AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Bernadette X..., demeurant ...,
en cassation d'un jugement rendu le 28 février 1997 par le conseil de prud'hommes de Niort (Section commerce), au profit de Mme Magalie Y..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 décembre 1999, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Lanquetin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Carmet, Boubli, Ransac, Chagny, Mme Quenson, conseillers, M. Frouin, Mmes Barberot, Lebée, M. Richard de la Tour, Mme Andrich, MM. Rouquayrol de Boisse, Funck-Brentano, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lanquetin, conseiller, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme Y..., salariée à temps partiel de Mme X..., artisan coiffeur, a mis fin à son contrat par démission à effet du 11 juin 1996 pour rejoindre les effectifs du salon Mad'in, situé non loin du salon de son ancien employeur ; que Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes pour demander, notamment, la condamnation de son ancienne salariée à lui verser des dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Niort, 28 février 1997) de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour les actes de concurrence déloyale de la salariée, alors, selon le moyen, que le conseil de prud'hommes n'a pas évoqué ce chef de demande et violé ainsi les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte tant du jugement que des pièces de la procédure qu'aucun chef de demande n'a été formulé à ce titre ; que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... fait encore grief au jugement de l'avoir déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sans motiver ce rejet, violant ainsi ledit article et les articles 455 et 458 du même Code ;
Mais attendu que la juridiction qui accorde ou rejette une demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile n'est pas tenue de motiver sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les troisième et quatrième moyens, réunis :
Attendu que Mme X... fait enfin grief au jugement attaqué de lui avoir alloué un franc à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la clause de non-concurrence, alors, selon le troisième moyen, qu'en vertu de l'article 1145 du Code civil, des dommages-intérêts sont dus par le seul fait de la contravention à une obligation de ne pas faire sans avoir à rechercher si un préjudice a résulté de cette contravention ; que le conseil de prud'hommes, qui s'est prononcé sur le préjudice économique de Mme X... en estimant qu'elle n'en rapportait pas la preuve, a violé les articles 1142 et 1145 du Code civil ; alors, selon le quatrième moyen, que l'article 1135 du Code civil se réfère aux "suites que l'équité donne à l'obligation d'après sa nature" ; qu'en l'espèce, l'équité commandait que soient alloués à Mme X... des dommages-intérêts à la mesure du préjudice économique subi par elle du fait des agissements de Mme Y... ; qu'il est de la nature même d'une obligation de loyauté et de non-concurrence mise à la charge du salarié d'avoir pour contrepartie une compensation financière conséquente pour l'employeur en cas de non-respect de l'obligation ; que l'allocation d'un franc symbolique, dans ce cas, conduit à priver de toute substance une telle obligation ; qu'en statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a fait abstraction de la nature particulière de l'obligation de non-concurrence et des suites que l'équité donne à cette obligation ; qu'il a, en conséquence, violé l'article 1135 du Code civil ;
Mais attendu qu'une faute contractuelle n'implique pas nécessairement par elle-même l'existence d'un dommage en relation de cause à effet avec cette faute ; que le conseil de prud'hommes ayant estimé, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, que la preuve d'un préjudice n'était pas rapportée, a légalement justifié sa décision, sans encourir les griefs des troisième et quatrième moyens ; que ceux-ci ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille.