AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Jules Louis Emmanuel X...,
2 / M. Jean-Louis X...,
3 / Mlle Françoise X..., demeurant anciennement ...,
4 / Mlle Véronique X...,
demeurant tous quatre ..., Le Brulé, 97400 Saint-Denis de la Réunion,
5 / la SCI X... immobilier, société civile immobilière, dont le siège est ... et ayant sa succursale ..., 97400 Saint-Denis de la Réunion,
en cassation d'un arrêt rendu le 19 juin 1998 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (1e chambre), au profit de la société Royal Saint-Georges banque, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 mars 2000, où étaient présents : M. Buffet, président, M. Séné, conseiller rapporteur, Mme Borra, M. Etienne, Mme Bezombes, conseillers, Mmes Batut, Kermina, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Séné, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat des consorts X... et de la SCI X... immobilier, de la SCP Le Bret, Desaché et Laugier, avocat de la société Royal Saint-Georges banque, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 juin 1998), que cessionnaire d'une créance à l'encontre de M. et Mme X..., celle-ci étant décédée par la suite, garantie par une hypothèque sur un immeuble appartenant à la société civile immobilière
X...
immobilier (la SCI), la société Royal Saint-Georges Banque (la banque) a exercé des poursuites de saisie immobilière sur le bien hypothéqué ; que la SCI et les consorts X... ont déposé un dire tendant à la nullité de la procédure de saisie, en soutenant que le commandement de saisie avait été délivré à la requête d'un organe légal inexistant, que l'acte de prêt servant de fondement aux poursuites ne contenait pas de déchéance du terme et qu'en tout cas aucune clause y afférente n'avait été signifiée à la succession X... ; que les consorts X... et la SCI ont interjeté appel du jugement qui avait rejeté leur dire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... et la SCI font grief au jugement d'avoir été rendu après un délibéré auquel assistait le greffier, alors, selon le moyen, qu'il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer et que les délibérations sont secrètes ; qu'en l'espèce, I'arrêt attaqué indique sous la rubrique "composition de la Cour : lors des débats et du délibéré" la mention "Greffier : Mme Sery" ; qu'il ressort donc de ces énonciations que le greffier a assisté au délibéré des magistrats ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les articles 447, 448 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le nom du greffier est l'objet d'une mention distincte de celle qui énonce les noms des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts X... et la SCI reprochent à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel du jugement du chef de la demande de nullité du commandement de saisie, alors, selon le moyen, qu'est nul comme constituant une irrégularité de fond et ne peut être susceptible de régularisation l'acte qui émane d'une personne morale inexistante et qui n'est pas régulièrement représentée ; que tel était le cas du commandement à fin de saisie immobilière délivré le 23 juin 1997 à la requête de la banque, désignée comme étant une société à directoire et à conseil de surveillance et représentée par M. Hoare, président du directoire spécialement habilité à cet effet, alors que cette société était une société anonyme à conseil d'administration et que M. Hoare était le président du conseil d'administration de ladite société de sorte qu'il n'était pas compétent pour représenter la banque désignée dans l'acte litigieux comme une société à directoire et conseil de surveillance ; qu'en décidant au contraire que ce commandement à fin de saisie immobilière délivré à la requête d'une société inexistante et représentée par une personne qui n'avait pas la compétence pour le faire, était affecté d'une simple erreur matérielle constitutive d'un simple vice de forme et en en déduisant que l'appel des consorts X... et de la SCI était irrecevable en ce qui concerne la nullité du commandement à fin de saisie, la cour d'appel a violé les articles 117 et 648 du nouveau Code de procédure civile ainsi que
l'article 731, alinéa 2, de l'ancien Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel ne s'est prononcée sur la demande de nullité du commandement qu'en raison de l'inexistence de l'organe légal qui représentait la société poursuivante et non de l'inexistence de cette personne morale que les saisis n'avaient pas invoquée ; que l'arrêt n'ayant pas statué sur le défaut de capacité d'une partie et de ce fait sur aucun moyen de fond, au sens de l'article 731 du Code de procédure civile, la cour d'appel a retenu à bon droit que cette disposition n'était pas susceptible d'appel ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu que les consorts X... et la SCI font grief à l'arrêt, de les avoir déboutés de leur contestation relative à l'exigibilité de la créance servant de fondement aux poursuites, alors, selon le moyen, 1 ) que le juge ne peut retenir, dans sa décision, les documents invoqués ou produits par les parties, que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en l'espèce, par lettre adressée au président de la chambre des saisies immobilières du tribunal de grande instance de Saint-Denis, en date du 6 novembre 1997, le conseil des consorts X... et de la SCI avait déjà fait valoir que la partie saisissante ne lui avait toujours pas communiqué le cahier des charges dont elle s'était prévalue à l'audience ; que, devant la cour d'appel, les consorts X... et la SCI ont, à nouveau, fait valoir que nul cahier des charges se rapportant au prêt contracté par les époux X... ne leur avait été communiqué et ont sollicité une nouvelle fois la communication de l'original de l'acte de prêt ; qu'en retenant néanmoins ces documents à l'appui de sa décision, pour dire que la déchéance du terme était prévue au contrat de prêt et en déduire que la créance de la banque était exigible, la cour d'appel a violé les articles 16 et 132 du nouveau Code de procédure civile ; 2 ) que, chaque page rédigée d'un acte notarié doit être revêtue du paraphe des signataires de l'acte et du notaire ; que les clauses de l'acte notarié contenues dans une page non paraphée ne sont pas opposables aux signataires de l'acte ; qu'en l'espèce, seules les pages impaires de l'acte de prêt conclu entre l'Epargne de France et les époux X... le 26 novembre 1991, étaient revêtues du paraphe des signataires de l'acte et du notaire ; qu'en particulier la page 4 de l'acte notarié mentionnant que le prêt avait lieu sous les charges et conditions du cahier des charges établi par L'Epargne de France, et que les parties avaient parfaite connaissance de ce document, n'était revêtue d'aucun paraphe ; que cette clause de l'acte de prêt renvoyant à un cahier des charges, comportant une clause de déchéance du terme était donc inopposable aux époux X..., ainsi qu'à leurs héritiers et à la SCI ; qu'en retenant au contraire que le notaire n'avait l'obligation de faire parapher que le recto de chaque feuille et que, chaque page ayant été paraphée au recto, les emprunteurs et les cautions étaient réputés avoir également approuvé le verso, de sorte que la clause de l'acte de prêt renvoyant au cahier des charges, était opposable aux consorts X..., ainsi qu'à la SCI, bien qu'elle figure sur une page non paraphée, la cour d'appel a violé l'article 9 du décret 71-941 du 26 novembre 1971 ; 3 ) qu'un document ne fait partie du contrat que si le co-contractant a pu en
avoir connaissance ; qu'en l'espèce, les consorts X... et la SCI avaient fait valoir dans leur assignation devant la cour d'appel que l'acte de prêt contracté par les époux X... auprès de l'Epargne de France ne contenait aucune clause de déchéance du terme ; qu'en estimant que la clause de déchéance du terme entraînant l'exigibilité anticipée de la créance pour défaut de règlements aux échéances convenues était opposable aux époux X... ainsi qu'à la SCI du seul fait que cette clause était contenue dans le cahier des charges visé dans le contrat de prêt et annexé audit contrat sans même rechercher si un exemplaire de ce cahier des charges avait été remis aux époux X... ainsi qu'à la SCI en sa qualité de caution hypothécaire ou si ces derniers avaient pu en avoir connaissance avant la signature du contrat de prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, qu'après avoir relevé que l'acte authentique de prêt, signé par l'emprunteur et les cautions, comportait une déclaration aux termes de laquelle l'emprunteur reconnaissait avoir une parfaite connaissance du cahier des charges, c'est hors de toute violation du principe de la contradiction que la cour d'appel qui n'était tenue, ni d'ordonner la production aux débats de l'original de l'acte auquel le cahier des charges était annexé ni de procéder à une recherche sur la remise du cahier des charges aux parties, que les énonciations mêmes de l'acte authentique rendaient inutiles, a retenu l'existence d'une clause de déchéance du terme ;
Et attendu qu'ayant constaté, que chaque feuille de l'acte notarié avait été paraphée par les parties, l'arrêt en a, dès lors, exactement déduit que les énonciations portées tant au recto qu'au verso étaient valables, en application de l'article 9 du décret du 26 novembre 1971 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen pris en ses deux dernières branches :
Attendu que les consorts X... et la SCI, reprochent à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, sur l'exigibilité de la créance cédée, alors, selon le moyen, 1 / que le professionnel doit informer son co-contractant, profane, de la portée exacte des engagements souscrits et attirer l'attention de ce dernier, sur les clauses du contrat qui présentent pour lui une importance particulière ; qu'à défaut ces clauses sont inopposables au co-contractant ; qu'en I'espèce il résulte des constatations mêmes des juges du fond que le contrat de prêt se contentait de mentionner qu'il était notamment soumis aux conditions du cahier des charges figurant en annexe, lequel contenait une clause de déchéance du terme ; qu'ainsi en ne recherchant pas en outre, si l'attention des époux X... et de la SCI avait ou non été spécialement attirée sur l'existence de cette clause, figurant dans le cahier des charges qui aurait été annexé au contrat de prêt, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1134 du Code civil ; 2 / que la déchéance du terme, n'étant pas encourue par le débiteur principal, ne peut être invoquée contre la caution ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la déchéance du terme n'était pas opposable aux héritiers de Mme X..., co-emprunteuse ; que la créance n'étant pas exigible à l'égard des débiteurs principaux, aucun recours ne pouvait donc avoir lieu contre la SCI X..., en sa qualité de caution
hypothécaire ; qu'en décidant au contraire, que l'inopposabilité aux consorts X... de la déchéance du terme était sans effet sur la vente envisagée sur saisie de l'immeuble, appartenant à la SCI, en sa qualité de caution hypothécaire, la cour d'appel a violé les articles 2013 et 2036 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, que la banque avait notifié une mise en demeure préalable, prévue pour la mise en oeuvre de la clause de déchéance du terme, à M. X... co-emprunteur et à la SCI qui s'était portée caution, la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui avait pas été demandée, n'a fait qu'appliquer les articles 220, 1203 et 1013 du Code civil en statuant comme elle l'a fait ;
qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... et la SCI X... immobilier aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Royal Saint-Georges banque ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept avril deux mille.