AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Moet et Chandon, société anonyme dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 janvier 1998 par la cour d'appel de Lyon (Chambre sociale, Section collégiale B), au profit de M. Hubert X..., demeurant 23, cours Aristide Briand, 69300 Caluire et Cuire,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 1er mars 2000, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, M. Coeuret, conseiller, Mme Lebée, M. Rouquayrol de Boisse, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Guénée-Sourie, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Moet et Chandon, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... a été au service de la société Moet et Chandon en qualité d'attaché commercial du 21 septembre 1981 au 31 décembre 1992, date de sa cessation d'activité pour départ à la retraite à l'âge de 60 ans ; qu'estimant que, alors qu'il lui était possible de travailler jusqu'à 65 ans, il n'avait pris la décision de cesser son activité à 60 ans qu'en raison d'informations erronées fournies par l'employeur sur l'évaluation de sa retraite, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société Moet et Chandon fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 9 janvier 1998) de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice résultant des mauvaises informations données par l'employeur, alors, selon le moyen, d'une part, que la manifestation unilatérale de volonté par laquelle un salarié fait part de sa décision de partir en retraite présente un caractère imprévisible, sauf commun accord contraire de l'employeur et du salarié ; qu'en jugeant le contraire pour estimer que l'erreur de l'employeur avait pu causer un préjudice à M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que, par lettre du 9 septembre 1991, M. X... a écrit à la société Moet et Chandon dans les termes suivants : "Suite à votre lettre du 8 août, j'ai le plaisir de vous informer de mon intention de départ à la retraite le 31 décembre 1992" ; qu'il a signé, le 11 juin 1992, une "demande de liquidation de retraite CGRCR3 sur laquelle il a expressément précisé "date de cessation d'activité : 31 décembre 1992" et "date d'entrée en jouissance : 1er janvier 1993" ; qu'il a encore signé le même jour une "demande de mise en paiement des droits de retraite complémentaire" sur laquelle il était expressément indiqué "document à nous retourner dès que vous aurez décidé de prendre votre retraite" et sur laquelle il a lui-même précisé "A quelle date
voulez-vous bénéficier de votre retraite : 1er janvier 1993" ; qu'en estimant néanmoins que la décision définitive de M. X... de prendre sa retraite serait intervenue postérieurement au 17 décembre 1992, la cour d'appel a dénaturé ces documents régulièrement produits aux débats et, derechef, violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que, sous couvert de grief non fondé de violation de la loi et de dénaturation, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion les éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond qui ont constaté que le salarié n'avait pris définitivement la décision de partir en retraite que le 31 décembre 1992, à la suite des renseignements erronés fournis par l'employeur sur l'évaluation de sa pension de retraite ; qu'il ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Moet et Chandon aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Moet et Chandon à payer à M. X... la somme de 15 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille.