AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Max, Henri X..., demeurant ..., ès qualités de représentant des créanciers de la SCI République et liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI République,
en cassation de l'arrêt rendu le 15 mai 1997 par la cour d'appel de Nîmes (1ère chambre, section A), au profit :
1 / de la banque Sofal, société anonyme, dont le siège est ..., aux droits de laquelle se trouve l'Union industrielle de crédit (UIC) qui a déclaré, par conclusions déposées au greffe le 28 janvier 1999, reprendre l'instance,
2 / de la société à responsabilité limitée CGR hôtel Albion, dont le siège est ...,
3 / de la société civile immobilière (SCI) Saint-Rémi, dont le siège est ... et actuellement ...,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 février 2000, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Pronier, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, conseiller référendaire, M. Weber, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Pronier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., ès qualités, de Me Ricard, avocat de la société civile immobilière Saint-Rémi, de la SCP Vier et Barthelemy, avocat de la banque Sofal aux droits de laquelle vient l'Union industrielle de crédit, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 15 mai 1997), que, suivant deux actes des 1er septembre 1988 et 2 février 1989, la banque Sofal, aux droits de laquelle se trouve l'Union industrielle de crédit, a consenti deux prêts à la société civile immobilière (SCI) République, chacun de ces prêts étant garanti par une hypothèque conventionnelle portant sur les terrains et immeubles bâtis ou à bâtir ;
que ces actes stipulaient que l'emprunteur s'obligeait à verser ou faire verser sur un compte spécial ouvert dans les livres de la banque Sofal toutes les sommes qu'il pourrait recevoir et notamment toutes celles à provenir des ventes des lots de copropriété ; que, par acte du 5 mai 1989, la SCI République a vendu divers lots à la SCI Saint-Rémy, l'acte stipulant que toutes les sommes dues par l'acquéreur en vertu du présent contrat devront être versées au domicile du vendeur par chèque émis à l'ordre de la banque Sofal ; que la SCI République n'a pas remboursé les sommes dues à la banque Sofal et n'a pas fait parvenir à celle-ci l'intégralité des sommes qu'elle a perçues des acquéreurs des lots ; que la SCI République a assigné la SCI Saint-Rémy, acquéreur de lots, en paiement de la fraction du prix exigible à la livraison; que cette demande a été accueillie par une décision du 4 mars 1993 ; que la banque Sofal a formé tierce opposition à cette décision ;
Attendu que M. X..., es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI République fait grief à l'arrêt d'accueillir la tierce opposition, alors, selon le moyen, "1 ) qu'il résulte de l'article 583 du nouveau Code de procédure civile qu'un créancier hypothécaire, qui est représenté par son débiteur, est irrecevable à former tierce opposition à un jugement auquel ce dernier était partie, à moins qu'il puisse établir que le jugement a été rendu en fraude de ses droits ou qu'il agisse sur le fondement d'un moyen propre, distinct de ceux qu'il peut tirer de sa seule qualité de créancier hypothécaire et qu'il était seul à pouvoir invoquer ;
qu'en déclarant recevable la tierce opposition de la banque Sofal sans constater que l'arrêt litigieux a été rendu en fraude de ses droits et sur le seul fondement de stipulations des actes d'ouverture de crédit et de l'acte de vente du 5 mai 1989 d'où il ne résultait aucun moyen propre susceptible d'être invoqué par la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 583 du nouveau Code de procédure civile, 2 ) que le prix de la vente d'un bien, même hypothéqué, est dû au vendeur ; que la sûreté dont bénéficie le créancier hypothécaire lui confère seulement le droit d'obtenir un paiement prioritaire sur les sommes résultant de la vente du bien hypothéqué et, lorsque le bien a été vendu en dehors de toute saisie et sans purge de l'hypothèque, le droit de suivre l'immeuble dans quelques mains qu'il se trouve ; qu'il n'a, en revanche, en sa seule qualité de créancier hypothécaire, aucun droit personnel et direct sur la créance de prix de vente du bien qui appartient au seul vendeur ; qu'il n'a aucun titre, en dehors de l'exercice de son droit de suite, pour agir directement en paiement contre l'acquéreur ; qu'en déboutant M. X... de sa demande après avoir affirmé que seule la banque avait le droit d'obtenir paiement du solde du prix de l'immeuble vendu par la SCI République, sans dire en quoi il résultait des stipulations contractuelles qu'elle relevait que la banque était devenue seule titulaire de la créance de prix litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1582, 2114 et 2166 du Code civil ; 3 ) qu'il résulte de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 que le jugement d'ouverture d'une procédure collective suspend les poursuites individuelles contre le débiteur et interdit toute action des créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement tendant au paiement de leur créance ainsi que toute voie d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ; que lorsqu'un bien hypothéqué appartenant au débiteur est vendu avant l'ouverture de la procédure collective, le fait pour le créancier hypothécaire de réclamer paiement de sa créance directement sur le prix de vente de l'immeuble encore dû par l'acquéreur s'analyse en une action en paiement exercée sur la créance de prix appartenant au débiteur-vendeur ; qu'une telle action, qui tend à faire sortir une créance du patrimoine du débiteur en redressement judiciaire est interdite par l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il n'en va autrement que si le créancier est en mesure d'établir qu'il a définitivement acquis la propriété de la créance de prix de vente de l'immeuble avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'il est constant en l'espèce que la créance de la banque sur la SCI République était antérieure à l'ouverture de la procédure collective ; qu'en déclarant recevable et bien fondée dans son principe la tierce opposition de la banque Sofal tendant à faire rétracter l'arrêt ayant condamné l'acquéreur à payer le solde du prix de vente de l'immeuble à la SCI République, débiteur-vendeur et à obtenir, en qualité de créancier hypothécaire, le paiement du prix de vente de l'immeuble dû à la SCI République en liquidation judiciaire, aux lieu et place de cette dernière, sans avoir caractérisé l'acquisition définitive par la banque de la créance de prix litigieuse avant l'ouverture de la procédure collective, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte de vente intervenu entre la SCI République et la SCI Saint-Rémy stipulait que toutes les sommes dues par l'acquéreur en vertu du contrat devraient être versées au domicile du vendeur, par chèques émis à l'ordre de la société Sofal, la cour d'appel, qui a pu en déduire que la banque Sofal, étant seule en droit de solliciter la condamnation de la SCI Saint-Rémy, tiers détenteur, à lui payer les sommes restant dues, sa tierce opposition était recevable et qui a ainsi caractérisé l'acquisition définitive par la banque de la créance de prix avant l'ouverture de la procédure collective, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X..., ès qualités, à payer à la SCI Saint-Rémi la somme de 7 000 francs et à l'Union industrielle de crédit, la somme de 9 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille.