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29/02/2000 | FRANCE | N°99-85573

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 février 2000, 99-85573


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
ontre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse, en date du 28 juillet 1999, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'escroquerie et abus de confiance, a, sur renvoi après cassation, rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 24 septembre 1999 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 41, alinéa 3, 63, 77, ali

néa 1er (dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993), 171 (dans sa...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
ontre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse, en date du 28 juillet 1999, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'escroquerie et abus de confiance, a, sur renvoi après cassation, rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 24 septembre 1999 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 41, alinéa 3, 63, 77, alinéa 1er (dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993), 171 (dans sa rédaction issue de la même loi), 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, violation des principes généraux du droit, renversement de la charge de la preuve :
" en ce que la Cour de renvoi a refusé de prononcer l'annulation des procès-verbaux d'audition du demandeur placé en garde à vue le 29 mars 1993 et de la procédure subséquente ;
" aux motifs, d'une part, qu'il est constant que le dossier de la procédure contient pour toute mention relative à l'information du procureur de la République, celle, figurant dans le procès-verbal de notification de fin de la garde à vue, de l'information donnée à X..., que "conformément aux instructions de Mme Duhaa, substitut du procureur de la République de Bayonne, il est laissé libre" ; que cette mention n'est pas celle d'un avis audit magistrat, mais de son seul résultat, c'est-à-dire des instructions données par cette autorité ; qu'il en résulte pourtant certainement, par sa précision, que ledit avis a été donné, et que donc, le seul défaut de la procédure est de laisser dans l'ignorance du moment où cet avis a été délivré, et se résume à un défaut de mention de l'avis ; qu'en effet, la circonstance que l'existence de l'avis au procureur de la République ne résulte que de l'information donnée à la personne gardée à vue d'une instruction de mise en liberté donnée par ce magistrat, n'est pas en soi de nature à établir que l'avis qui a provoqué cette instruction ait été donné audit moment de la fin de garde à vue, alors qu'il est fréquent que telles instructions de remise en liberté soient données dès l'avis originaire de placement en garde à vue, en fonction des données alors connues de l'enquête et de ses prolongements immédiats normalement prévisibles voire même prévus d'emblée, telle l'exécution d'un seul acte précisément déterminé ; que justement en l'espèce, il est notable que la garde à vue n'ait, à compter de la décision de la prendre, soit 11 heures 20, donné lieu à l'exécution que d'un seul acte, à savoir une perquisition domiciliaire, et que l'acte d'enquête suivant n'est daté que du 10 mai ; qu'en d'autres termes, le placement en garde à vue n'a été décidé à 11 heures 20 que pour permettre l'exécution de la perquisition, ainsi que, par rétroaction, la prise en compte des temps qui doivent être retenus pour le décompte de la garde à vue ; attendu qu'il incombe à celui qui se prévaut d'une cause de nullité d'en rapporter la preuve ; que la preuve n'est pas ainsi faite par les éléments de l'espèce d'un retard injustifié dans la délivrance de l'avis de placement en garde à vue donné au procureur de la République ;
" et aux motifs, d'autre part, qu'aux termes de l'article 171 du Code de procédure pénale, il y a nullité lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ; que, selon l'article 802, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction qui est saisie d'une demande d'annulation ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ; que la loi fait ainsi obligation au juge, même en présence de l'inobservation de formalités substantielles, en soi de nature à porter atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne, de rechercher si les circonstances concrètes de l'espèce révèlent que l'inobservation a eu, et non pas simplement a pu avoir, pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ; qu'aucune atteinte aux intérêts de la personne concernée, qui serait résultée du déroulement de la mesure et de la perte de la garantie du contrôle par le procureur de la République, n'est alléguée par X... ni ne l'a jamais été ; qu'il se vérifie au vu des données concrètes de l'espèce que le placement en garde à vue à 11 heures 20 et son exécution de brève durée jusqu à 17 heures 30, par surcroît en quasi-totalité au domicile même de la personne gardée à vue pour les seuls besoins de l'exécution d'une perquisition, ainsi pour une durée totale de 6 heures 10 y compris les temps de transport (début de la perquisition à 11 heures 45, fin à 17 heures) et de rédaction des procès-verbaux d'actes et de formalités, étaient parfaitement justifiés au regard des nécessités particulières de l'enquête de nature économique et financière, et ont ainsi été tellement limités dans leurs effets et leurs conditions particulières de mise en oeuvre que l'éventuelle perte de la garantie que constitue le contrôle de la garde à vue par le procureur de la République n'a généré aucune atteinte aux intérêts de X... ; que l'officier de police judiciaire aurait dû porter mention en procédure de la délivrance de cet avis dès le placement en garde à vue ; que le défaut de cette mention n'est pas de nature à entraîner une nullité dès lors qu'il est établi d'une part, que l'avis a été donné, d'autre part, qu'il n'a pu en l'espèce en résulter aucune atteinte aux intérêts de X... ;
" alors qu'il résulte des principes généraux du droit que la preuve de l'accomplissement régulier des formalités substantielles prévues par la loi au sens des articles 171 et 172 du Code de procédure pénale, parmi lesquelles figure l'obligation d'aviser sans délai le procureur de la République du placement en garde à vue en application des dispositions de l'article 77, alinéa 1, du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993, incombe à la partie poursuivante ; qu'en l'espèce, dans ses réquisitions écrites devant la cour de renvoi, le procureur général reconnaissait expressément qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que le procureur de la République ait été avisé de la mesure de garde à vue du 29 mars 1993 mais n'avançait aucune circonstance extérieure au dossier d'où pouvait se déduire l'accomplissement de cette formalité, et qu'en cet état, en affirmant simultanément, sans que ces affirmations puissent trouver le moindre soutien dans le dossier ou dans les preuves produites par le Parquet, que "l'avis avait été donné" et que "la preuve n'avait pas été faite d'un retard injustifié dans la délivrance de cet avis", la cour de renvoi a méconnu le principe susvisé et statué par une décision dont les motifs sont contredits par la procédure ainsi que la Cour de Cassation est en mesure de s'en assurer elle-même ;
" alors qu'en procédant à des affirmations relatives au déroulement prétendument régulier de la garde à vue et à l'accomplissement par les officiers de police judiciaire de leurs obligations au regard des dispositions de l'article 77, alinéa 1, du Code de procédure pénale à partir de simples suppositions déduites de ce qui se passe "fréquemment" en matière de garde à vue, la cour de renvoi a fondé sa décision sur des motifs hypothétiques et abstraits, en tant que tels, insusceptibles de justifier sa décision ;
" alors que seules des circonstances insurmontables peuvent permettre de justifier le retard mis par l'officier de police judiciaire à aviser le procureur de la République en application de l'article 77, alinéa 1, du Code de procédure pénale de la mesure de garde en vue et que les prétendues "nécessités de l'enquête de nature économique et financière" ne sauraient constituer par elles-mêmes une telle circonstance justifiant un retard de plus de 6 heures à aviser le magistrat du Parquet ;
" alors que le principe du contrôle par le Procureur de la République des mesures de garde à vue implique que l'absence d'avis ou le retard injustifié apporté par l'officier de police judiciaire à l'obligation qui lui est faite d'informer sans délai le procureur de la République de cette mesure fasse intrinsèquement grief aux droits de la personne gardée à vue en dehors de tout préjudice démontré par elle ; qu'il en est d'autant plus ainsi qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt et des pièces de la procédure que pendant plus de 6 heures la mesure de garde à vue s'est déroulée sans que le procureur de la République exerce le moindre contrôle sur cette mesure ;
" alors que la méconnaissance des règles du droit interne relatives aux formalités substantielles prescrites à peine de nullité en matière de garde à vue constitue simultanément une violation des règles de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, laquelle interdit de priver une personne de sa liberté "sauf selon les voies légales" " ;
Vu l'article 77, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993 et les articles 171 et 802 du Code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi du 24 août 1993, ensemble l'article 41, alinéa 3, du même Code ;
Attendu que l'officier de police judiciaire, qui pour les nécessités de l'enquête, place en garde à vue une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, doit en informer sans délai le procureur de la République ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que X..., entendu par un officier de police judiciaire, dans une procédure d'enquête préliminaire, le 29 mars 1993 à partir de 9 heures 15, a été placé en garde à vue le même jour à 11 heures 20 ; qu'une perquisition a été pratiquée à son domicile de 11 heures 45 à 17 heures ; qu'il a été mis en liberté à 17 heures 30, conformément aux instructions du substitut du procureur de la République ;
Attendu que pour rejeter la demande de nullité d'actes de la procédure, les juges qui se prononcent par les motifs repris au moyen, relèvent notamment que le placement en garde à vue n'a été décidé que pour permettre l'exécution de la perquisition au domicile de X... d'où ils déduisent que la preuve d'un retard injustifié dans la délivrance de l'avis de placement en garde à vue n'est pas rapportée ;
Qu'ils ajoutent que cette mesure et son exécution de brève durée étaient parfaitement justifiées au regard des nécessités particulières d'une enquête économique et financière et ont été si limitées dans leurs effets et leurs conditions de mise en oeuvre que l'éventuelle perte de la garantie que constitue le contrôle du ministère public n'a porté aucune atteinte aux intérêts de X... ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que le procureur de la République ait été avisé dès le placement en garde à vue, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse, en date du 28 juillet 1999 ; et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-85573
Date de la décision : 29/02/2000
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

