AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Chantal Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 septembre 1997 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), au profit de la société Magasins Bleus, société anonyme, dont le siège est 75, Route nationale, ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 janvier 2000, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Poisot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Brissier, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Guénée-Sourie, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Poisot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme X..., de Me Blondel, avocat de la société Magasins Bleus, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la première branche du moyen :
Attendu que, par contrat de travail du 22 avril 1981, Mme Y... a été engagée comme agent vendeur ; qu'ultérieurement, elle a été affectée à l'agence de Tours en qualité de première vendeuse ;
qu'après sa démission le 3 mars 1993, l'employeur a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir une indemnité pour violation de la clause de non-concurrence ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Orléans, 18 septembre 1997) d'avoir dit que la clause de non-concurrence inscrite à son contrat de travail lui était opposable, d'en avoir constaté la violation et de l'avoir condamnée à verser à son ancien employeur, la société Magasins bleus, des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu' il n'a pas été répondu aux conclusions de Mme X... selon lesquelles elle avait pris un engagement de non-concurrence à l'égard d'une personne morale qui n'existait plus, la société anonyme Magasins bleus s'étant substituée à la société Bauche et compagnie, 2e chaîne des Magasins bleus, le 1er février 1981, de sorte que cet acte était radicalement nul, I'une des deux parties n'ayant pas la capacité de contracter, et ne pouvait produire un quelconque effet ;
que, de ce chef, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat de travail de Mme Y... avait été souscrit le 22 avril 1981 au nom de la société à responsabilité limitée Deuxième chaîne des Magasins bleus Bauche et compagnie, alors que cette société avait été transformée depuis le 1er février 1981, en une société anonyme dénommée Les Magasins bleus, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a exactement décidé que le fait que l'employeur ait été désigné dans le contrat sous l'ancienne dénomination sociale de la société Magasins bleus était sans incidence sur la validité de la clause de non-concurrence et que cette société ne pouvait être considérée comme tiers à ce contrat ; que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;
Mais sur les autres branches du moyen :
Vu les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit étre motivé à peine de nullité, que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ;
Attendu que, pour condamner Mme Y... à verser des dommages-intéréts à la société Magasins bleus pour violation de la clause de non-concurrence, I'arrêt attaqué, après avoir relevé que l'imprécision du secteur géographique de prospection ("la région de Tours") ne suffisait pas à rendre ambiguë une clause dont la salariée n'ignorait pas les limites dans l'exercice quotidien de ses activités, énonce que la clause de non-concurrence méconnue par la salariée dans son secteur d'activité géographique a causé à l'employeur un préjudice de pur principe ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever l'existence de faits caractérisant la violation de la clause de non-concurrence imputée à la salariée ni répondre à ses conclusions soutenant que les communes citées en cause d'appel par la société Magasins bleus n'avaient jamais été visitées par elle et n'avaient jamais fait partie du secteur qui lui avait été attribué, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions condamnant Mme Y... à payer des dommages-intéréts à la société Magasins bleus pour violation de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 18 septembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille.