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24/02/2000 | FRANCE | N°98-11541

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 février 2000, 98-11541


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Michel Deletraz, société à responsabilité limitée, dont le siège est 74930 Reignier,

en cassation d'un arrêt rendu le 9 décembre 1997 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile), au profit :

1 / de la société mutuelle d'assurances l'Auxiliaire, dont le siège est ...,

2 / de la société Montant, société anonyme, dont le siège est ...,

3 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Savoi

e, dont le siège est ...,

4 / de Mme Ayse X..., veuve Y..., demeurant ..., prise tant en son nom person...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Michel Deletraz, société à responsabilité limitée, dont le siège est 74930 Reignier,

en cassation d'un arrêt rendu le 9 décembre 1997 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile), au profit :

1 / de la société mutuelle d'assurances l'Auxiliaire, dont le siège est ...,

2 / de la société Montant, société anonyme, dont le siège est ...,

3 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Savoie, dont le siège est ...,

4 / de Mme Ayse X..., veuve Y..., demeurant ..., prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs :

- Nuniye Y...,

- Nufer Y...,

- Semma Y...,

5 / de M. Bekir Y..., demeurant ...,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 13 janvier 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Thavaud, conseiller rapporteur, MM. Gougé, Ollier, Mme Ramoff, M. Dupuis, Mme Duvernier, M. Duffau, conseillers, MM. Petit, Liffran, Mme Guilguet-Pauthe, M. Leblanc, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Thavaud, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la société Michel Deletraz, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société mutuelle d'assurances l'Auxiliaire et de la société Montant, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que, le 28 juillet 1990, Haci Y..., salarié de la société Deletraz, est décédé accidentellement en prenant une douche, asphyxié par suite du mauvais fonctionnement d'un appareil de production d'eau chaude équipant le logement dont il disposait en vertu d'une convention d'occupation accessoire au contrat de travail et dont la société Montant avait assuré la mise en service ; que la cour d'appel (Chambéry, 9 décembre 1997), rejetant l'exception d'incompétence soulevée au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale, a condamné la société Deletraz à indemniser les ayants droit de la victime et mis hors de cause son assureur, la société mutuelle d'assurances l'Auxiliaire, ainsi que la société Montant, appelées en garantie ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Deletraz fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen, que constitue un accident du travail le décès par asphyxie d'un salarié dans le logement mis à sa disposition par l'employeur, dès lors que sa présence en ce logement découle d'une convention d'occupation accessoire et indivisible du contrat de travail, et que l'accident résulte d'un vice de l'immeuble ainsi mis à sa disposition et non d'un acte de la vie courante ; qu'en l'espèce, le décès de Haci Y... était consécutif à une intoxication à l'oxyde de carbone survenue dans un immeuble intégré dans les locaux de l'entreprise et affecté au logement des salariés, où l'employeur était seul à même de prendre les mesures de prévention nécessaires, et que le salarié occupait en vertu d'une convention expressément convenue comme accessoire et indivisible du contrat de travail ; qu'en excluant la qualification d'accident du travail au seul motif inopérant que cette convention, qui profitait aux deux parties, n'aurait comporté aucune obligation pour le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 142-2 et L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, notamment la convention d'occupation du logement mis à la disposition de Haci Y..., la cour d'appel a relevé qu'hébergé à titre onéreux par la société Deletraz, ce salarié n'était soumis à aucune obligation se rattachant à l'exécution du contrat de travail ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'au moment du décès survenu à l'occasion d'un acte de la vie courante, la victime n'était plus sous l'autorité et le contrôle de l'employeur, elle a pu décider que l'accident n'avait pas de caractère professionnel, et que l'exception d'incompétence devait être rejetée ;

Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches :

Attendu que la société Deletraz fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon les moyens, d'une part, que la victime, qui poursuit la réparation du préjudice personnel que lui cause le décès de la victime principale, est en droit d'agir selon le droit commun, sans être tenue par les règles gouvernant les rapports de la victime principale et de l'auteur du dommage ; que Mme Y... et ses enfants, qui n'exerçaient pas, en leur qualité d'ayants-droit, une action ayant appartenu à Haci Y..., mais sollicitaient, en leur qualité de victimes par ricochet, la réparation de leurs préjudices matériels et moraux, personnellement soufferts en conséquence du décès de celui-ci, avaient expressément fondé cette action sur les règles de la responsabilité délictuelle ; qu'en lui substituant d'office un fondement contractuel, au seul motif pris de l'existence de relations contractuelles entre la société Deletraz et la victime principale, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1382 du Code civil et, par fausse application, l'article 1721 du même Code ; alors, d'autre part, qu'en ne répondant pas aux écritures précises et motivées de la société Deletraz, faisant valoir que le rapport établi le 10 décembre 1991 par le directeur de la Direction du travail attestait de la conformité du système de production d'eau chaude à la réglementation en vigueur lors de son installation, moyen de nature à exclure sa faute dans la réalisation des dommages dont la réparation était demandée, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir sur le deuxième moyen du pourvoi, visant les dispositions de l'arrêt attaqué ayant retenu la responsabilité de la société Deletraz à raison d'un vice de la chose louée, entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de décision ayant écarté la garantie de l'assureur pour non-couverture du risque locatif ; alors, enfin, qu'en faisant application d'une exclusion "implicite" de garantie des risques locatifs sans établir le caractère formel et limité d'une telle clause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 113-1 du Code des assurances ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant énoncé que le décès de Haci Y... était dû aux gaz toxiques émis par l'appareil de chauffage installé par le bailleur et qu'il résultait d'un vice affectant le logement loué par la société Deletraz, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a, par là-même, fait ressortir que ce manquement constituait, à l'égard des ayants-droit de la victime, la faute délictuelle sur laquelle ils fondaient leur recours ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, au vu de la police d'assurance qui lui était soumise, que les garanties souscrites par la société Deletraz auprès de son assureur ne couvraient que sa responsabilité civile "travaux et chantier" ainsi que les dommages accidentels du fait des immeubles occupés par le sociétaire pour les besoins de son exploitation, la cour d'appel en a exactement déduit que l'accident litigieux n'entrait pas dans les prévision de ce contrat ;

D'où il suit qu'elle a, sans encourir les griefs des moyens, légalement justifié sa décision ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société Deletraz fait enfin grief à l'arrêt d'avoir statué de la sorte, alors, selon le moyen, que l'entrepreneur est tenu, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, d'un devoir de conseil tenant tant à la qualité des existants qu'aux risques présentés par l'ouvrage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Montant était intervenue pour la mise en service d'un chauffe-eau ancien -donc démuni de système de sécurité- installé dans un local exigu et voué à une utilisation intensive ; qu'elle devait dès lors s'assurer, au besoin en s'enquérant auprès du maître de l'ouvrage, de l'efficacité de l'aération existante, condition de sécurité essentielle et suffisante, selon les propres constatations de l'arrêt attaqué ; qu'en la dispensant de cette obligation, au seul motif inopérant du caractère ponctuel de son intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'accident était dû notamment à une mauvaise aération des locaux, tenant à une conception défectueuse de l'installation, l'arrêt relève que la société Montant n' avait été requise six mois auparavant que pour la mise en service de l'appareil de chauffage existant ; que la cour d'appel a pu en déduire qu'eu égard au caractère limité de la prestation commandée, et alors que la réglementation imposait seulement un renouvellement d'air suffisant dans le local, l'entreprise avait rempli ses obligations en effectuant un contrôle des grilles d'aération existantes ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Michel Deletraz aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des sociétés l'Auxiliaire et Montant ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre février deux mille.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 98-11541
Date de la décision : 24/02/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Temps et lieu du travail - Accident survenu en dehors - Intoxication par le gaz dans un logement mis à disposition


Références :

Code de la sécurité sociale L411-1, L142-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry (chambre civile), 09 décembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 fév. 2000, pourvoi n°98-11541


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GELINEAU-LARRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:98.11541
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