AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Moulin Fayol, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 octobre 1997 par la cour d'appel de Riom (chambre sociale), au profit de M. Jean X..., demeurant 30, HLM Paul Y..., 03600 Commentry,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 janvier 2000, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Poisot, conseiller référendaire rapporteur, M. Brissier, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Guénée-Sourie, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Poisot, conseiller référendaire, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par contrat de travail du 29 mars 1993, M. X... a été embauché en qualité d'employé de service commercial ;
qu'après avoir démissionné le 4 avril 1996 avec effet au 6 juin 1996, il a saisi le conseil de prud'hommes pour demander l'annulation de la clause de non-concurrence ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Moulin Fayol fait grief à l'arrêt attaqué (Riom, 28 octobre 1997) d'indiquer que Mme Dufour, greffier divisionnaire, était présente lors des débats et du délibéré, alors, selon le moyen, que les délibérations des juges sont secrètes et que l'arrêt qui mentionne expressément la présence du greffier lors du délibéré, a violé les articles 447, 448 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, contrairement à ce qui est allégué, il ne résulte pas de la mention critiquée que le greffier, qui fait partie de la juridiction à laquelle il est affecté, ait participé au délibéré ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Moulin Fayol fait grief à l'arrêt, d'avoir annulé la clause de non-concurrence du contrat de travail de M. X..., alors, selon le moyen, que, d'une part, la clause de non-concurrence ne doit pas, pour être valable, être limitée à la fois dans l'espace et dans le temps, mais comporter l'une ou l'autre de ces limitations ; qu'en se bornant à retenir que la seule mention "du rayon prévu aux présentes" ne peut constituer une limitation dans l'espace précise, sans rechercher, comme elle y était invitée par la société Moulin Fayol, si du fait de sa limitation dans le temps la clause de non-concurrence n'était pas licite, et rendait donc inopérant l'argument relatif à l'imprécision de la limitation de la clause dans l'espace, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, alors, d'autre part, que la clause de non-concurrence est licite dans la mesure où le salarié est réengagé aussitôt dans une entreprise concurrente et dans le secteur où il ne devait pas exercer son activité ;
qu'en ne constatant pas, comme elle y était expressément invitée par l'employeur que M. X... avait immédiatement, après l'expiration de son contrat de travail, été réembauché dans une entreprise concurrente où il ne devait pas exercer son activité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil, alors enfin que la société Moulin Fayol avait insisté dans ses écritures d'appel sur le fait que la clause de non-concurrence, même excessive, ne pouvait être annulée, mais uniquement réduite lorsque le salarié a exercé aussitôt une activité concurrente dans le même secteur géographique et qu'en l'espèce, M. X... avait été immédiatement réembauché par les Grands Moulins de Semblancay, puis par la société Minoterie Megnaud, entreprises concurrentes, et qu'il opérait sur le même secteur géographique ; qu'en ne répondant pas à ce moyen dont il ressortait que la clause de non-concurrence, à supposer même qu'elle fut excessive, ne pouvait étre annulée, mais uniquement réduite, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, que la cour d'appel a relevé que la mention de la clause de non-concurrence édictant une interdiction de concurrence pendant deux ans "dans le rayon prévu aux présentes", était imprécise faute de renvoyer à une disposition du contrat de travail, permettant de déterminer le secteur géographique couvert par cette interdiction, et que les indications données par l'article 2 du contrat de travail, sur les attributions du salarié et celles de son prédécesseur ne permettaient pas davantage de délimiter ce secteur; qu'elle a également relevé que l'interdiction de concurrence s'étendait non seulement à la commercialisation d'articles pouvant concurrencer ceux de la société Moulin Fayol, mais également à leur fabrication, alors que les fonctions du salarié étaient limitées à la vente et I'animation commerciale ; qu'ayant ainsi constaté, que l'imprécision de la clause la rendait inapplicable et fait ressortir qu'elle édictait une interdiction générale d'activité portant atteinte à la liberté du travail, elle a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, qu'une telle clause devait être annulée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Moulin Fayol aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille.