LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par : 1°/ M. X..., 2°/ M. Y..., 3°/ la société Z..., en cassation d'un arrêt rendu le 14 avril 1994, par la cour d'appel de C..., au profit de Mme A..., défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs se sont pourvus en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de D..., en date du 21 mars 1991 ; Cet arrêt a été cassé le 9 décembre 1992 par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation ; La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de C..., saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 14 avril 1994 dans le même sens que la cour d'appel de D... par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation ; Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt de la cour d'appel de C..., M. le premier président a, par ordonnance du 8 novembre 1999, renvoyé la cause et les parties devant l'Assemblée plénière ; Les demandeurs invoquent, devant l'Assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ; Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de Cassation par Me Delvolvé, avocat de MM. X... et Y... et de la société Z... ; Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de Cassation par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme A... ;
Sur le moyen unique :
Attendu que selon l'arrêt attaqué (C..., 14 avril 1994), statuant sur renvoi après cassation, le journal intitulé "..." a publié un article signé de M. Y..., dans lequel l'auteur a notamment écrit : "Madame A..., cette attachée de presse occulte de M. B...., en donnait dès le 28 septembre, l'approche et la finalité." ;
Attendu que la société Z..., éditeur, M. X..., directeur de la publication, et M. Y..., auteur de l'article, poursuivis en diffamation par Mme A..., font grief à l'arrêt de les avoir condamnés in solidum à des réparations civiles pour diffamation, alors que la cour d'appel aurait ainsi violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en effet, selon le pourvoi, l'auteur se bornait à énoncer, par une image ironique qui ne dépassait pas les limites du droit de critique, que la journaliste se montrait favorable au ministre et était bien informée de ses projets, que l'écrit ne comportait pas l'imputation d'un fait précis portant atteinte à l'honneur ou à la considération de Mme A..., et que l'offre de preuve, qui concernait le comportement général de la journaliste, ne tendait donc pas à établir l'existence d'un fait diffamatoire ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que l'écrit litigieux comportait l'imputation du fait précis d'avoir agi en porte-parole du ministre, et que cette imputation portait atteinte à la considération professionnelle de Mme A..., le journaliste ayant l'obligation déontologique d'informer le public en toute indépendance et objectivité, le qualificatif d' "occulte" insinuant en outre que Mme A.... trompait ses lecteurs sur son indépendance ; qu'ainsi, la cour d'appel a pu décider que cet écrit était diffamatoire, et constituait un abus du libre droit de critique ;
Que le moyen n'est donc pas fondé ;
MOYEN ANNEXE
Moyen produit par Me Delvolvé, avocat aux Conseils, pour MM. X... et Y... et pour la société Z... ;
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X..., M. Y... et la société Z... pour diffamation envers Mme A...,
AUX MOTIFS QUE dans un article publié dans le journal intitulé "...", M Y..., évoquant un projet de loi sur la réforme de M. F..., avait écrit : "Mme A..., cette attachée de presse occulte de M. B..., en donnait dès le 28 septembre l'approche et la finalité", que cette affirmation constituait l'imputation d'un fait précis selon lequel Mme A... n'aurait pas agi en tant que journaliste, mais comme un porte-parole du ministre, qu'en effet M. Y... avait ainsi laissé entendre que la journaliste travaillait pour le compte du ministre avec pour seul objectif de proposer et de valoriser son action sans indépendance ni objectivité, qu'en la traitant de surcroît d'attachée de presse occulte, M. Y... avait laissé entendre qu'elle trompait ses lecteurs en se présentant officiellement comme un journaliste indépendant, que ces propos excèdaient les limites du droit de critique, l'auteur ne critiquant pas l'article de la journaliste, mais la mettant en cause elle-même et qu'ils ne constituaient nullement une simple moquerie faite sur un ton ironique, les appelants ayant proposé en première instance de démontrer que ce qui avait été écrit correspondait bien à la réalité, en ayant sollicité une enquête à cette fin ;
ALORS QUE en statuant ainsi la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, qu'en effet par les propos incriminés l'auteur se contentait d'énoncer, par une image ironique qui ne dépassait pas les limites du droit de critique, que la journaliste se montrait favorable au ministre et était bien informée de ses projets ; qu'ils ne comportaient pas l'imputation d'un fait précis portant atteinte à son honneur ou à sa considération et que l'offre de preuve qui concernait ce comportement général de la journaliste, ne tendait donc pas à faire la preuve d'un fait diffamatoire