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01/02/2000 | FRANCE | N°99-87081

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 février 2000, 99-87081


REJET des pourvois formés par :
- X..., Y...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 14 octobre 1999, qui, dans l'information suivie contre eux du chef de blessures involontaires, a rejeté leur requête aux fins d'annulation de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 3 décembre 1999, prescrivant la jonction des pourvois et leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 156,

159, 166, 173, 174, 593, 802 par fausse application du Code de procédure pé...

REJET des pourvois formés par :
- X..., Y...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 14 octobre 1999, qui, dans l'information suivie contre eux du chef de blessures involontaires, a rejeté leur requête aux fins d'annulation de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 3 décembre 1999, prescrivant la jonction des pourvois et leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 156, 159, 166, 173, 174, 593, 802 par fausse application du Code de procédure pénale, défaut de motifs, excès de pouvoir, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'expertise Z... ainsi que toutes les pièces subséquentes ;
" aux motifs que l'exécution de la mission par un seul des deux experts désignés, avec l'accord tacite du juge d'instruction n'est pas de nature à entacher la régularité de l'information ; que l'exécution d'une mission, laquelle ne porte que sur une question d'ordre technique, par un seul expert, quelle que soit la complexité de l'affaire, en l'espèce ni caractérisée ni motivée dans l'ordonnance, n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la défense ;
" alors d'une part que l'ordonnance du 20 juillet 1995 ordonnant une expertise confiée à deux experts au visa exprès de la complexité de l'affaire était définitive ; qu'en décidant que la complexité n'aurait été ni caractérisée ni motivée, la chambre d'accusation, qui ne statuait ni sur l'appel de cette décision ni sur une demande de nullité la concernant, et qui au demeurant n'en constate pas la nullité, a excédé ses pouvoirs ;
" alors d'autre part, que la désignation d'un expert ne peut être tacite ; qu'en conséquence, la chambre d'accusation, constatant que la mission de l'expert Z... ne relevait que d'un " accord tacite " du juge d'instruction aurait dû, faute d'un mandat exprès confié à celui-ci, annuler son expertise ;
" alors de surcroît que lorsque le juge d'instruction désigne deux experts pour effectuer une expertise, ceux-ci doivent tous deux exécuter ensemble et conjointement la mission qui leur a été confiée ; que viole le cadre des pouvoirs qui lui ont été conférés par le juge mandant, l'expert qui procède seul à la mission ainsi définie ;
" alors encore que l'excès de pouvoir commis par un des acteurs de la procédure pénale, y compris par un expert désigné par le juge d'instruction et qui ne respecte pas les termes de son mandat, touche à la compétence et que la nullité de l'acte qui en est entaché ne suppose pas la démonstration d'un grief ;
" alors enfin et en toute hypothèse que cause nécessairement un grief au prévenu l'expert qui accomplit seul une mission confiée par le juge d'instruction à deux experts, qui dépose un rapport que les conclusions d'un rapport postérieur viennent controuver, ce qui démontre que la recherche de la vérité s'est trouvée gravement altérée par la méconnaissance de ses propres compétences " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Y..., pris de la violation des articles 159, 593 et 802 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur une demande d'annulation de l'expertise de Monsieur Z... ainsi que des correspondances, notes, écrits émanant dudit expert se référant à l'expertise, a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 159 du Code de procédure pénale, la désignation d'un seul expert est de principe, une collégialité d'hommes de l'art pouvant être par ailleurs nommée si les circonstances le justifient ; que, par conséquent, l'exécution d'une mission par un seul des deux experts désignés, avec l'accord tacite du juge d'instruction, n'est pas de nature à entacher la régularité de l'information ; que l'exécution d'une mission, laquelle ne porte que sur une question d'ordre technique, par un seul expert, quelle que soit la complexité de l'affaire, en l'espèce ni caractérisée ni motivée dans l'ordonnance, n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la défense, dès lors que les parties concernées disposent d'un délai pour discuter le rapport devant le juge d'instruction et solliciter une contre-expertise ; que deux nouveaux experts ayant été désignés avec la même mission, aucun grief ne peut être invoqué par les requérants ; qu'il n'y a lieu à annulation de l'expertise du 3 octobre 1995 ;
" alors que, d'une part, si les circonstances le justifient, le juge d'instruction désigne plusieurs experts ; qu'en l'espèce, le juge d'instruction a expressément fondé son ordonnance du 20 juillet 1995 sur " la complexité de l'affaire " pour désigner deux experts, Messieurs Z... et A... ; que c'est précisément parce que l'affaire ne semblait pas à la mesure de ses compétences que l'expert A... a, par lettre du 11 septembre 1995, informé le juge d'instruction qu'il ne pouvait accomplir la mission qui lui avait été confiée ; que c'est encore en raison de la complexité de l'affaire que l'expert Z..., non éclairé par l'avis d'un deuxième homme de l'art, a commis des erreurs dans les opérations d'expertise et s'est contredit dans son rapport du 3 octobre 1995, comme l'a montré le conseil de Y... dans sa lettre au juge d'instruction du 27 février 1997, demandant la désignation d'un second expert en remplacement de celui défaillant ; que c'est au vu de cette lettre, soulignant la complexité de l'affaire, que le juge d'instruction a désigné deux experts, Mrs B... et C... ; qu'en prenant une telle décision, le juge d'instruction a nécessairement et suffisamment caractérisé la complexité persistante de cette affaire ; que c'est donc à tort que la chambre d'accusation a affirmé que la complexité de l'affaire n'était " ni caractérisée ni motivée dans l'ordonnance ;
" alors que, d'autre part, un expert ne peut jamais être désigné tacitement par le juge d'instruction, pas même pour remplacer un collège de deux experts précédemment désignés et dont cet expert faisait partie, et qu'en toute hypothèse il est exclu qu'en l'espèce le juge d'instruction ait donné son " accord tacite " à la poursuite de la mission par l'expert Z... seul car, si tel avait été le cas, il n'aurait pas ordonné ensuite une nouvelle expertise confiée à deux experts ; qu'ainsi c'est encore à tort que la chambre d'accusation a affirmé que le juge d'instruction avait donné son " accord tacite " à la poursuite de la mission par l'expert Z... seul ;
" alors que de surcroît, l'expert désigné par le juge d'instruction comme membre d'un collège de plusieurs experts, en raison de la complexité de l'affaire, n'a pas le pouvoir de décider lui-même d'exécuter seul sa mission, quand bien même son co-expert se déporte ; qu'il lui incombe de se faire à nouveau désigner par le juge d'instruction, comme seul expert ou comme membre d'un collège d'experts ; qu'ainsi, en l'espèce, le rapport déposé par l'expert Z..., seul son co-expert s'étant déporté, est intrinsèquement vicié et ne satisfait pas aux conditions de son existence légale, en sorte qu'il est nul, sans qu'il soit besoin de justifier de la preuve d'un grief, l'expert ayant excédé la limite de sa saisine et de sa compétence ;
" et alors qu'enfin, subsidiairement, quand bien même un grief devrait-il être établi, il était parfaitement caractérisé en l'espèce puisque, s'agissant d'expertises portant sur le fond de l'affaire, dont les conclusions étaient contradictoires l'une avec l'autre, l'expert Z... ayant estimé que des manquements aux règles de sécurité dans l'atelier de menuiserie étaient caractérisés, tandis que les experts B... et C... avaient estimé que toutes les règles de sécurité avaient été respectées, la circonstance que le juge d'instruction, voire une juridiction de jugement, soient en droit de se fonder sur la première expertise, qui est irrégulière, porte atteinte aux intérêts de Y... " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le juge d'instruction a ordonné une expertise et, en raison de la complexité de l'affaire, a commis deux experts pour y procéder ; que, par lettre adressée au magistrat instructeur, l'un des experts a refusé la mission qui lui était confiée ; que l'autre a seul effectué l'expertise et déposé le rapport ; qu'une seconde expertise, comportant la même mission, a ensuite été confiée à deux nouveaux experts ;
Attendu que pour rejeter la requête en annulation de la première expertise, la chambre d'accusation énonce que l'exécution d'une mission par un seul des deux experts désignés par le juge n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la défense, dès lors qu'aucun grief ne peut être invoqué par les requérants ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, et dès lors que, si elle peut affecter la force probante des conclusions de l'expert, l'exécution irrégulière de l'expertise par un seul expert n'entraîne pas sa nullité, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-87081
Date de la décision : 01/02/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

EXPERTISE - Expert - Désignation - Rapport - Nullité - Application de l'article 802 du Code de procédure pénale.

DROITS DE LA DEFENSE - Instruction - Expertise - Rapport - Nullité - Application de l'article 802 du Code de procédure pénale

INSTRUCTION - Expertise - Expert - Désignation - Rapport - Nullité - Application de l'article 802 du Code de procédure pénale

Si elle peut affecter la force probante des conclusions de l'expert, l'exécution irrégulière de l'expertise par un seul des deux experts désignés par le juge d'instruction n'entraîne pas la nullité du rapport déposé. Justifie ainsi sa décision la chambre d'accusation qui énonce que l'exécution d'une mission par un seul des deux experts désignés par le juge n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la défense, dès lors qu'aucun grief ne peut être invoqué par les requérants. .


Références :

Code de procédure pénale 156, 159, 166, 173, 174, 593, 802

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 14 octobre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 fév. 2000, pourvoi n°99-87081, Bull. crim. criminel 2000 N° 49 p. 135
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 49 p. 135

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Agostini.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Baraduc et Duhamel, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.87081
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