AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Moehamad Akbar Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 janvier 1998 par la cour d'appel de Paris (6e chambre civile section B), au profit :
1 / de M. Jean, Robert X..., demeurant ...,
2 / de Mme Yvette Z... épouse X..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 janvier 2000, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Toitot, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, M. Boscheron, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, conseiller référendaire, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Toitot, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 1998), que M. Y... ayant acquis un appartement donné à bail à M. et Mme X... et soumis aux dispositions générales de la loi du 1er septembre 1948, a donné congé à ses locataires, au visa de l'article 4 de cette loi, puis leur a délivré successivement trois commandements, visant la clause résolutoire insérée au contrat, de payer des sommes à titre de charges de certains trimestres des années 1979 à 1982, ainsi qu'au titre du réajustement du dépôt de garantie pour les années 1979 à 1981 ; qu'un consultant a été désigné par le juge des référés ; qu'après le dépôt du rapport de consultation, le bailleur a assigné les preneurs pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire et les condamner à lui payer une somme à titre de charges et de réajustement du dépôt de garantie ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de refuser de constater la résiliation du bail, alors, selon le moyen, "1 ) qu'aucune disposition légale ne faisait obligation de préciser le décompte et la ventilation des sommes dues ; qu'en décidant que le commandement était nul faute d'indiquer cette ventilation, la cour d'appel a violé l'article 80 de la loi du 1er septembre 1948 ; 2 ) que le commandement visant la clause résolutoire fait pour une somme supérieure au montant réel de la créance, n'en est pas moins valable pour la partie non contestable de la dette ; que la cour d'appel qui ne pouvait dénier toute efficacité aux commandements de payer litigieux, au seul motif que le décompte sur lequel ils reposaient serait erroné, sans constater qu'aucune des sommes réclamées n'était due ou, dans le cas contraire, que les locataires s'étaient acquittés du solde demeurant à leur charge dans le délai prescrit, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1183 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les commandements dont deux réclamaient des sommes identiques pour des causes différentes, ne comportaient pas de ventilation suffisante, la cour d'appel qui a relevé que les destinataires de ces actes ne pouvaient pas vérifier la réalité et l'étendue de leur dette, et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu retenir, sans ajouter de condition non prévue par la loi, que ces commandements étaient nuls ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;
Sur le moyen unique pris en sa troisième branche, pour la période précédant l'application du décret du 18 septembre 1980 (modifiant l'article 38 de la loi du 1er septembre 1948) :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de paiement de charges, alors, selon le moyen, "que lorsque l'entretien des parties communes et l'élimination des déchets sont assurés par un employé d'immeubles, les dépenses correspondant à sa rémunération sont exigibles en totalité au titre des charges récupérables ;
que la cour d'appel qui constate que l'entretien de l'immeuble était assuré par une employée salariée ne demeurant pas dans l'immeuble et a néanmoins refusé que le propriétaire en répercutât l'intégralité de la rémunération sur son locataire, a méconnu la portée de ses propres constatations et, introduisant dans la loi une distinction qu'elle ne comporte pas, violé l'article 38 de la loi du 1er septembre 1948, en ses rédactions successives, outre, pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 6 juillet 1989, les articles 23 de cette loi et l'article 2d du décret du 26 août 1987" ;
Mais attendu que l'article 38 de la loi du 1er septembre 1948, dans sa rédaction applicable à la cause, n'ayant pas prévu le remboursement des frais de main-d'oeuvre nécessaires à l'entretien de propreté des parties communes de l'immeuble et l'élimination des rejets, le moyen est sans portée de ce chef ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, pour la période correspondant à l'application du décret du 18 septembre 1980 :
Vu l'article 38 de la loi du 1er septembre 1948, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Attendu que les locataires ou occupants sont tenus, en sus du loyer principal, au remboursement sur justifications des prestations, taxes et fournitures individuelles énumérées ci-après 1 / frais (fournitures et main-d'oeuvre) nécessaires à l'entretien de propreté des parties communes de l'immeuble, y compris les frais de pose, de dépose et d'entretien des tapis, d'entretien des espaces verts et ceux entraînés par l'élimination des rejets provenant de l'habitation ; que lorsque l'entretien des parties communes et l'élimination des rejets sont assurés par un gardien ou un concierge, ces frais sont pris en compte à concurrence des trois quarts de la rémunération en espèces, y compris les charges sociales et fiscales y afférentes, à l'exclusion des avantages en nature ;
Attendu que pour rejeter la demande de paiement de charges, l'arrêt retient que les dépenses d'entretien assuré par une "employée salariée" ne doivent être récupérées que partiellement, le fait que cette employée ne demeurait pas dans l'immeuble ainsi qu'aurait pu le faire une gardienne, étant sans incidence sur la détermination du montant de la somme récupérable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que de telles dépenses ne sont partiellement prises en compte que si celles-ci sont assurées par un gardien ou concierge, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de réajustement du dépôt de garantie, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que cette demande n'est pas justifiée ;
Qu'en statuant ainsi, par cette simple affirmation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;
Et attendu que la cassation partielle des chefs de décision rejetant la demande de M. Y..., entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de la décision condamnant M. Y... à payer à M. et Mme X... une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE sauf en ce qu'il a constaté que M. Y... avait renoncé à sa demande d'expulsion des locataires, rejeté sa demande tendant à la constatation de la résiliation du bail, ainsi que sa demande de paiement de charges pour la période précédant la date d'application du décret du 18 septembre 1980, l'arrêt rendu le 22 janvier 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille.