté, ce que contestait Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 321-1-1 du Code du travail ; et alors, de troisième part, que s'agissant même du critère tiré de la qualité professionnelle, Mme X... avait contesté la pertinence du classement opéré par l'employeur en fonction du chiffre d'affaires global réalisé par chacun des vendeurs, en faisant valoir qu'étant rémunérée à la guelte, elle avait toujours développé un chiffre d'affaires suffisant pour que l'employeur n'ait pas à opérer de réajustements en sa faveur, ce qui n'était pas le cas d'un certain nombre de vendeurs qui avaient été conservés ; qu'en refusant dès lors de rechercher si, au regard même du critère des qualités professionnelles, le licenciement de Mme X... n'aurait pas été opéré au mépris des critères retenus, la cour d'appel a privé sa décision de bas légale au regard de l'article L. 321-1-1 du Code du travail ; et alors, de quatrième part, qu'en affirmant que Mme X..., qui était classée 8e sur 19 avec un chiffre d'affaires de 1 715 514 francs, ne saurait critiquer le maintien de M. A..., vendeur à temps partiel, dont le chiffre d'affaires était de 1 371 570 francs, sans même s'interroger sur la durée du temps de travail effectué par ce vendeur, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1-1 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que l'employeur avait pris en compte l'ensemble des critères prévus à l'article L. 321-1-1 et avait privilégié le critère des qualités professionnelles puis celui des charges de famille, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que, dans ses conclusions laissées sans réponse, Mme X... soutenait, d'une part, que d'autres salariés conservés au service de la société Meubles Kuom travaillent en surplus des heures normales et que, depuis son licenciement, le poste qu'elle occupait avait été repourvu, au moins partiellement, en infraction aux dispositions de l'article 47 de la convention collective, ce dont elle justifiait au travers de deux attestations, dont l'une émanait de M. B..., directeur des Etablissements Kuom, sans pour autant qu'il lui ait été proposé une réduction de ses horaires de travail ; qu'en s'abstenant dès lors d'examiner le moyen ainsi soulevé par l'employée, manifestement susceptible d'exercer une influence sur la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le licenciement économique de la salarié avait été autorisé par ordonnance du juge-commissaire, en sorte que ni la suppression d'emploi, ni les difficultés économiques ne pouvaient être contestées par la salariée ;
que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille.