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01/03/2000 | FRANCE | N°98-86405

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 mars 2000, 98-86405


REJET du pourvoi formé par :
- X... Serge,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 29 septembre 1998, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, 250 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4-A et suivants, 170 et suivants, 1741 et 1750 du Code général des impôts, 2

et suivants de la Convention franco-togolaise du 24 novembre 1971, 593 du C...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Serge,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 29 septembre 1998, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, 250 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4-A et suivants, 170 et suivants, 1741 et 1750 du Code général des impôts, 2 et suivants de la Convention franco-togolaise du 24 novembre 1971, 593 du Code de procédure pénale, 55 de la Constitution du 4 octobre de 1958, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Serge X... coupable de s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu des années 1991, 1992 et 1993 en omettant de procéder à une déclaration globale de ses revenus et en souscrivant ainsi des déclarations minorées ;
" aux motifs qu'en dehors de ces cas précis prévus par la Convention, le contribuable n'a pas à se faire juge du pays dans lequel il est redevable de l'impôt sur le revenu ; qu'en effet, le bénéfice éventuel d'une telle Convention tendant à éviter une double imposition ne dispense pas le contribuable de souscrire une déclaration de revenus, pour permettre à l'Administration de vérifier sa situation fiscale ; que ce texte ne saurait permettre d'éluder l'imposition dans l'un et l'autre pays ; qu'il s'en déduit qu'indépendamment des revenus mobiliers déclarés par Serge X... au Togo et de ses revenus immobiliers déclarés par Serge X... au Togo et de ses revenus immobiliers déclarés en France, dans le cadre de cette Convention franco-togolaise, il lui appartenait de déclarer en France l'ensemble des revenus qu'il y a perçus ; qu'en effet, le lieu du domicile fiscal n'est pas le seul élément à prendre en considération pour déterminer le lieu d'imposition ; que doit être retenu le lieu où les revenus ont été encaissés ; qu'en l'espèce, il n'est pas contestable que Serge X... perçoit l'essentiel de ses revenus en France... ; que les revenus ainsi perçus en France par Serge X... devaient faire l'objet d'une déclaration globale en France, celui-ci ne justifiant pas avoir déjà réglé l'impôt afférent à ces revenus dans un autre pays ; qu'il n'y aurait eu en conséquence aucune double imposition ;
" 1° alors que le justiciable est fondé à se prévaloir d'une Convention fiscale internationale ; que, lorsque la situation d'un contribuable est régie par une Convention internationale, seule cette Convention définit le principe et le contenu des obligations déclaratives du contribuable, qui varient selon les termes de la Convention sous réserve de l'obligation prévue par l'article 170-4 du Code général des impôts, de déclarer les éléments du revenu exonéré selon ladite Convention, qui doivent être pris en compte pour le calcul de l'impôt applicable aux autres éléments du revenu global ; qu'en décidant qu'il existerait une obligation générale de déclarer l'ensemble des revenus à la charge du contribuable qui bénéficie d'une Convention internationale sans considération des règles fixées par cette norme, et sans rechercher l'incidence des revenus exonérés par ladite Convention sur les autres éléments du revenu global, la cour d'appel a méconnu le principe de la supériorité de la norme internationale ensemble les articles 55 de la Constitution et 170-4 du Code général des impôts ;
" 2° alors que les obligations déclaratives qui s'imposent au contribuable résultent de la loi et des traités internationaux ; qu'en décidant que le contribuable serait tenu de déclarer l'ensemble de ses revenus afin de permettre au service de vérifier sa situation fiscale au regard de ces normes et de déterminer son lieu d'imposition, la cour d'appel a méconnu l'effet général et obligatoire des lois et traités, et l'objet de la mission de contrôle du fisc ;
" 3° alors qu'aucun texte légal n'imposant à un contribuable de déclarer l'ensemble de ses revenus afin que le fisc puisse vérifier sa situation fiscale, la cour d'appel a méconnu le principe de légalité des délits ;
" 4° alors qu'en subordonnant la faculté pour un justiciable de se prévaloir d'une Convention fiscale internationale à ce qu'il ait, préalablement, rempli des obligations déclaratives en France en vue de permettre à l'Administration de vérifier les conditions d'application de la Convention, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble le principe du droit au juge ;
" 5° alors qu'il résulte de la Convention franco-togolaise applicable en l'espèce que les règles de territorialité sont définies par le domicile fiscal du contribuable ou de la société qui verse les revenus ou par le lieu où sont situés les biens qui génèrent le revenu ; qu'en décidant que le lieu où sont encaissés les revenus déterminerait le lieu d'imposition de ces derniers, de sorte que Serge X... aurait dû déclarer en France l'ensemble des revenus qu'il y a perçus, sans rechercher son domicile fiscal au sens de la Convention ou l'origine de ses revenus, la cour d'appel a méconnu les termes de cette Convention " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 4-A et suivants, 170 et suivants, 1741 et 1750 du Code général des impôts, 2 et suivants de la Convention franco-togolaise du 24 novembre 1971, 593 du Code de procédure pénale, 55 de la Constitution du 4 octobre de 1958, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Serge X... coupable de s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu des années 1991, 1992 et 1993 en omettant de procéder à une déclaration globale de ses revenus et en souscrivant ainsi des déclarations minorées ;
" aux motifs que, surabondamment, compte tenu des éléments recueillis au cours de l'enquête fiscale, il apparaît indéniable que "le foyer permanent d'habitation" de Serge X..., au sens de la Convention franco-togolaise, était en France ; qu'il convient de souligner que Serge X... a indiqué à l'audience qu'il n'existait plus aucune communauté de vie entre lui et son épouse depuis fin 1989, début 1990, ce qui motiva Mme X... à déposer devant la juridiction française, courant avril 1996, une requête en divorce pour rupture de la vie commune depuis plus de 6 ans ; que la Cour s'interroge sur la réalité de cette rupture, les époux X... ayant acquis courant juillet 1990 et décembre 1990, en commun, soit directement soit indirectement par une SARL dont ils détiennent le capital, un patrimoine immobilier d'une valeur de 34 000 000 francs et ce, au moyen d'emprunts communs ; que, par ailleurs, le dépôt de cette requête en divorce est intervenu concomitamment au dépôt de la plainte de l'administration fiscale ; qu'enfin, l'attestation du directeur général des Impôts du Togo, aux termes de laquelle il écrit "qu'il ressort conformément aux dispositions de la Convention fiscale franco-togolaise, et à celles des articles 2 et 3 du Code général des impôts, que Serge X... exerce une activité professionnelle au Togo (co-directeur de la Société Générale des Moulins du Togo, et fondé de pouvoirs auprès des banques), y possède en conséquence son domicile fiscal", n'est pas suffisante et ne peut s'imposer à l'administration fiscale française ; qu'en effet, l'article 2-2 de la Convention stipule "lorsqu'il n'est pas possible de déterminer le domicile d'après l'alinéa qui précède, la personne physique est réputée posséder son domicile dans celui des Etats contractants où elle séjourne le plus longtemps ; en cas de séjour d'égale durée dans les deux Etats, elle est réputée avoir son domicile dans celui dont elle est ressortissante ; si elle n'est ressortissante d'aucun d'eux, les autorités administratives supérieures des Etats tranchent la difficulté d'un commun accord" ; que l'enquête de l'administration fiscale a établi que les débits bancaires démontraient l'existence de dépenses de la vie courante effectuées en France et attestaient ainsi de la présence des contribuables pendant 163 jours en 1991, 107 jours en 1992 et 119 en 1993 ; que Serge X... a reconnu lui-même à l'audience y séjourner régulièrement, et a ajouté que, pour les besoins de sa profession, il séjournait au Ghana ; qu'il n'apporte à la Cour aucun élément de preuve quant à la durée de ses séjours au Togo et au Ghana ; qu'il est indéniable qu'il n'est ni ressortissant français, ni ressortissant togolais, étant de nationalité togolaise ; qu'en conséquence, si l'on s'en tient au seul critère du séjour, il lui appartient de faire trancher ce conflit dans les conditions prévues à ladite Convention ;
" 1° alors que, dans ses conclusions devant la cour d'appel, Serge X... a fait valoir qu'il a produit des documents établissant sa domiciliation togolaise ; qu'il faisait valoir le jugement devenu définitif du tribunal de grande instance de Paris du 14 janvier 1998, qui a prononcé son divorce pour rupture de la vie commune depuis 1989, ainsi que les témoignages des amis de son ex-épouse ; qu'il a également produit l'ordonnance du président du tribunal de première instance de Lomé du 15 mars 1996 qui a déclaré Serge X... fiscalement domicilié au Togo ; qu'en ne s'expliquant pas sur cette articulation essentielle qui était de nature à établir que le foyer permanent d'habitation de Serge X... était situé au Togo, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2° alors qu'en se bornant à énoncer que l'attestation du directeur général des Impôts du Togo, en date du 5 septembre 1997, qui relève que Serge X... était depuis le 20 mai 1998 le co-directeur de la Société Générale des Moulins du Togo de sorte qu'il avait son domicile fiscal au Togo, en application de l'article 2 de la Convention franco-togolaise, n'était pas suffisante, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3° alors que l'article 2 de la Convention franco-togolaise du 24 novembre 1971 définit le domicile fiscal des contribuables par une série de critères qui doivent être envisagés de manière ordonnée et successive : un critère donné ne pouvant être examiné que si le critère qui le précède n'a pu être retenu ; qu'en rejetant l'attestation du directeur général des Impôts du Togo produite par Serge X... pour établir le lieu de son foyer permanent d'habitation, critère n°1 de la Convention, parce que les conditions des autres critères n'étaient pas remplies, la cour d'appel a violé l'article 2 de la Convention " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Serge X..., ressortissant libanais, est poursuivi pour s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 1991, 1992 et 1993, en souscrivant des déclarations minorées, sans mention de revenu imposable ;
Que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés et écarter son argumentation selon laquelle il était domicilié fiscalement au Togo, où il dirige une entreprise industrielle, et devait bénéficier de la Convention fiscale franco-togolaise du 24 novembre 1971 tendant à éviter les doubles impositions, l'arrêt relève que Serge X... est domicilié à Paris où il possède un patrimoine immobilier important, plusieurs véhicules automobiles, emploie du personnel domestique, qu'il perçoit l'essentiel de ses revenus en France où il passe une grande partie de l'année et qu'il n'a pas justifié avoir réglé l'impôt afférent à ces revenus dans un autre pays ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, relevant de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des circonstances de la cause et des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, caractérisant le domicile fiscal en France de Serge X... au sens de l'article 2 de la Convention franco-togolaise précitée, et abstraction faite de motifs erronés mais surabondants critiqués par les deux dernières branches du premier moyen, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation du prévenu, a justifié sa décision ;
Qu'en effet, d'une part, les juridictions répressives, saisies de poursuites pour fraude fiscale, ne sont pas liées par la qualité de résident reconnue dans un autre Etat et demeurent compétentes pour apprécier, au regard des éléments de l'espèce, la qualité de résident français du prévenu ;
Que, d'autre part, selon l'article 170-4. du Code général des impôts, le contribuable est tenu de déclarer les éléments du revenu global, y compris ceux qui, en vertu d'une Convention internationale relative aux doubles impositions, sont susceptibles d'être exonérés ;
Qu'il s'ensuit que les moyens ne sont pas fondés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-86405
Date de la décision : 01/03/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Responsabilité pénale - Personne responsable - Détermination - Qualité de résident français - Appréciation - Compétence des juridictions répressives.

1° Les juridictions répressives françaises, saisies de poursuites pour fraude fiscale, ne sont pas liées par la qualité de résident reconnue dans un autre Etat et demeurent compétentes pour apprécier, au regard des éléments de l'espèce, la qualité de résident français du prévenu(1).

2° IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Fraude fiscale - Eléments constitutifs - Elément légal - Déclaration de revenus - Convention internationale relative aux doubles impositions - Obligations du contribuable.

2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention franco-togolaise du 24 novembre 1971 - Impôts et taxes - Impôts directs et taxes assimilées - Fraude fiscale - Eléments constitutifs - Elément légal - Déclaration des revenus - Obligations du contribuable.

2° Selon l'article 170-4 du Code général des impôts, le contribuable est tenu de déclarer les éléments du revenu, y compris ceux qui, en vertu d'une Convention internationale relative aux doubles impositions, sont susceptibles d'être exonérées. Caractérise le délit de fraude fiscale par minoration des déclarations déposées sans mention de revenu imposable, l'arrêt qui relève que le prévenu, qui prétendait bénéficier de la Convention franco-togolaise du 24 novembre 1971 tendant à éviter les doubles impositions, a son domicile à Paris où il possède un patrimoine immobilier et mobilier important, perçoit l'essentiel de ses revenus en France où il passe une grande partie de l'année et ne justifie pas avoir réglé l'impôt afférent à ces revenus dans un autre pays(2).


Références :

2° :
2° :
CGI 170-4
Convention franco-togolaise du 24 novembre 1971

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 septembre 1998

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1989-03-29, Bulletin criminel 1989, n° 153 (2°), p. 397 (rejet). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1997-09-18, Bulletin criminel 1997, n° 307, p. 1027 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 mar. 2000, pourvoi n°98-86405, Bull. crim. criminel 2000 N° 100 p. 300
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 100 p. 300

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Martin.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:98.86405
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