Donne acte à M. Y..., administrateur judiciaire, et M. D..., représentant des créanciers de la société des Editions Minute, de leur reprise d'instance ;
Vu l'ordonnance du premier président en date du 6 août 1999 prononçant le retrait du rôle de l'instance seulement en ce qu'elle a été ouverte par le pourvoi de M. X... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 novembre 1997) et les productions, que le journal Minute daté du 20 mars 1996 a publié, en première page, un article non signé intitulé " Gaudino sur le même bateau que Marine... Le Pen " faisant état d'une association de " lutte contre les délits de type mafieux " et d'un " tandem de choc " constitué par " l'ex-inspecteur Gaudino ", chargé de " traquer les délits ", et Me Marine Le Pen " pour les porter devant la justice " ; que cet article comportait notamment le passage suivant :
" Quels délits de type mafieux nécessitent un tel appareillage ? A proprement parler, il s'agirait plutôt d'associations de malfaisants, trop bien en cheville avec les chambres de commerce. Parmi nombre d'exemples, l'affaire des abattoirs industriels Guérin en est un échantillon savoureux. Le 18 avril 1991, au restaurant Crouzil, à Plancouët, se retrouvent à dîner de drôles de larrons. Invités par Me F..., administrateur judiciaire, on trouve le président du tribunal de commerce de Saint-Brieuc, René E... (qui allait être incarcéré quelques mois plus tard pour une autre affaire), Robert Z..., expert-comptable à Saint-Brieuc, Paul A..., mandataire judiciaire à Saint-Malo et Jean-Francois C..., ancien président du tribunal de commerce de Saint-Brieuc. De quoi parlent-ils ? De la succession de la maison Guérin où chacun fait alors jouer ses intérêts... six jours avant que celle-ci ne soit réellement contrainte de déposer son bilan ! Et au cours de ce repas est ainsi choisi par avance le repreneur éventuel, la SVA (Société vitréenne d'abattage). Et, ô miracle, la SVA, une fois nommée officiellement comme repreneur, obtient les subventions qui avaient été retirées à la maison Guérin, ce qui avait provoqué sa chute. Simple coïncidence, le siège de la SVA est à Vitré, ville dont le maire était déjà à l'époque le tout-puissant Pierre B..., qui fut tour à tour ministre de l'Agriculture puis garde des sceaux... " ;
Attendu que s'estimant diffamé par ces propos, M. C... a fait assigner devant le tribunal de grande instance, par acte d'huissier du 14 juin 1996, la société des Editions Minute (la société), éditrice du journal, en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit recevable l'action en diffamation exercée par M. C... à l'encontre de la société, alors qu'il résulte de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que si la citation est à la requête du plaignant, elle doit être notifiée tant au prévenu qu'au ministère public ; que ces formalités doivent être observées à peine de nullité ; qu'en écartant le moyen tiré de la nullité de l'assignation, sans constater que l'assignation avait été notifiée au ministère public, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Mais attendu qu'il ne résulte d'aucune énonciation ni d'aucunes conclusions que la société ait invoqué, avant toute défense au fond, une exception de procédure fondée sur le défaut de notification de l'assignation au ministère public ; que la nullité de l'assignation était seulement alléguée en raison d'un cumul prétendu des qualifications d'injure et de diffamation ; que les juges, en écartant cette exception, n'avaient pas à rechercher d'office une autre cause éventuelle de nullité ;
D'où il suit que le moyen, présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation, est irrecevable ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une certaine somme à M. C..., à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé par les imputations jugées diffamatoires envers un particulier, alors que l'action civile résultant du délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, à raison de l'exercice de ses fonctions ou de sa qualité, ne peut être poursuivie séparément de l'action publique ; que cette prohibition d'ordre public impose au juge civil saisi d'une action de cette nature de la déclarer d'office irrecevable ; que les imputations incriminées étaient relatives à des faits rejaillissant directement sur la fonction d'ancien président du tribunal de commerce de Saint-Brieuc de M. C... ; que dès lors, en accueillant l'action en diffamation envers un citoyen ayant été chargé d'un mandat public à raison des fonctions alors exercées, la cour d'appel a violé les articles 31 et 46 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Mais attendu que l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 n'incrimine les diffamations dirigées contre les personnes revêtues des qualités qu'il énonce que lorsque lesdites diffamations, qui doivent s'apprécier non d'après le mobile qui les a inspirées ou d'après le but recherché par leur auteur mais selon la nature du fait sur lequel elles portent, contiennent la critique d'actes de la fonction ou d'abus de la fonction ou encore établissent que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d'accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire ;
Et attendu que l'arrêt retient que la société ne serait fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 que si M. C... avait été en mesure d'influer sur le sort judiciaire de la société les abattoirs Guérin ou d'abuser d'une fonction protégée ; que ceci était impossible à la date de la réunion du 18 avril 1991, M. C... ayant quitté la présidence du tribunal de commerce de Saint-Brieuc en 1988 ; que l'application de l'article 31 susmentionné suppose que la qualité effective ou la fonction officielle de l'intéressé ait été le moyen d'accomplir tout ou partie du fait imputé à diffamation, une simple influence morale ou officieuse attachée à un titre ou à des fonctions passées étant inopérante ;
Qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.