AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. René Z..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 8 décembre 1997 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), au profit :
1 / de la société Nouvelle Sitel Maille, dont le siège est ...,
2 / de M. Y..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société nouvelle Sitel Maille, domicilié ...,
3 / de M. X..., ès qualités de représentant des créanciers de la société Nouvelle Sitel Maille, domicilié ...,
4 / du Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de Seynod, dont le siège est Acropole, avenue d'Aix-les-Bains, 74600 Seynod,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 1er mars 2000, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Rouquayrol de Boisse, conseiller référendaire rapporteur, M. Coeuret, conseiller, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Guénée-Sourie, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Rouquayrol de Boisse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Z..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que M. Z... a été engagé le 28 octobre 1986, par la société Sitel Maille, devenue la société nouvelle Sitel Maille, en qualité de directeur général adjoint ; qu'après avoir quitté l'entreprise en raison d'un arrêt de maladie, il a été licencié pour faute grave par lettre du 13 décembre 1995 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 décembre 1997) d'avoir dit que son licenciement était justifié par une faute grave et de l'avoir débouté de ses demandes d'indemnité de préavis et de licenciement ; alors, selon le moyen, de première part, que la persistance dans une erreur longtemps tolérée par l'employeur ne constitue pas une faute grave ; qu'en l'espèce, l'arrêt relève que les comptes de l'exercice 1994 avaient été établis selon la même méthode d'évaluation que pour les années précédentes, au sujet de laquelle l'employeur n'avait mis aucune réserve, que dès lors, en retenant que la méthode d'évaluation des stocks appliquée par M. Z... pour l'établissement du bilan de l'exercice 1994 était constitutive d'une faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et ainsi violé les articles L. 122-6 et L. 122-5 du Code du travail ; alors, de deuxième part, qu'en retenant que la méthode d'évaluation des stocks retenue par M. Z... pour l'établissement du bilan de l'exercice 1994 était constitutive d'une faute tout en constatant que l'évaluation des stocks était toujours faite selon la même méthode, ce dont il résultait que l'employeur avait connaissance de ces faits depuis plus de deux mois, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 122-14-4 et L. 122-44 du Code du travail ; alors de troisième part, que seule une faute personnelle directement imputable au salarié est susceptible de le priver des indemnités de licenciement et de préavis, qu'en l'espèce, l'arrêt relève qu'il était absent de l'entreprise pour cause de maladie depuis la fin juin 1995, que dès lors, en retenant à son encontre la baisse de capacité de production de l'atelier en 1995, par rapport à 1994, sans rechercher si ce résultat constaté à la fin de l'année 1995 n'était pas dû à une détérioration intervenue après qu'il eut quitté l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, de quatrième part, que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ; qu'il appartenait, dès lors, à la société Nouvelle Sitel Maille d'établir que la baisse de capacité de production constatée à la fin de l'année 1995 était déjà amorcée avant son départ en congé maladie à la fin du mois de juin 1995 ; qu'en se bornant à énoncer que son absence depuis cette date ne suffisait pas à l'exonérer de toute responsabilité dans la baisse de la capacité de production de l'atelier constatée à la fin de l'année 1995, sans constater que l'employeur apportait la preuve qui lui incombait de la responsabilité du salarié dans ce résultat, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et ainsi violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu, qu'après avoir relevé, d'une part, que le rapport d'audit des comptes pour l'année 1994, établi le 7 novembre 1995, faisait ressortir une dépréciation des stocks et une insuffisance de provisions d'environ un million de francs résultant de l'absence d'abattement sur le prix de revient des productions antérieures à 1994 et de la neutralisation manuelle de la décote progressive qui est appliquée de manière générale dans la profession et qui avait été appliqué par la société Sitel Maille en 1993, d'autre part, que l'annexe au bilan ne fait aucune mention d'un quelconque changement de méthode d'évaluation et que ces comptes ont été présentés au conseil d'administration le 19 juillet 1995 comme ayant été établis suivant les mêmes méthodes d'évaluation que les années précédentes, la cour d'appel a pu décider, par ce seul motif, que le comportement du salarié rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille.