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02/02/2000 | FRANCE | N°97-22569

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 02 février 2000, 97-22569


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la commune de Maire, représentée par son maire en exercice, domicilié en la mairie, 86270 Maire,

en cassation d'un arrêt rendu le 16 septembre 1997 par la cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 1re section), au profit de la Société d'exploitation forestière et agricole de Rocreuse (SEFAR), dont le siège est Château de Rocreuse Maire, 86270 La Roche Posay,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui

de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la commune de Maire, représentée par son maire en exercice, domicilié en la mairie, 86270 Maire,

en cassation d'un arrêt rendu le 16 septembre 1997 par la cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 1re section), au profit de la Société d'exploitation forestière et agricole de Rocreuse (SEFAR), dont le siège est Château de Rocreuse Maire, 86270 La Roche Posay,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 15 décembre 1999, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Dupertuys, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, M. Toitot, Mme Di Marino, MM. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Dupertuys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la commune de Maire, de Me Parmentier, avocat de la SEFAR, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 16 septembre 1997), que la Société d'exploitation forestière et agricole de Rocreuse (SEFAR) a assigné la commune de Maire pour faire juger que les parcelles formant l'assiette des chemins traversant son domaine, mentionnées au plan cadastral rénové de 1962 comme lui appartenant, ainsi que le chemin portant le n° 3, étaient sa propriété ;

Attendu que la commune de Maire fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande relative aux chemins mentionnés au plan cadastral, alors, selon le moyen, "1 / qu'il résulte de l'article 2229 du Code civil que, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ; que la commune de Maire, par ses conclusions d'appel, avait fait valoir, d'une part, qu'en 1972, la société SEFAR avait sollicité la possibilité d'acquérir certains chemins communaux auprès de la collectivité locale, mais s'était heurtée au refus du conseil municipal ;

qu'elle faisait valoir, d'autre part, que, même si les chemins litigieux n'avaient pas fait l'objet de l'arrêté de reconnaissance prévu à l'article 4 de la loi des 20-26 août 1881, l'intervention d'un tel arrêté ne conditionnait pas pour autant le bénéfice de l'imprescriptibilité au profit de tels chemins, en sorte que la cour d'appel, en statuant aux motifs critiqués, sans répondre à ces moyens d'appel, a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions dont elle était saisie, en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'antérieurement à l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales, si l'article 6 de la loi du 20-26 août 1881 prévoyait que les chemins ruraux qui ont été l'objet d'un arrêté de reconnaissance deviennent imprescriptibles, aucun texte, à la différence précisément de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, ne prévoyait de façon générale que les chemins ruraux appartiennent au domaine privé de la commune ; que, dès lors qu'ils étaient affectés à l'usage du public, ces chemins ruraux, reconnus ou pas, constitutifs de dépendances du domaine public, étaient, comme tels, imprescriptibles par application de l'Edit de Moulins de février 1566, en sorte qu'en s'en remettant à la circonstance que les chemins litigieux n'ont pas fait l'objet d'arrêtés de reconnaissance pour en déduire qu'ils seraient prescriptibles, la cour d'appel a méconnu la loi des 20-26 août 1881, ensemble l'Edit de Moulins de février 1566 ; 3 / qu'il résulte de dispositions législatives successives (articles 1, 2 et 3 de la loi des 20-26 août 1881, articles 59, 60 et 61 de l'ancien Code rural, articles L. 161-1 et L. 161-3 de l'actuel Code rural) qu'est un chemin rural présumé appartenir à la commune, celui "affecté à l'usage du public" ; que, si la loi a certes prévu que l'affectation à l'usage du public peut notamment s'établir par la démonstration d'une circulation générale et continue, l'absence d'une telle circulation ne suffit pas pour autant à établir l'absence d'affectation à l'usage du public, en sorte qu'en s'en remettant au fait que la circulation sur les chemins litigieux ne présenterait pas un caractère général et continu, la cour d'appel a violé les dispositions législatives visées au moyen" ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, d'une part, que la commune ne pouvait soutenir que, hormis les chemins ruraux qui lui sont attribués par le cadastre rénové, les chemins litigieux aient jamais été sa propriété, que ceux-ci n'avaient jamais été affectés à l'usage du public et que le passage toléré par les propriétaires ne revêtait pas les caractéristiques d'une circulation générale et continue, d'autre part, que la société SEFAR et ses auteurs démontraient à leur profit, depuis des temps immémoriaux, la réalisation d'actes d'entretien, de redressement ou de réfection réguliers, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que la société SEFAR était fondée à se prévaloir de la prescription acquisitive trentenaire avant la période antérieure à 1982 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la commune de Maire fait grief à l'arrêt de dire que la partie du chemin rural n° 3 traversant le fonds de la SEFAR est devenue, par prescription trentenaire, la propriété de celle-ci et d'ordonner la modification cadastrale correspondante, alors, selon le moyen, "1 / qu'il résulte des termes mêmes de l'article 2229 du Code civil que, pour pouvoir prescrire, il faut une possession publique et non équivoque, pendant trente ans ; que l'arrêt attaqué, loin de constater que l'ancien chemin rural n° 3 aurait fait l'objet de la part de la SEFAR d'une possession publique et non équivoque entre 1952 et 1982, constate, au contraire, que, en 1962, le cadastre rénové identifiait ce chemin comme rural, donc présumé appartenir à la collectivité locale, en sorte qu'en statuant aux motifs critiqués au moyen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2229 du Code civil ; 2 / qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que, en 1962, l'ancien chemin rural n° 3 était publiquement désigné comme chemin rural, donc présumé appartenir à la collectivité locale, par le cadastre rénové ; que, de cette constatation, il résultait nécessairement que, entre 1952 et 1982, la SEFAR ne pouvait se prévaloir de façon continue et ininterrompue d'une possession publique et non équivoque, en sorte que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 2229 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, d'une part, que l'ancien chemin rural n° 3, seul chemin décrit comme tel par le cadastre rénové de 1962, n'avait pas fait l'objet d'un arrêté de reconnaissance et avait été désaffecté avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 janvier 1959, d'autre part, que les investigations de l'expert judiciaire démontraient, de la part de la SEFAR, des actes de possession remontant à plus de trente ans avant la période antérieure à 1982, la cour d'appel, qui en a déduit, écartant la présomption de propriété attachée à l'inscription au cadastre rénové, que la SEFAR était fondée à invoquer le bénéfice de la prescription acquisitive trentenaire sur l'assiette du chemin litigieux, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de Maire aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la commune de Maire à payer à la Société d'exploitation forestière et agricole de Rocreuse la somme de 9 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 97-22569
Date de la décision : 02/02/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

(Sur le deuxième moyen) PRESCRIPTION ACQUISITIVE - Objet - Chemin mentionné comme rural au cadastre rénové - Absence d'arrêté de reconnaissance et désaffectation avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 janvier 1959 - Constatation d'actes de possession trentenaire - Portée.


Références :

Code civil 2279
Ordonnance du 07 janvier 1959

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 1re section), 16 septembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 02 fév. 2000, pourvoi n°97-22569


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEAUVOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:97.22569
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