AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société La Suisse Assurances, dont le siège est ..., venant aux droits de l'Union Phenix Espagnol (UPE),
2 / le cabinet Robles Assurances, dont le siège est ... Grenoble,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1997 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), au profit :
1 / de M. Jean-Pierre Y..., domicilié ..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Motel du Val-Saint-Bernard, société à responsabilité limitée,
2 / de M. Claude Z..., ayant demeuré ...,
3 / de M. Ludovic Z..., demeurant ...,
4 / de Mlle Laeticia Z..., mineure représentée par sa mère, Mme Laure X..., demeurant ...,
tous deux pris en leur qualité d'héritiers de Claude Z...,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 janvier 2000, où étaient présents : M. Sargos, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Aubert, Cottin, conseillers, M. Gaunet, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Sargos, conseiller, les observations de Me de Nervo, avocat de la société La Suisse Assurances et du cabinet Robles Assurances, les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que la société Motel grill du Val Saint-Bernard, qui avait obtenu du CEPME et de la BNLI des prêts destinés à financer l'acquisition d'un fonds de commerce, a souscrit, par l'intermédiaire du cabinet Robles assurances, auprès de la compagnie Le Phénix espagnol, aux droits de laquelle se trouve la compagnie La Suisse, un contrat d'assurance mixte sur la vie pour dix ans, à effet du 25 septembre 1989, l'assuré étant Claude Z..., son gérant ; que cette police avait pour objet le versement par l'assureur d'un capital déterminé, dégressif dans le temps, si l'assuré décédait avant le terme du contrat ; qu'il était stipulé dans les conditions particulières, sous la rubrique "bénéficiaire en cas de décès" ; que l'assureur s'obligeait à payer ce capital au CEPME et à la BNLI ; que la police garantissait, en outre, en cas d'incapacité temporaire totale de travail de l'assuré, le paiement d'une indemnité journalière de 800 francs à partir du 91e jour ; que Claude Z..., ayant subi un arrêt de travail à compter du 18 juin 1990, l'assureur lui a versé les indemnités journalières prévues au contrat ; que, par la suite, la société Motel grill du Val Saint-Bernard et Claude Z..., alléguant que c'était par suite d'une erreur que le montant de l'indemnité journalière avait été fixé à 800 francs dans les conditions particulières du contrat, ont assigné l'assureur et le cabinet Robles assurances en paiement d'une somme d'argent calculée en fonction d'une indemnité journalière de 967 francs ; que le tribunal de commerce les a déboutés et a dit que la compagnie d'assurance devait continuer à payer des indemnités journalières d'un montant de 800 francs ;
Attendu que pour infirmer ce jugement et pour condamner l'assureur à payer au liquidateur judiciaire de la société Motel grill du Val Saint-Bernard et à Claude Z... une somme de 142 618 francs, la cour d'appel a constaté que l'indemnité journalière, telle que fixée à 800 francs, dans les conditions particulières du contrat, correspondait aux seules échéances de remboursement du prêt consenti par la BNLI ;
qu'elle a relevé qu'aucune pièce du dossier ne permettait d'expliquer les obligations différentes de l'assureur en cas de décès et en cas d'incapacité temporaire totale de travail et que les problèmes posés par cette différence de régime avaient été signalés par le cabinet Robles à l'assureur dans une lettre du 18 février 1993 ; qu'elle a énoncé que les contradictions du contrat et l'éclairage donné par cette lettre étaient de nature à la convaincre que la volonté des parties avait été que soient assurées à la fois les échéances de remboursement à la BNLI et au CEPME ; qu'elle a ajouté que la somme de 800 francs figurant dans les conditions particulières du contrat était le résultat d'une "erreur de plume", les parties ayant été en réalité d'accord sur un montant devant permettre de rembourser les deux emprunts ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, d'une part, la clause des conditions particulières fixant en cas d'incapacité temporaire totale de travail de l'assuré le montant de l'indemnité journalière à 800 francs était claire et précise et que, d'autre part, cette clause n'était pas incompatible avec celle prévoyant, en cas de décès de l'assuré, le paiement d'un capital aux deux organismes de crédit, en sorte qu'elle n'appelait aucune recherche de l'intention des parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par l'application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement rendu le 20 février 1995 par le tribunal de commerce de Grenoble ;
Condamne M. Y..., ès qualités, et les consorts Z... aux dépens exposés devant les juges du fond et devant la Cour de Cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille.