AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Véronique X..., demeurant ...,
en cassation d'un jugement rendu le 5 mai 1997 par le conseil de prud'hommes de Bernay (section encadrement), au profit de la société Eram Shop, société à responsabilité limitée, dont le siège est 49110 Saint-Pierre-Montélimart,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 janvier 2000, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, M. Poisot, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Guénée-Sourie, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de Mme X..., de la SCP Ghestin, avocat de la société Eram Shop, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le second moyen :
Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée qu'en cas de faute lourde ;
Attendu que Mme X..., employée par la société Eram Shop, exerçait, en dernier lieu, les fonctions de gérante-directrice de magasin ; qu'elle percevait une rémunération forfaitaire et une rémunération variable en fonction des ventes qu'elle réalisait ; que son contrat de travail comportait la clause suivante : "la rémunération liée à ses propres ventes personnelles sera amputée des compléments de salaire qui auront éventuellement été versés au personnel "vendeur" du magasion pour lui (personnel "vendeur") permettre d'atteindre le salaire garanti" ; qu'en exécution de cette clause, la rémunération résultant de ses ventes personnelle a été diminuée à partir du mois de juin 1994 ; que Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement de "commission" pour la période de juin 1994 à novembre 1995 ;
Attendu que pour débouter la salariée de cette demande, le jugement attaqué énonce que les retenues opérées l'ont été dans le cadre normal du contrat de travail et ne constituaient pas une sanction disciplinaire ;
Attendu, cependant, que la clause d'un contrat de travail relative à la responsabilité personnelle du salarié envers son employeur ne peut produire effet, quelles qu'en soient les termes, qu'en cas de faute lourde du salarié ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, alors que la clause litigieuse du contrat de travail rendait la salariée, en l'absence de toute faute de sa part, personnellement responsable de l'insuffisance des ventes d'une ou plusieurs vendeuses du magasin, ce dont il résultait que cette clause était nulle, le conseil de prud'hommes a violé le principe de droit susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 mai 1997, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Bernay ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes d'Evreux ;
Condamne la société Eram Shop aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Eram Shop à payer à Mme X... la somme de 10 000 francs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mile.