GARDE A VUE - Placement en garde à vue - Information du procureur de la République - Retard non justifié par des circonstances insurmontables - Portée.

ENQUETE PRELIMINAIRE - Garde à vue - Placement en garde à vue - Information du procureur de la République - Retard non justifié par des circonstances insurmontables - Portée

OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE - Pouvoirs - Enquête préliminaire - Garde à vue - Placement en garde à vue - Information du procureur de la République - Retard non justifié par des circonstances insurmontables - Portée

DROITS DE LA DEFENSE - Garde à vue - Placement en garde à vue - Information du procureur de la République - Retard non justifié par des circonstances insurmontables - Portée

Selon l'article 77, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993, applicable en l'espèce, le procureur de la République doit être informé sans délai, par l'officier de police judiciaire, de tout placement en garde à vue. Tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée. Méconnaît ce principe la chambre d'accusation qui rejette la requête en annulation prise de la violation des dispositions précitées, alors qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que le procureur de la République ait été avisé dès le placement en garde à vue. (1).


Références :

Code de procédure pénale 77, al. 1er (rédaction-loi 93-2 du 04 janvier 1993), 171, 802 (rédaction-loi 93-1013 1993-08-24), 41, al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (chambre d'accusation), 28 juillet 1999

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1998-11-24, Bulletin criminel 1998, n° 314, p. 900 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 fév. 2000, pourvoi n°99-85573, Bull. crim. criminel 2000 N° 93 p. 275
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 93 p. 275

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Caron.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.85573
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