La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2000 | FRANCE | N°97-21611;97-22105;97-22317;98-10398

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 février 2000, 97-21611 et suivants


Joint les pourvois n°s 97-21.611, 97-22.317, 98-10.398 et 97-22.105 qui attaquent le même arrêt ;

Statuant tant sur le pourvoi incident du pourvoi n° 97-22.105 que sur les pourvois principaux ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 octobre 1997), que, par assignation des 1er, 2, 3 et 8 décembre 1987 devant le tribunal de grande instance d'Amiens, la Chambre syndicale des pharmaciens de la Somme a demandé à ce qu'il soit interdit aux sociétés Continent hypermarchés, SACO, La Ruche picarde, Les Coopératives de Picardie, à la Société de distribution amiénoise C

entre Leclerc et à la Société des nouvelles galeries réunies (les distribute...

Joint les pourvois n°s 97-21.611, 97-22.317, 98-10.398 et 97-22.105 qui attaquent le même arrêt ;

Statuant tant sur le pourvoi incident du pourvoi n° 97-22.105 que sur les pourvois principaux ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 octobre 1997), que, par assignation des 1er, 2, 3 et 8 décembre 1987 devant le tribunal de grande instance d'Amiens, la Chambre syndicale des pharmaciens de la Somme a demandé à ce qu'il soit interdit aux sociétés Continent hypermarchés, SACO, La Ruche picarde, Les Coopératives de Picardie, à la Société de distribution amiénoise Centre Leclerc et à la Société des nouvelles galeries réunies (les distributeurs) de vendre un certain nombre de produits qu'elle considérait comme étant des médicaments ; que le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est intervenu volontairement à la procédure au soutien de l'action de la Chambre syndicale ; que les distributeurs ont appelé en garantie leurs fournisseurs, soit les Sociétés européenne de diffusion, SARPP, Vendôme, Lardenois, BDF Nivéa, Rhodic, les Laboratoires C. Lenart et Prépharma CEAD et la société Laboratoires techniques homéopathiques ;

Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 97-21.611, le moyen unique du pourvoi n° 97-22.105, les premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyen du pourvoi incident n° 97-22.105, le premier moyen du pourvoi n° 97-22.317 et les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 98-10.398, pris en leurs diverses branches, réunis :

Attendu que, par les moyens cités en annexe, la société Beiersdorf, venant aux droits de la société BDF Nivéa, la société La Ruche picarde, Continent hypermarchés, la société des Laboratoires Vendôme et la Société européenne de diffusion font grief à l'arrêt d'avoir décidé que l'eau oxygénée à dix volumes, la vitamine C 500, la solution Hansaplast, les solutions pour inhalations, sticks inhalateurs et inhalateurs de poche, l'alcool à 70° et la solution pour inhalation du Laboratoire Vendôme constituaient des médicaments soumis au monopole de vente des pharmaciens ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ainsi que la cour d'appel l'a retenu, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé (Upjohn, 16 avril 1991 ; Monteil et Samanni, 21 mars 1991) qu'alors même qu'un produit entrerait dans la définition des produits cosmétiques donnée par l'article 1er, paragraphe 1, de la directive du Conseil n° 76-788/CE du 27 juillet 1976, il doit cependant être tenu pour un médicament et être soumis au régime correspondant s'il est présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies ou s'il est destiné à être administré en vue de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que la définition de médicament de l'eau oxygénée à dix volumes devait prévaloir sur celle de produit d'hygiène corporelle ;

Attendu, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive du Conseil n° 65-65 relative aux spécialités pharmaceutiques, est un médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales et, selon le deuxième alinéa, est également considéré comme un médicament toute substance pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (Upjohn, 16 avril 1991) que l'expression " en vue de " permet d'inclure dans la définition du médicament une substance qui ne possède pas un tel effet mais qui peut être administrée " en vue de " restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques et qu'il appartient dans ce dernier cas au juge national de procéder au cas par cas aux qualifications nécessaires en tenant compte des propriétés pharmacologiques du produit, de ses modalités d'emploi, de l'ampleur de sa diffusion et de la connaissance qu'en ont les consommateurs ;

Attendu, dès lors, qu'ayant constaté, à la suite d'une analyse concrète de chacun des produits en cause, que certains d'entre eux possédaient des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines, auquel cas la cour d'appel n'avait pas à rechercher les modalités d'emploi de ces produits, l'ampleur de leur diffusion et la connaissance qu'en ont les consommateurs, que les autres produits, quelles que soient les divergences des experts médicaux à leur propos, étaient administrés en vue de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques et que la solution Hansaplast était présentée à la vente comme un médicament, la cour d'appel a pu déduire de ces appréciations souveraines que les produits en cause relevaient de la définition communautaire du médicament par présentation ou par fonction telle qu'interprétée par la Cour de justice des Communautés européennes ;

Que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches :

Sur le second moyen du pourvoi n° 97-22.317 :

Attendu que la Société européenne de diffusion fait enfin grief à l'arrêt d'avoir jugé que l'eau oxygénée à dix volumes, les sticks inhalateurs et les inhalateurs de poche étaient des médicaments soumis au monopole de vente des pharmaciens alors, selon le pourvoi, que le monopole conféré aux pharmaciens concernant la distribution de médicaments est justifié sauf preuve contraire ; que cette présomption simple est renversée s'il est établi que la soumission au monopole de certains médicaments est manifestement disproportionnée au regard de l'absence de dangers que font courir ces médicaments ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la soumission des produits litigieux au monopole des pharmaciens n'étaient pas disproportionnée, dès lors que ces produits ne présentaient aucun risque pour la santé publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 30 et 36 du traité de Rome, de l'article 1er de la directive 65-65/CEE du Conseil des Communautés européennes du 26 janvier 1965 et de l'article L. 511 du Code de la santé publique ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à juste titre que, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (Keck et Mithouard, 24 novembre 1993), échappent au domaine d'application de l'article 30 du Traité instituant la Communauté européenne les dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu'elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et ceux en provenance d'autres Etats membres et que, selon cette jurisprudence (Commission contre Grèce, 29 juin 1995), une législation qui interdit la vente de certains produits en dehors des seules pharmacies est de celles qui réglementent certaines modalités de vente ; qu'ayant constaté que la législation française sur le monopole des pharmaciens affecte de la même manière les produits nationaux et ceux en provenance d'autres Etats membres, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision au regard de l'article 30 du traité instituant la Communauté européenne ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principaux qu'incident.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 97-21611;97-22105;97-22317;98-10398
Date de la décision : 22/02/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Spécialités pharmaceutiques - Médicament - Produit à la fois cosmétique et médicament - Soumission au régime des médicaments.

1° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacie - Spécialités pharmaceutiques - Médicament - Produit à la fois cosmétique et médicament - Soumission au régime des médicaments.

1° La Cour de justice des Communautés européennes ayant jugé (Upjohn, 16 avril 1991 ; Monteil et Samanni, 21 mars 1991) qu'alors même qu'un produit entrerait dans la définition des produits cosmétiques donnée par l'article 1er, paragraphe 1, de la directive du Conseil n° 76-768/CE du 27 juillet 1976, il doit cependant être tenu pour un médicament et être soumis au régime correspondant s'il est présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies ou s'il est destiné à être administré en vue de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques, c'est dès lors à bon droit qu'une cour d'appel a retenu que la définition de médicament de l'eau oxygénée à dix volumes devait prévaloir sur celle de produit d'hygiène corporelle.

2° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Spécialités pharmaceutiques - Médicament - Médicament par présentation ou par fonction - Constatations suffisantes.

2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacie - Spécialités pharmaceutiques - Médicament - Médicament par présentation ou par fonction - Constatations suffisantes.

2° Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive du Conseil n° 65-65 relative aux spécialités pharmaceutiques, est un médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales et, selon le deuxième alinéa, est également considérée comme médicament toute substance pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques ; il résulte, par ailleurs, de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (Upjohn, 16 avril 1991) que l'expression " en vue de " permet d'inclure dans la définition du médicament une substance qui ne possède pas un tel effet mais qui peut être administrée " en vue de " restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques et qu'il appartient dans ce dernier cas au juge national de procéder au cas par cas aux qualifications nécessaires en tenant compte des propriétés pharmacologiques du produit, de ses modalités d'emploi, de l'ampleur de sa diffusion et de la connaissance qu'en ont les consommateurs. Dès lors, ayant constaté à la suite d'une analyse concrète de chacun des produits en cause, que certains d'entre eux possédaient des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines, auquel cas la cour d'appel n'avait pas à rechercher les modalités d'emploi de ces produits, l'ampleur de leur diffusion et la connaissance qu'en ont les consommateurs, que les autres produits, quelles que soient les divergences des experts médicaux à leur propos, étaient administrés en vue de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques et que la solution Hansaplast était présentée à la vente comme un médicament, une cour d'appel a pu déduire de ces appréciations souveraines que les produits en cause relevaient de la défintion communautaire du médicament par présentation ou par fonction telle qu'interprétée par la Cour de justice des Communautés européennes.

3° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives à l'importation - Mesure d'effet équivalent - Pharmacien - Produits - Vente - Monopole (non).

3° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacie - Pharmacien - Produits - Vente - Monopole - Traité de Rome - Compatibilité.

3° Selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (Keck et Mithouard, 24 novembre 1993), échappent au domaine d'application de l'article 30 du Traité instituant la Communauté européenne les dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu'elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et ceux en provenance d'autres Etats membres ; selon cette jurisprudence (Commission contre Grèce, 29 juin 1995), une législation qui interdit la vente de certains produits en dehors des seules pharmacies est de celles qui réglementent certaines modalités de vente ; une cour d'appel ayant constaté que la législation française sur le monopole des pharmaciens affecte de la même manière les produits nationaux et ceux en provenance d'autres Etats membres, a ainsi légalement justifié sa décision déclarant compatible une telle législation avec l'article 30 du traité susvisé.


Références :

1° :
2° :
3° :
Directive du Conseil CEE 65-65 du 26 janvier 1965 art. 1, art. 2, al. 1
Directive du Conseil CEE 76-768 du 27 juillet 1976 art. 1, par. 1
Traité de Rome du 25 mars 1957 CEE art. 30

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 21 octobre 1997

A RAPPROCHER : (2°). Assemblée plénière, 1992-03-06, Bulletin 1992, Assemblée plénière, n° 2 (2), p. 3 (cassation partielle). A RAPPROCHER : (3°). Chambre commerciale, 1999-10-05, Bulletin 1999, IV, n° 164, p. 138 (cassation partielle) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 fév. 2000, pourvoi n°97-21611;97-22105;97-22317;98-10398, Bull. civ. 2000 IV N° 34 p. 27
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2000 IV N° 34 p. 27

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumas .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Vier et Barthélemy, la SCP Célice et Blancpain, MM. Odent, de Nervo, Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:97.21611
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award