AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Véronique X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 12 mai 1998 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), au profit :
1 / de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Charente-Maritime, dont le siège est ...,
2 / du Bureau commun des assureurs, dont le siège est ...,
3 / de la Caisse d'assurance maladie des professions libérales Provinces (CAMPLP), dont le siège est ...,
4 / de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) Poitou-Charentes, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 février 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Ollier, conseiller rapporteur, M. Thavaud, Mme Ramoff, M. Dupuis, Mme Duvernier, M. Duffau, conseillers, M. Petit, Mme Guilguet-Pauthe, M. Leblanc, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ollier, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme X..., de la SCP Lesourd, avocat de la CAMPLP, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de l'URSSAF de la Charente-Maritime, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF, considérant que Mme X..., associée, avec son mari, d'une société en participation qui gère un cabinet d'assurance, exerçait une activité professionnelle, l'a affiliée à compter du 1er janvier 1992, et lui a fait signifier le 22 novembre 1996 une contrainte pour le recouvrement des cotisations personnelles d'allocations familiales des années 1992 à 1995 et du premier trimestre 1996 ; qu'à la suite de cette décision, le Bureau commun des assureurs maladie a décerné à son encontre trois contraintes, pour le recouvrement des cotisations d'assurance maladie pour la période du 1er octobre 1993 au 31 mars 1996, des pénalités pour déclaration hors délai et des majorations de retard ; que l'arrêt attaqué a débouté Mme X... de ses oppositions, validé les contraintes, et donné acte à l'URSSAF de ce que, sous réserve de contrôle ultérieur, Mme X... n'est pas redevable de cotisations pour les années 1994, 1995 et 1996 ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme X... fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que la situation fiscale d'une personne est inopérante pour déterminer sa situation au regard de la sécurité sociale ; qu'en se fondant sur les déclarations fiscales de Mme X... pour décider de son assujettissement au régime de sécurité sociale des travailleurs non salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 241-2 du Code de la sécurité sociale ; alors, d'autre part, qu'une déclaration fiscale de frais de déplacement ne fait pas preuve de l'exercice d'une activité professionnelle concrète ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 241-2 précité ; et alors, enfin, qu'est travailleur celui qui perçoit une rémunération ou des prestations en contrepartie de son travail ; que l'arrêt attaqué, qui se borne à relever que Mme X... a déclaré des frais professionnels, sans constater qu'elle aurait perçu une rémunération ou des prestations en contrepartie d'un travail effectif, est dépourvu de base légale au regard de l'article R. 241-2 précité ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir énoncé à bon droit que les associés d'une société en participation qui exercent une activité professionnelle au sein de cette société sont soumis au paiement des cotisations sociales des travailleurs indépendants, a relevé que, sur ses déclarations de revenus des années 1991, 1992 et 1993, Mme X..., dont il est constant qu'elle percevait la moitié des bénéfices de la société, avait déduit des frais professionnels pour ses déplacements de son domicile à son lieu de travail ; qu'appréciant souverainement la valeur des éléments de preuve soumis à son examen, elle a estimé qu'il résultait de cette déclaration que l'intéressée exerçait une activité professionnelle au sein de la société ; qu'elle en a exactement déduit qu'elle était redevable à ce titre des cotisations réclamées ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article R. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir énoncé que "c'est à juste titre que les premiers juges ont validé la contrainte litigieuse pour les années 1992 et 1993" et que "dans cette limite leur décision doit être confirmée", a confirmé le jugement qui avait entièrement validé les contraintes ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la Cour de Cassation est en mesure, en appliquant la règle de droit appropriée, de mettre fin au litige, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a validé les contraintes pour la part relative aux cotisations des années 1994, 1995 et 1996, l'arrêt rendu le 12 mai 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare Mme X... partiellement bien fondée en ses oppositions ;
Valide partiellement les contraintes, en ce qu'elles se rapportent aux cotisations dues au titre des années 1992 et 1993 ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille.