AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière (SCI) Mag La Roche, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 12 novembre 1996 par la cour d'appel d'Agen (1re Chambre), au profit :
1 / de la société Laurent, société anonyme dont le siège est ...,
2 / de la société Besse, société anonyme dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 janvier 2000, où étaient présents : M. Buffet, président, M. Séné, conseiller rapporteur, Mme Borra, M. Etienne, Mme Bezombes, conseillers, Mmes Batut, Kermina, conseillers référendaires, M. Chemithe, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Séné, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de la société Mag La Roche, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Laurent et de la société Besse, les conclusions de M. Chemithe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Agen, 12 novembre 1996), que les sociétés Laurent et Besse ont, en vertu d'ordonnances de référé, pratiqué une saisie-attribution à l'encontre de la société Fagus 83, par la suite mise en redressement judiciaire, entre les mains de la société civile immobilière Mag La Roche (la SCI) ; que les saisissants ont demandé à un juge de l'exécution de condamner, notamment sur le fondement des articles 44 de la loi du 9 juillet 1991, 59 et 60 du décret du 31 juillet 1992, la SCI à payer les sommes qui leur étaient dues ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le moyen, que, premièrement, le propre de la saisie-attribution aux effets juridiques drastiques est d'emporter, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires ; que le fait, pour le créancier ayant eu l'initiative d'une procédure de saisie-attribution, d'accorder, après l'envoi au tiers saisi du procès-verbal de saisie-attribution par le canal d'accords transactionnels des délais de paiement au débiteur principal est antinomique avec les effets qui s'attachent à la saisie-attribution puisque les parties saisissantes renonçaient, ce faisant, nécessairement en signant lesdits protocoles d'accord à l'effet immédiat ressortant de la loi des saisies-attributions prononcées, lesquelles devenaient caduques ; qu'en décidant le contraire, sur le fondement de motifs inopérants, à savoir que la signature des protocoles postérieurs n'a pu avoir pour effet de rendre caduques les saisies-attributions pratiquées antérieurement, mais, tout au plus, de les suspendre et que le débiteur principal n'ayant pas honoré ses engagements, les protocoles dont s'agit sont, par la suite, devenus caducs faute d'exécution, si bien que la SCI Mag La Roche ne saurait s'en prévaloir, la cour d'appel viole l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991, ensemble les règles et principes qui gouvernent la saisie-attribution ;
alors que, deuxièmement, les protocoles d'accord en cause constituaient autant d'actes juridiques qui pouvaient être utilement invoqués par le tiers saisi ; qu'en décidant le contraire par une affirmation erronée, la cour d'appel viole les articles 42 et suivants de la loi du 9 juillet 1991 ; alors que, troisièmement, il ressort de l'article 64 du décret du 31 juillet 1992 que le tiers saisi qui refuse de payer peut, sans condition de délai, devant le juge de l'exécution, contester la créance saisie attribuée ; qu'en jugeant implicitement le contraire, la cour d'appel viole l'article précité, ensemble méconnaît son office au regard de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ; alors, quatrièmement, que, dans ses conclusions d'appel, la SCI Mag La Roche insistait sur le caractère non disponible de la créance saisie et ce tout simplement parce que le bâtiment acquis n'était pas conforme à l'objet convenu entre les parties, aucune exploitation n'ayant été autorisée, en sorte que ledit bâtiment n'avait qu'une valeur d'entrepôt évaluée à une somme de 1 800 000 francs déjà payée, si bien qu'il était manifeste que la prétendue créance saisie par les saisissants n'avait pas, au jour de la saisie, un caractère certain et donc n'était pas disponible et ne pouvait faire l'objet d'une saisie-attribution ;
qu'en ne répondant pas à ce moyen pris dans son épure et de nature à avoir une incidence sur la solution du litige, la cour d'appel méconnaît ce que postule l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les protocoles d'accord prévoyant des délais de paiement n'ont pas été respectés par la débitrice saisie et sont devenus caducs, faute d'exécution ;
Et attendu qu'ayant retenu, par motifs non critiqués, que le tiers saisi avait manqué à son obligation de renseignements, la cour d'appel a pu le condamner, sur ce fondement, à payer les causes de la saisie, sans avoir égard aux contestations que le tiers avait soulevées relativement à la créance saisie et sans avoir à répondre à des conclusions inopérantes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mag La Roche aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Mag La Roche à payer aux sociétés Laurent et Besse la somme globale de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille.