AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Alain B..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 juin 1997 par la cour d'appel de Nîmes (1re Chambre civile), au profit :
1 / de M. Edmond Y..., demeurant ...,
2 / de M. X..., demeurant ...,
3 / de Mme Jacqueline Z..., veuve A..., demeurant Quartier Gerrige, Lotissement Jarniac, 07700 Bourg-Saint-Andéol, prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de Francis A...,
4 / de M. Daniel A..., demeurant Quartier Gerrige, Lotissement Jarniac, 07700 Bourg-Saint-Andéol, pris en sa qualité d'héritier de Francis A...,
5 / de Mlle Sylvie A..., demeurant ..., prise en sa qualité d'héritière de Francis A...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 janvier 2000, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Guerrini, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Stéphan, MM. Peyrat, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Guérin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guerrini, conseiller, les observations de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de M. B..., de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. X..., les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 3 juin 1997), que les époux A..., aux droits desquels viennent les consorts A..., ayant acquis de M. Y... un fonds contigu à celui de M. B..., ont assigné celui-ci pour obtenir la mise en conformité des arbres complantant sa propriété avec les prescriptions de l'article 671 du Code civil ;
Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "1 / que seuls les actes emportant constitution de droits réels immobiliers, à l'exclusion de ceux emportant renonciation à un tel droit, doivent faire l'objet d'une publication au bureau des hypothèques ; qu'en décidant néanmoins qu'à défaut d'avoir été publiée, la convention conclue entre M. B... et M. Y..., selon laquelle celui-ci renonçait à exiger l'arrachage ou l'élagage des arbres plantés par son voisin en limite de propriété, ne pouvait être opposée aux époux A..., ayants droit de M. Y..., la cour d'appel a violé les articles 671 et 672 du Code civil, ensemble l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 ; 2 / que la renonciation à une servitude, même non publiée, peut être opposée à celui qui a acquis un immeuble en pleine connaissance de la renonciation de son auteur ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher si M. et Mme A... avaient parfaitement connaissance, lors de l'acquisition de leur terrain, du fait que M. Y... avait renoncé, au profit du fonds de M. B..., au droit de voir limiter à deux mètres la hauteur des arbres plantés en bordure de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 671 et 672 du Code civil, ensemble l'article 28 du décret du 4 janvier 1955" ;
Mais attendu qu'appréciant les éléments de preuve soumis à son examen et ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'acte notarié d'acquisition des époux A... du 14 septembre 1990 stipulait que l'immeuble n'était grevé d'aucune servitude et que M. Y... leur avait dissimulé l'existence de la convention passée le 30 avril 1983 avec M. B..., et par laquelle, en contrepartie de la faculté accordée par ce dernier d'effectuer un branchement sur un réseau d'évacuation d'eaux usées, il avait déclaré renoncer, ainsi que ses successeurs, à se prévaloir des dispositions de l'article 671 du Code civil, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que les époux A..., lors de leur acquisition, n'avaient pas connaissance de la renonciation de leur auteur, en a justement déduit qu'en l'absence de publication, celle-ci ne pouvait leur être opposée et a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 555 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que ne peuvent être appelées en cause devant la cour d'appel des personnes qui n'étaient ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité que si l'évolution du litige implique leur mise en cause ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel en garantie formé par M. B... contre M. X..., notaire ayant reçu l'acte d'acquisition des époux A..., l'arrêt retient que l'appel en cause du notaire, concluant pour la première fois devant la cour d'appel, est irrecevable, en raison de l'absence d'évolution du litige au sens de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile ;
Qu'en statuant par ce seul motif, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles 70 et 567 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de M. B... en paiement, par les époux A..., d'une indemnité au titre de la servitude d'aqueduc grevant son fonds au profit du leur, l'arrêt retient que cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, ainsi que le soutient Mme A... ;
Qu'en statuant par ce seul motif, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la demande reconventionnelle se rattachait aux prétentions originaires par un lien suffisant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
Et sur le quatrième moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour limiter à 10 000 francs le montant de la condamnation à dommages-intérêts prononcée contre M. Y... et débouter M. B... du surplus de sa demande, l'arrêt retient qu'en cachant l'existence de la servitude, M. Y... a failli à ses obligations à l'égard de M. B..., lequel va devoir abattre ses arbres ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. B... qui soutenait qu'outre le préjudice lié à l'abattage de ses arbres, il était en droit de prétendre à une indemnité au titre de la servitude d'aqueduc dépourvue de contrepartie, en raison de la privation de son droit d'opposer aux consorts A... la renonciation de M. Y... à la limitation de la hauteur des arbres, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne M. B..., sous astreinte, à abattre ou élaguer, en application de l'article 671 du Code civil, les arbres implantés à moins de deux mètres de la limite de propriété des consorts A..., et en ce qu'il déboute celui-ci de sa demande d'indemnisation du coût d'abattage de ses arbres et de reconstruction d'un mur , l'arrêt rendu le 3 juin 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne, ensemble, M. Y..., M. X... et les consorts A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne MM. Y... et X... ainsi que les consorts A... à payer, ensemble, à M. B... la somme de 9 000 francs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille.