AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Y... Brisais, domicilié ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 27 juin 1996 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre, section A), au profit de la société des Magasins bleus, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 décembre 1999, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Funck-Brentano, conseiller référendaire rapporteur, MM. Waquet, Carmet, Boubli, Ransac, Chagny, Mme Quenson, conseillers, M. Frouin, Mmes Barberot, Lebée, M. Richard de la Tour, Mme Andrich, M. Rouquayrol de Boisse, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Funck-Brentano, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la société des Magasins bleus, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles R. 516-33 du Code du travail et l'article 489 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que M. X... a été embauché par la société Les Magasins bleus le 15 novembre 1976 en qualité de vendeur ; que, par avenant du 1er janvier 1993, il a été nommé directeur régional des ventes à Lorient pour le secteur de la Bretagne sud ; qu'au mois d'octobre 1993, son employeur a voulu le déplacer et, par lettre du 4 novembre 1993, lui a notifié son affectation à Colmar avec une déclassification ; que, considérant ces mesures comme des sanctions, M. X... a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Lorient qui, par ordonnance du 30 novembre 1993, a ordonné la suspension de l'exécution des mesures prises par l'employeur ; que, néanmoins, l'employeur a persisté, par lettre du 5 janvier 1994, à exiger le déplacement du salarié à Colmar ; que l'intéressé a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que, pour imputer la responsabilité de la rupture du contrat de travail au salarié, l'arrêt attaqué relève que la mutation proposée s'inscrivait dans le cadre d'une clause de mobilité et que les conditions dans lesquelles l'employeur l'envisageait dans son courrier du 5 janvier 1994 ne saurait caractériser l'abus de droit de telle sorte qu'en refusant d'accepter cette mutation, le salarié s'est rendu responsable de la rupture du contrat de travail ;
Attendu, cependant, qu'en l'état de l'ordonnance de référé du 30 novembre 1993, qui avait ordonné la suspension de l'exécution des sanctions prises par l'employeur, celui-ci ne pouvait pas, par lettre du 5 janvier 1994, confirmer l'affectation du salarié à Colmar au poste de directeur des ventes ; que le refus du salarié, justifié par une décision de justice exécutoire, ne peut être considéré comme une faute de sa part ;
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société des Magasins bleus aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille.