AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Michèle E..., épouse Z..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 novembre 1996 par la cour d'appel de Douai (1re chambre civile), au profit :
1 / de M. Jacques X...,
2 / de Mme Madeleine B..., épouse X...,
demeurant ensemble ...,
3 / de M. Courtin Y...,
4 / de Mme Courtin Y...,
demeurant ensemble ...,
5 / de Mme Françoise C..., épouse F..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
Les époux X... ont formé, par un mémoire déposé au greffe le 8 mars 1999, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les époux A...
Y... et D...
F... ont formé, par un mémoire déposé au greffe le 6 janvier 1998, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Les époux X..., demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Les époux A...
Y... et D...
F..., demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation, également annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 février 2000, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Di Marino, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, conseiller référendaire, M. Weber, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Di Marino, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de Mme Z..., de Me Blanc, avocat des époux A...
Y... et de Mme F..., de Me Brouchot, avocat des époux X..., les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que n'étant pas tenue de considérer comme constants les faits allégués par Mme Z..., au seul motif qu'ils n'auraient pas été expressément contestés par les autres parties, la cour d'appel a souverainement retenu que celle-ci n'apportait aucun élément de nature à démontrer que les bornes implantées sur le pourtour de l'étang après les bornages de 1939 et 1953 invoqués, avaient disparu ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que l'expert avait indiqué dans son rapport que la majeure partie, voire la totalité de l'eau qui alimentait l'étang provenait de cours d'eau et que même si la pièce d'eau existait depuis une date reculée, elle résultait de la construction d'une digue réalisée de manière à barrer orthogonalement la vallée naturelle de l'Oise et à créer une retenue artificielle, la cour d'appel a exactement retenu que l'article 558 du Code civil n'était pas applicable à cet étang, que celui-ci devait être soumis au régime des eaux courantes des rivières et fleuves en matière d'alluvion, tel que prévu par l'article 556 du Code civil, qu'en application de l'alinéa 2 de ce texte, l'alluvion profitait aux propriétaires des fonds riverains dont elle devenait partie intégrante et que Mme Z... ne pouvait revendiquer la propriété des terrains sur le pourtour de l'étang ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par les époux A...
Y... et D...
F... et sur le moyen unique du pourvoi incident formé par les époux X..., réunis :
Vu l'article 2262 du Code civil, ensemble l'article L. 235-4 du Code rural ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 novembre 1996), que Mme Z..., propriétaire d'un étang, a assigné les époux X..., les époux A...
Y... et D...
F..., afin de faire juger que le terrain situé sur le pourtour de l'étang lui appartenait jusqu'à la limite des eaux, telle que définie par les bornes des rapports d'arpentage, et d'obtenir la démolition des constructions empiétant sur la limite supérieure de l'étang, ainsi que la reconnaissance d'un droit de pêche ; qu'une expertise a été ordonnée ;
Attendu que pour dire que Mme Z... est seule propriétaire du droit de pêche de l'étang de la Lobiette, l'arrêt, qui relève que l'alinéa 1, de l'article L. 235-4, du Code rural doit recevoir application, retient que Mme Z... établit, par titre, l'existence d'un droit de pêche contraire à celui réservé par ce texte aux propriétaires riverains et que les époux A..., D...
F... et les époux X... ne peuvent aller contre ce titre par de simples attestations dont il résulterait que ceux-ci bénéficiaient d'un droit de pêche depuis au moins 1945 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit de pêche peut être acquis par prescription acquisitive trentenaire et que les faits matériels de possession peuvent être prouvés par tous moyens, sans rechercher si les attestations produites ne faisaient pas état d'actes de possession utile pour prescrire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a reconnu à Mme Z... un droit de pêche exclusif dans l'étang de la Lobiette, l'arrêt rendu le 4 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne Mme Z... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme Z... à payer aux époux A...
Y... et à Mme F..., ensemble, la somme de 9 000 francs, et aux époux X... la somme de 2 000 francs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille.