AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Canal froid, société anonyme dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 mars 1998 par la cour d'appel de Rennes (1re Chambre, Section B), au profit de l'ASSEDIC Atlantique Anjou, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 janvier 2000, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Finance, Texier, conseillers, Mmes Maunand, Trassoudaine-Verger, M. Soury, conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Canal froid, de Me Boullez, avocat de l'ASSEDIC Atlantique Anjou, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., salarié de la société Canal froid, né en 1935, a été licencié par lettre du 19 août 1993 pour inaptitude physique ; que l'ASSEDIC Atlantique Anjou a réclamé à l'employeur le paiement de la cotisation prévue à l'article L. 321-13 du Code du travail, en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de 50 ans ou plus, et lui a délivré une contrainte ; que l'employeur, estimant qu'il devait être exonéré de cette contribution, car la rupture du contrat de travail était due à la force majeure, a fait opposition à cette contrainte ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 13 mars 1998) de l'avoir condamné à payer une certaine somme sur le fondement de l'article L. 321-13 du Code du travail, alors, selon le moyen, que, d'une part, la cotisation mise à la charge de l'employeur par l'article L. 321-13 du Code du travail, en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de 55 ans, n'est pas due notamment en cas de rupture due à la force majeure ; que l'inaptitude physique du salarié le rendant inapte à tout emploi et constatée par le médecin du Travail constitue un cas de force majeure exonérant l'employeur de la cotisation au sens de l'article L. 321-13-6 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n 92-1446 du 31 décembre 1992, applicable à la cause ; que, dès lors, en décidant que la rupture du contrat de travail du salarié, fondée sur son inaptitude constatée par le médecin du Travail, rendait exigible la cotisation litigieuse, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 321-13-6 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 ; alors que, d'autre part, est interprétative la loi qui se borne à reconnaître sans rien innover un droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse ; que la rupture du contrat de travail d'un salarié inapte à son emploi a été, jusqu'en novembre 1990, considérée comme un cas de force majeure exclusif tant des indemnités de rupture dans les rapports entre l'employeur et le salarié que de la cotisation établie par l'article L. 321-13 dans les rapports de l'employeur et de l'ASSEDIC ;
qu'un arrêt du 29 novembre 1990 de la Cour de Cassation ayant considéré que la résiliation par l'employeur du contrat de travail d'un salarié atteint d'une invalidité, le rendant inapte à exercer toute activité dans l'entreprise, s'analyse en un licenciement ouvrant droit à l'indemnité de licenciement, la question s'est posée et a été controversée de savoir si cette jurisprudence ne devait pas avoir pour conséquence de remettre en cause l'exonération de la cotisation litigieuse reconnue jusque-là au titre de la force majeure ; que, pour mettre fin à cette controverse, l'article 23 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 a introduit dans l'article L. 321-13 du Code du travail un neuvième cas d'exonération visant le "licenciement pour inaptitude lorsque l'employeur justifie..." ; que ce texte n'a fait que reconnaître le droit à l'exonération de la contribution dite "Delalande" en cas de rupture pour inaptitude physique du salarié, exonération qui avait été mise en doute à la suite d'un arrêt de la Cour de Cassation excluant ce cas de la notion de force majeure, mais dont la portée était limitée aux indemnités de rupture dans les seuls rapports entre employeur et salarié ; qu'ainsi, en refusant d'admettre le caractère interprétatif de ce texte ainsi que son application rétroactive, la cour d'appel a violé l'article L. 321-13-9 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que l'inaptitude physique du salarié déclarée par le médecin du Travail ne présentait pas le caractère d'imprévisibilité de la force majeure et que l'article 23 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, qui a introduit un nouveau cas d'exonération de la cotisation en cas de licenciement pour inaptitude n'a pas un caractère interprétatif ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Canal froid aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'ASSEDIC Atlantique Anjou ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois février deux mille.