AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière (SCI) du ..., dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 31 mars 1998 par la cour d'appel de Paris (16e chambre civile, section A), au profit de la société Marcel Franck Paris, dont le siège est ... et aux droits de laquelle se trouve M. Tazio X..., qui a déclaré par conclusions déposées au greffe le 13 avril 1999, reprendre l'instance en qualité de liquidateur de la société Marcel Franck Paris,
défenderesse à la cassation ;
La société Marcel Franck Paris a formé, par un mémoire déposé au greffe le 5 janvier 1999, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 janvier 2000, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Bourrelly, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, conseiller référendaire, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bourrelly, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de la SCI du ..., de Me Choucroy, avocat de la société Marcel Franck Paris et de M. Tazio X..., ès qualités les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles 3-1 et 5 du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 1998), que la SCI du ... (la SCI), bailleresse de locaux à usage commercial, ayant reçu de la société Marcel Franck (la société Franck), preneuse, un congé dans la forme, prévue au bail, d'une lettre recommandée, l'a assignée en nullité de l'acte et paiement des loyers échus après la date pour laquelle le congé avait été donné ; que la société Franck a soutenu que le bail avait été résilié, à cette date, d'un commun accord ;
Attendu que, pour dire irrecevable la demande en paiement des loyers échus à compter du 1er avril 1995, l'arrêt, déclarant que le congé est nul, retient que la dette locative est la conséquence de la rédaction trompeuse du bail, qui a induit la société Franck en erreur, et que la SCI est donc mal venue à invoquer l'irrégularité du congé, de sorte que sa demande de loyers est constitutive d'un abus de droit ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'exercice de son droit par la SCI traduisait, de la part de celle-ci, l'intention de nuire à son cocontractant ou obéissait à un motif illégitime, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour dire que le bail n'a pas pris fin par l'effet d'un accord, l'arrêt retient que la réponse de la SCI au congé qui lui a été donné par lettre n'indique pas que le bail sera échu très exactement à la date pour laquelle le congé lui a été donné, mais, se bornant à accuser réception de cette lettre, rappelle qu'il avait été convenu que la société Franck conservait les locaux moyennant un certain prix, sur lequel l'accord avait été conclu, que l'état des lieux dressé à la sortie mentionne une restitution "avec réserve" et qu'il résulte des attestations que la société Franck a versées aux débats qu'à la réception de la lettre de congé seul un autre immeuble, lui aussi donné à bail, a été visité par des candidats locataires, après l'apposition d'un panneau "à louer" ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions par lesquelles la société Franck faisait valoir qu'une partie au moins des locaux qu'elle avait libérée avait été relouée à des personnes qu'elle désignait nommément, et qu'il ressortait d'une expertise judiciaire que la SCI avait fait procéder dans les lieux à des travaux d'aménagement intérieur, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille.