AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Françoise X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 mai 1998 par la cour d'appel de Paris (18e chambre civile, section B), au profit de :
1 / la société Air France, venant aux droits de la société Air Inter, dont le siège est ...,
2 / la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris, dont le siège est ...,
3 / la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France (DRASSIF), dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 janvier 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Leblanc, conseiller référendaire rapporteur, MM. Gougé, Ollier, Thavaud, Mme Ramoff, M. Dupuis, Mme Duvernier, M. Duffau, conseillers, MM. Petit, Liffran, Mme Guilguet-Pauthe, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme X..., de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de la société Air France, venant aux droits de la société Air Inter, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que, le 16 septembre 1988, Mme X..., hôtesse navigante de la compagnie Air France, a été victime d'un accident du travail ; qu'alors qu'elle se trouvait à bord d'un avion, elle a été heurtée par un chariot de vente qu'elle était en train de ranger avant l'atterrissage ; que sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur a été rejetée ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 29 mai 1998) d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que, de première part, la cour d'appel a tenu pour constant que les personnels navigants commerciaux pouvaient, sans danger, être occupés au rangement du matériel roulant entre 30 000 et 10 000 pieds, mais que celui-ci devait impérativement être terminé, pour des raisons évidentes de sécurité, à 10 000 pieds ; qu'il lui appartenait donc de rechercher si l'accident s'était produit au-delà ou en deçà de 10 000 pieds ; qu'en considérant, successivement, les parties indiquant toutes deux que l'accident s'était produit en phase de descente, pour retenir qu'il s'était produit alors que l'appareil se trouvait entre 30 000 et 10 000 pieds, que cette phase débutait à 10 000 pieds, et qu'elle débutait à 30 000 pieds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 451-2 du Code de la sécurité sociale ; alors, de deuxième part, qu'en se déterminant à partir de motifs inopérants, tirés, notamment, de ce que la compagnie, qui n'avait enfreint aucune disposition légale, réglementaire ou conventionnelle, s'était conformée à un usage, dont Mme X... n'avait pas contesté formellement l'existence, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le report de l'allumage du signal "attachez vos ceintures" de 30 000 à 10 000 pieds, qui avait été décidé par la compagnie, de façon unilatérale, au mois de septembre 1988, conjugué au défaut d'annonce par le personnel navigant technique de l'imminence de la descente à 30 000 pieds, n'était pas de nature à affecter la sécurité des personnels navigants commerciaux, ainsi qu'il résultait de la circonstance que cette annonce avait été instituée, à la demande expresse des syndicats et des représentants du personnel, par l'accord du 16 février 1989, aux lieu et place de l'allumage du signal "attachez vos ceintures", et si la décision de la compagnie ne devait pas, dès lors, être considérée comme fautive, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard du même texte ; alors, de troisième part, qu'il incombe à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la sécurité des salariés qu'il emploie en toutes circonstances et quelle que soit leur expérience ; qu'en se bornant à relever, pour exclure tout lien de causalité entre la faute et le dommage subi par Mme X..., que cette annonce de l'imminence de la descente ne pouvait être que d'une précision relative, les personnels navigants commerciaux étant à même de percevoir par eux-mêmes le commencement de la descente et de l'interpréter comme une incitation à entreprendre le rangement du matériel, et que Mme X..., qui avait une expérience suffisante pour s'acquitter de la tâche routinière qui lui était demandée, s'était, de fait, en l'espèce, effectivement rendu compte par elle-même du début de la descente, la cour d'appel a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard du même texte ;
Mais attendu que la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a relevé que l'accident avait eu lieu alors que les consignes n'étaient pas encore allumées, de sorte que l'altitude de 10 000 pieds n'avait pas encore été franchie et que Mme X... rangeait le matériel roulant conformément à la chronologie de la procédure antérieurement en vigueur ; qu'elle a pu en déduire que la suppression de l'annonce de l'imminence de la descente avait été sans incidence dans la survenance de l'accident et décider qu'il n'y avait pas de faute inexcusable ; qu'ainsi elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Air France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille.